Hommage du Salon de la Photo à Sabine Weiss

Par A Bride Abattue @abrideabattue
Le Salon de la photo se tient à Paris Porte de versailles du 13 - 17 novembre 2014 et il a choisi de rendre hommage cette année à la "grande" photographe Sabine Weiss. Si je mets le mot grande entre guillemets c'est avec une forme d'affection car pour avoir eu la chance de la rencontrer plusieurs fois, je peux vous dire qu'elle est petite en taille. Mais son talent, son regard et son humour sont immenses.
Elle parle très bien de son art : Faire des images de ce que je vois dans la vie est un bonheur, une nécessité même. Pour moi, saisir l’instant, exprimer l’émotion, attraper le geste ou l’ambiance de la chose vue et de communiquer cette vision à autrui est la passion du photographe.
On connait peu de photos d'elle. L'autoportrait que voici date de 1954, une époque où la pratique du "selfie" ne se faisait pas bras tendus avec son téléphone portable
J'ai vu récemment ce même type de cliché dans le film A la recherche de Vivian Maier, le récit insensé de cette nourrice française, expatriée à New York, dont l'oeuvre photographique (quelque 30 0000 photographies) n'aura été exposée qu'après sa mort grâce à la découverte quasi accidentelle de John Maloof.Une fois n'est pas coutume, je reprendrai l'essentiel du communiqué de presse pour vous présenter Sabine parce que je ne vais pas pouvoir réaliser une interview originale. Je vous renvoie malgré tout à deux expositions précédentes dont j'ai rendu compte sur le blog en 2009 et en 2012
Sabine Weiss est née en 1924 à Saint-Gingolph en Suisse. Elle commence très jeune à photographier avec un petit appareil en bakélite acheté avec ses économies. "Petite je faisais déjà des tirages par contact dans des petits châssis de bois que je plaçais sur ma fenêtre et que je fixais au sel de cuisine !"
A dix-sept ans, elle prend la décision de devenir photographe puisque c’est ce qu’elle aime faire par dessus tout. Elle entre à dix-huit ans dans le très réputé atelier Boissonas à Genève. "C’est là que j’ai appris la technique de l’éclairage, la retouche, la pratique des chambres en bois 18x24 et 24x30. Je faisais de tout : les tirages, les glaçages, la fabrication des bains et les livraisons chez les clients".
En 1945, elle obtient son diplôme de photographe et ouvre son propre atelier en plein centre de Genève. Là elle réalise des photographies de publicité, des portraits, commence le reportage avant de partir s’installer définitivement à Paris en 1946. Dès son arrivée, elle immortalise le Paris des années 50, ce Paris populaire qui baigne dans l’ambiance particulière de l’après-guerre.
Recommandée par un ami, elle se présente chez Willy Maywald, célèbre photographe de mode, et en devient l’assistante. "J’ai travaillé dans des conditions inimaginables aujourd’hui, mais avec lui j’ai compris l’importance de la lumière naturelle comme source d’émotion". Elle rencontre de nombreuses personnalités du monde de l’art, de la littérature, du théâtre comme Cocteau, Gérard Philippe, Edwige Feuillière, Utrillo, Rouault, Léger, Arp... assiste à l’ouverture de la maison Dior et à la présentation de la première Collection au 37 avenue Montaigne.
En 1949 elle rencontre son mari le peintre américain Hugh Weiss et décide de s’installer à son compte. Robert Doisneau découvre ses photographies chez Vogue, et lui propose d’entrer à l’Agence Rapho dont il fait partie (et où Sabine est toujours). Cette même année 1952, elle signe avec le magazine un contrat qui durera neuf ans, et travaillera pendant de longues années avec de nombreuses revues américaines comme Time, Life, NewYorkTimes, Newsweek, Town & Country, Fortune, Holiday, European Travel & Life, Esquire.
Dès 1954 elle est exposée aux Etats-Unis : à l’Art Institute de Chicago, au Walker Art Center de Minneapolis, au Bard College, à la Limelight Gallery de NewYork, au Nebraska Art Center de Lincoln, et en Allemagne à l’occasion de l’exposition «"Subjective Fotografie" d’Otto Steinert.
En 1955 le photographe américain Edward Steichen choisit trois de ses photographies pour l’exposition qu’il organise au Museum of Modern Art de NewYork "The Family of Man", événement qui marquera l’histoire de la photographie.
Dans les années soixante, elle poursuit ses collaborations avec les agences de publicité, la presse européenne et américaine, partageant son activité entre les commandes et l’approfondissement de son travail personnel. Ces dernières années, Sabine Weiss se consacre à des expositions mettant en valeur toute son œuvre dite humaniste qui la touche particulièrement.
