L'auteur de l'article le dit : « Qui l’ignore, franchement ? Le pétrole, c’est la guerre, rien d’autre. Et avant cela, l’entubage, les menaces, le chantage, l’extorsion, les équipes hautement spécialisées. Et après cela, quand il le faut, la mort pour ceux qui résistent encore. Si Total a pu acquérir la taille mondiale d’une supermajor pétrolière, c’est parce qu’elle a absorbé en 2000 Elf Aquitaine, et doublé du même coup son chiffre d’affaires. Elf, entreprise hautement barbouzarde, avait été créée en 1967 par un De Gaulle obsédé par la concurrence américaine, notamment en Afrique. Le projet se confondra avec la Francafrique, et comprendra d’innombrables coups fourrés, du Gabon de Bongo au Congo de Sassou Nguesso, passant par le Biafra martyr. Jusqu’à la fin, Elf enverra des armes aux Biafrais, pour la seule raison que le delta du Niger contient de prodigieuses réserves de pétrole. »
Je lisais dernièrement que l'Irak a accusé un million de morts en 10 ans. Est-il nécessaire d'en rajouter ? Non, on ne connaîtra jamais le nombre de morts du pétrole !
Michel Peyret
Planète sans visa
Une autre façon de voir la même chose
Derrière Margerie, les morts du pétrole
Publié le 5 novembre 2014
Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 29 octobre 2014
Eh ben non, on ne pleure pas. Total détruit les territoires et les peuples, s’attaque autant qu’il lui est possible aux équilibres climatiques, et aimerait qu’on l’aime, comme tous les salauds de la Terre. Pensée émue pour les Patagons d’Argentine, les Egi du Nigeria et les esclaves de Birmanie.
Louis XVI, lui aussi, était une excellente personne, ce qui ne l’a pas empêché d’avoir des soucis. Les infernales prosternations devant la dépouille de Margerie signifient au moins une chose : ce pays va très mal, qui conduit même les écolos estampillés à quelques trémolos de circonstance. La palme indiscutable à Jean-Vincent Placé, rendant hommage « à un grand capitaine d’industrie français très lucide sur la situation de la planète ». Il y a pourtant une vérité simple : on ne peut pas pleurer tout le monde, car la mort est partout, car il y a trop de candidats. Or Margerie dirigeait une entreprise criminelle, et si ce rappel embête nos petits chéris de l’Élysée et d’ailleurs, c’est tant pis pour leur gueule.
On ne peut ici qu’évoquer deux ou trois points, parmi des centaines d’autres. Ne revenons pas sur la Birmanie et le rapport frelaté de Kouchner – 2003 - contestant le soutien de Total à la junte militaire, explicitement dénoncé par le prix Nobel Aung San Suu Kyi, alors encabanée. Ne parlons pas des enquêtes précises pour corruption dans le cadre de l’exploitation pétrolière au Cameroun. En Libye, en Tanzanie, en Russie. Ni de celles menées sur fond de pétrole et de gaz offshore iranien. Ni du « Pétrole contre nourriture », qui permit d’arroser tant de mafieux et de salauds, quand l’Irak de Saddam Hussein était soumis à embargo. Ni du grand massacre de la Patagonie argentine – en cours – où Total envoie se faire foutre Indiens mapuche et pumas. Ni du saccage biblique du territoire Egi, au Nigeria.
Qui l’ignore, franchement ? Le pétrole, c’est la guerre, rien d’autre. Et avant cela, l’entubage, les menaces, le chantage, l’extorsion, les équipes hautement spécialisées. Et après cela, quand il le faut, la mort pour ceux qui résistent encore. Si Total a pu acquérir la taille mondiale d’une supermajor pétrolière, c’est parce qu’elle a absorbé en 2000 Elf Aquitaine, et doublé du même coup son chiffre d’affaires. Elf, entreprise hautement barbouzarde, avait été créée en 1967 par un De Gaulle obsédé par la concurrence américaine, notamment en Afrique. Le projet se confondra avec la Françafrique, et comprendra d’innombrables coups fourrés, du Gabon de Bongo au Congo de Sassou Nguesso, passant par le Biafra martyr. Jusqu’à la fin, Elf enverra des armes aux Biafrais, pour la seule raison que le delta du Niger contient de prodigieuses réserves de pétrole.
Le reste, au fond anecdotique, s’appelle « Affaire Elf ». Sous la présidence Le Floch-Prigent – 1989-1993 - , les moteurs de la corruption s’emballent. On ne tape plus seulement dans la caisse pour acheter les satrapes, mais pour se payer putes et champagne, belles chaussures et grandioses maisons. C’est l’époque royale de Dédé la Sardine, Roland Dumas, Alfred Sirven, qui se termine sans qu’aucun des vrais dossiers n’ait été mis au jour.
Pourquoi ? Mais parce que chut. Les initiés – pas si rares que cela – savent parfaitement que Margerie était l’un des visiteurs du soir de Hollande et Valls, qui pleurent d’ailleurs à chaudes larmes leur si cher ami disparu. Au-delà, car il y a un au-delà, la puissance colossale de Total – autour de 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel – interdit toute action contre la crise climatique. Du point de vue de l’histoire humaine, le plus grand crime de Total est là. La plus grande entreprise française gagne ses milliards en déstabilisant le climat pour des milliers d’années.
Alors que la France prépare une nouvelle conférence mondiale sur le climat, en 2015, qui fait bander bureaucrates et charlatans politiques de tout poil, la mort de Margerie remet si besoin les pendules à l’heure. Tous les signaux sont au rouge vif. L’objectif de limiter à deux degrés l’augmentation moyenne des températures n’est plus défendu par personne, pour la raison simple que les émissions de gaz à effet de serre explosent. Notamment à cause de la place démesurée qu’ont tous les Margerie de la planète auprès de nos si grands dirigeants de poche. Non, décidément, Margerie n’était pas plus coupable que Louis XVI. Mais pas moins. Et donc, fuck
Publié dans Industrie et propagande, Politique, Climat