un suicide cette nuit

Publié le 22 novembre 2014 par Dubruel

d'après LA NUIT de Maupassant

C’est avec passion que j’aime la nuit.

Je l’aime comme on aime son pays

…Ou sa maîtresse.

Le jour m’ennuie.

Quand le soleil baisse,

Une joie confuse m’envahit.

Hier, je suis sorti après le dîner.

On riait, on buvait

Sur les Champs-Élysées.

Je descendais l’avenue de la Grande-Armée

Et j’allais jusqu’à Longchamp.

Je m’y promenai depuis longtemps

Quand un frisson singulier me saisit,

Une exaltation de pensée

Qui touchait à la folie.

Je revins en ville. Elle s’endormait.

Les cafés n’étaient plus éclairés,

Quelques attardés se hâtaient.

Je n’avais jamais vu Paris aussi mort, jamais.

Une force me poussait.

J’avais encore besoin de marcher.

Devant le Crédit Lyonnais,

Un chien grognait.

J’errai.

Pas un passant, pas un rôdeur. Je criais.

Personne ne répondait.

Ma voix s’envolait, écrasée par la nuit.

Je marchais depuis un temps infini.

Sous moi, mes jambes fléchissaient.

Ma poitrine haletait.

J’eus faim et voulus souper.

Tous les restaurants étaient fermés.

L’épouvante me saisissait.

Que se passait-t-il ?

Oh ! Mon Dieu ! Que se passait-il ?

Je continuais de marcher.

Qui pourrait me dire l’heure ?

Plus un frisson dans la ville. Pas une lueur,

Pas un son dans l’air.

Rien ! Plus rien.

Plus rien !

J’arrivais sur les quais.

Une fraîcheur glaciale montait de la rivière.

Je trouvai l’escalier…

Puis l’eau…J’y trempais mon bras.

L’eau coulait !

Elle coulait…froide…froide…presque gelée.

La Seine coulait !

Je n’ai pas la force de remonter sur le quai…

De faim, de fatigue, de froid, je vais mourir là…