Son travail photographique est pluridisciplinaire :• Le Portrait : passionnée de musique, elle fixe les visages de grands compositeurs, interprètes et chefs d’orchestre pour la presse mais aussi pour Pathé Marconi (Igor Stravinski, Benjamin Britten, Pablo Casals, Stan Getz, Maria Callas,...) Pour Vogue, l’Art d’Aujourd’hui, L’Oeil elle réalise des portraits d’artistes, d’écrivains, de personnalités (Cocteau, Breton, Braque, Miro, Giacometti, Dubuffet, Niki de Saint-Phalle, Françoise Sagan, Coco Chanel, Jeanne Moreau, ... )• La Mode et la Publicité : elle réalise de très nombreuses photo de mode et conçoit des campagnes publicitaires à la demande des agences dans tous les domaines (beauté, alcool, textile, mode enfantine,...)• Le Reportage : pour des commandes presse ou pour le plaisir, elle sillonne le monde.• Et surtout l’Humain : attachée à la vie dans son quotidien, aux émotions et aux gens, son travail mêle poésie et observation sociale. "Lumière, geste, regard, mouvement, silence, repos, rigueur, détente, je voudrais tout incorporer dans cet instant pour que s’exprime avec un minimum de moyen l’essentiel de l’homme.", "Mes photos (...) expriment un certain amour que j’ai pour la vie".
Sabine Weiss récuse le statut d’artiste. Son but est de témoigner plutôt que de créer : - "J’ai toujours senti le besoin de dénoncer avec mes photos, les injustices que l’on rencontre." - "Je n’aime pas les choses très éclatantes mais plutôt la sobriété... il ne s’agit pas d’aimer bien, il faut être ému. L’amour des gens, c’est beau. C’est grave, il y a une profondeur terrible. Il faut dépasser l’anecdote, dégager le calice, le recueillement. Je  photographie  pour  conserver  l’éphémère,  fixer  le  hasard, garder en image ce qui va disparaître : gestes, attitudes, objets qui sont des témoignages de notre passage.  L’appareil  les  ramasse,  les  fige  au  moment  même où ils disparaissent".
La photographe utilise essentiellement le noir et blanc, et axe sa recherche sur un cadrage précis, une certaine lumière, des ambiances... Elle fait de la photographie un art de vivre, arpente Paris - souvent la nuit - à la recherche de scènes de rue, de vies de solitude, de jeux d’enfants, de figures humaines dans la fugacité d’une émotion... Sa formidable production dénombre beaucoup d’enfants, de vieillards, ou encore de sourires de stars... tous empreints de spontanéité et de simplicité.
Doisneau disait à propos des photographies de Sabine Weiss : "Les scènes, en apparence inoffensives, ont été inscrites avec une volontaire malice juste à ce moment précis de déséquilibre où ce qui est communément admis se trouve remis en question".
Ses photographies font partie de collections prestigieuses : Museum of Modern Art de New York (MoMA), Museum of Modern Art de Kyoto, Metropolitan Museum of Art, Art Institute of Chicago, Musée de l’Élysée à Lausanne, Centre Georges-Pompidou, Maison européenne de la photographie, Kunsthaus de Zürich, Musée français de la photographie, Musée Carnavalet.
Il était naturel que le Salon de la Photo fêter ses 90 ans avec éclat à travers une centaine de clichés représentatifs de son œuvre "humaniste". Dans une vidéo inédite de la réalisatrice Stéphanie Grosjean Sabine Weiss présente elle-même ses archives professionnelles et révèle les aspects si différents de son métier de photographe.
Enfin 9 photographes professionnels, cadets d’environ un demi-siècle ont réalisé chacun une photographie dont ils ont eu le "déclic" à partir d’une photographie de Sabine Weiss.
Ce sont  Catalina Martin-Chico, Cédric Gerbehaye, Florence Levillain, Jean-Christophe Béchet, Marion Poussier, Mat Jacob, Philippe Guionie, Stéphane Lavoué, et Viviane Dalles. Leurs clichés relèvent à la fois de l'hommage, de la citation et apportent un nouveau regard.
Je m'étais très modestement livrée à ce type d'exercice avec la complicité de Sabine il y a quelques mois.Le salon de la Photo Chère SabineHommage du Salon de la Photo à la photographe Sabine WeissDu 13 au 17 novembre 2014Parc des Expositions Porte de Versailles 75015 Paris 
http://www.lesalondelaphoto.comhttp://sabineweissphotographe.com/