Le ciel bleu coule dans le lit des combes. Les combes, le creux de la main des montagnes, leurs paumes qui s’arrondissent, se referment tendrement pour recueillir l’eau des torrents et les éclaboussures des cailloux polis par le vent.
Des éclats de nuages s’accrochent aux strates horizontales qui traversent les barres sombres et remplies de crevasses.
De la neige, bleue, orange ou grise, acier et oultremer des nuits de pleine lune. De la neige rose des aubes d’hiver où le ciel rempli de foehn se donne des faux airs de couchers de soleil, vous fait voir la vie couleur marshmallow avant d’effacer tous les contours du paysage et de les délayer dans un grand pot de noir.
De la neige polie comme un cristal pour reflèter le ciel.
De la neige plus sèche qu’un coup de trique qui fait craquer Noël.
De son odeur de gros sel jaune et vert lorsqu’il se mélange aux aiguilles des mélèzes, des gros baisers mouillés qui viennent vous lècher le visage, il faut s’asseoir, se coucher sur le dos, les bras écartés, ouvrir la bouche et les yeux. Choisir un flocon au hasard, très haut, aussi haut que porte le regard. Le regarder descendre, passer de la tête d’épingle au poing de ma main. Pas bouger. Regarder. Le monde se met à pencher, imperceptiblement, centimètre par centimètre, jusqu’au point de retournement.
Alors, suspendu par le dos au-dessus du vide, flotter un court instant avant de se laisser tomber à la verticale dans les cascades qui se noient entre deux vallées, au fond du delta des combes du ciel.