Pierrot et Margaret Destrebecq
Ce soir le Bozar met à l’affiche une Marianne « Fidèle » à son public bruxellois. Elle fête 50 ans de carrière et vient nous interpréter, selon les médias, les grands classiques de son long parcours musical.
Il est 19 h 30 lorsque s’ouvrent les portes de la salle Henri Le Bœuf, l’une des plus prestigieuses salles de concert de Belgique sinon du monde, une salle dont l’acoustique n’est plus à démontrer puisque ici se produisent les candidats au plus prestigieux concours de musique classique au monde, le Concours Reine Elisabeth.
Sur la scène siège d’ailleurs le trône à accoudoirs de cette Reine du Rock Pop Jazz Folk Blues, face au public qui remplit la salle petit à petit.
Les derniers préparatifs sont en cours, tuning des guitares, check des micros, tout est en place pour accueillir Marianne Faithfull.
Voilà que retentit la sonnerie qui rappelle au public qu’il est temps de rejoindre la salle. Galopades dans les couloirs, bousculades aux portes d’accès et chacun de chercher sa place.
Moyenne d’âge des spectateurs ? A votre avis ? Entre 40 et 50 ans mais plus près de 40 tout de même et tous ont été bercés par ses chansons et nourris au biberon de sa musique.
Marianne Faithfull est Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres, titulaire de nombreuses distinctions et de prestigieuses récompenses pour son travail, mais retracer ici sa vie n’a aucun intérêt, lisez plutôt sa biographie, elle est édifiante. Une vie d’excès en tous genres dont sa voix porte certainement les séquelles sans perdre de son charme.
La salle est pratiquement comble, il est l’heure.
Sur scène arrivent ses musiciens accompagnateurs, Rob Elis aux drums, Rob McVey à la guitare, Johnny Bridgewood à la basse et aux claviers, Ed Harcourt.
Lumières, voici l’Artiste.
Sous les appels et applaudissements rythmés du public, aidée d’une canne et vêtue d’un costume Yves St Laurent, Marianne Faithfull vient saluer l’assistance. Elle commence par s’excuser et expliquer la présence de la chaise et de sa canne, elle explique sa hanche fracturée et l’opération qui en a découlé, mais « rien de fatal » ajoute-t-elle, Show must go on and it will. Mais c’est douloureux et elle ne peut plus prendre ces bonnes vieilles drogues qu’elle consommait dans son jeune temps. Cela explique le siège dans lequel elle devra s’asseoir par moments pour se ménager.
Elle nous annonce que nous sommes bien trop sophistiqués pour n’attendre d’elle qu’une heure trente des habituels « greatest hits or whatever you call them » de sa carrière. Ce soir elle va donc nous offrir quelque chose de plus sophistiqué, des titres moins connus, juste pour nous, son public.
Son répertoire débute par « Give My Love To London » suivi de « Falling Back » « Broken English » « Witches’ Song » et « The Price Of Love ». Vient ensuite un titre écrit par Daniel Lanois pour Emmylou Harris dont il était follement amoureux (qui ne le serait pas ?), mais c’est finalement Marianne qui a obtenu la chanson, « Marathon Kiss ».
La Diva se rassied et prend sur la table près d’elle sa cigarette électronique. Elle nous explique qu’elle a arrêté de fumer et qu’elle utilise encore parfois sa cigarette électronique, mais très peu. En fait lors de sa prestation au Théâtre National il y a quelques années, elle avait ses clopes sur scène et ne se privait pas d’en user durant son tour de chant.
Elle nous interprète alors « Love More Or Less » puis nous annonce ce qu’elle appelle son 60’s Corner et nous chante « As Tears Go By » après que son assistante Magaly lui ait apporté une tasse d’un breuvage dont elle taira l’origine. S’en suit « Come And Stay With Me » et puis, à la requête d’un fan sur Facebook nous chante a capela « Plaisir D’Amour ». Emotion dans la salle et Marianne nous ressaisit un peu en se levant et criant « Back to real life » encore que pour elle, c’est la vrai vie.
Elle nous tient alors un grand discours sur le « wild side of women » et nous raconte « le livre de la jungle » et l’histoire de Moogli et de Mother Wolf. Elle nous dit s’être glissée dans la peau de Mother Wolf pour regarder l’humanité se battre et s’entretuer pour des principes religieux. Comment est-ce possible, dit-elle ? Ce message est apprécié par l’audience et elle nous chante « Mother Wolf » bien sûr.
Elle passe à l’étape suivante de son show et annonce son « Junkies’ Corner » par une anecdote relative à un show à Vienne où le parking VIP était à un mile de l’endroit du spectacle et qu’elle n’a dû qu’à « sister morphine » de pouvoir se tenir debout ce soir-là. Elle nous chante donc « Sister Morphine » suivi d’un titre de Nick Cave, « Late Victorian Holocaust » et un titre de Roger Waters « Sparrows Will Sing ».
Suit alors son très connu « Ballad Of Lucy Jordan » après quoi Madame tire sa révérence, pour quelques mètres seulement, pour épargner sa hanche et revient s’asseoir pour nous interpréter un titre qui n’a jamais été enregistré sur disque mais se retrouve sur la bande sonore du film « La cité des enfants perdus », « Who Would Take Your Dreams Away ».
Son show de ce soir se termine par « The Last Song », titre composé lors d’une soirée bien arrosée en compagnie de Damon Albarn qui ne se souvenait de rien, mais il y avait fort heureusement un enregistrement de ce moment oublié dans les vapeurs éthyliques. En l’entendant le lendemain, Marianne réalisera être en possession d’un petit joyau.
Et c’est donc bien vrai, c’est la dernière chanson et … exit les musiciens. Reste sur scène une Marianne Faithfull rayonnante, heureuse, profitant pleinement de la « standing ovation » de son public indéniablement « faithful ».
Une très très grande dame nous a donné le meilleur d’elle même ce soir. Mais elle doit partir, demain elle chante à Paris, et… la route est longue.
Pierrot et Margaret