Liliane Giraudon publie Le Garçon cousu (livre en librairie le 28 novembre).
1
Une jetée. Un sac
Elle dit : Je suis ce que j'écris.
C'est dans ce sac, ce simple sac.
Les pages de mon livre.
Toutes les pages de mon livre.
Elle dit : Regardez-moi.
Je suis ce que j'écris.
Ici, sur la jetée.
Je suis venue
Jeter mon livre.
Mon dernier livre.
Regardez-moi.
Un écrivain.
C'est moi.
Rien à voir avec ce qu'on vous montre.
Tout ce qu'on raconte.
Je suis ce que j'écris.
Ce que j'écris est un autre.
Prouve-moi que tu n'es pas ce que tu es, langue !
Un corps qui traîne.
Décompose ses mouvements.
Il ne fait pas froid.
Des phrases lentes sont-elles une protection contre le passé ?
Et l'avenir ?
Mon sac.
La robe que je porte est mon sac.
Je suis le sac qui porte mes livres.
Tous mes livres.
Et la grammaire.
Je suis la grammaire.
La porte et son chien. Le chat.
La multiplicité des grammaires.
2
Un radeau est une structure flottante qui dérive.
Autant rêver chaque matin.
Ici, rien ne dérive.
Rien que la vitesse des phrases dans ma tête.
Je suis un écrivain, regardez. Moi je suis un écrivain.
Ne vous trompez pas.
La place du point c'est une barge.
Le point dans la voix est un flotteur.
Il peut couler le sens.
" Je suis un écrivain, regardez. Moi je suis un écrivain. ".
N'a pas le même sens que
Je suis un écrivain, regardez-moi. Je suis un écrivain. "
3.
Ce corps qui s'éloigne est-il semblable à celui qui revient ?
Toutes ces années à monter des phrases.
Un travail de traduction.
À l'intérieur.
Une seule et même langue
Vous voyez ?
La tête en l'air.
La tête au-dessus.
C'est dans la tête.
Pour que ça sorte il faut poser. Poser la tête à côté.
Dans le sac le livre. Chaque matin je viens ici.
Aérer la tête. Faire de l'exercice.
S'exercer à déposer la tête.
La tête dans le sac.
C'est une décollation.
Ça existe en peinture. Voyez Artémisia !
Elle connaît le protocole.
4
La théorie de la couleur en donne je pense l'analogie la plus exacte.
J'y pense.
J'y pense depuis longtemps.
Des années.
Ce rouge.
C'est le vent. Ça bouge dans le vent.
Ce dont nous avons besoin c'est d'un cercle chromatique pour les sons.
Moi, la langue parlée me rafraîchit.
Surtout si elle est étrangère.
Un idiome n'est pas un sac.
Une autre mer.
La langue est plate. C'est une main.
Marcher sémantise les phonèmes.
Ici je marche.
La langue agitée.
Langue-voix dans le corps. Et dégradable.
Cave et grenier la barque flotte dans les airs.
Se déplace vers les eaux.
Rouge-mouvement.
Ce que nos mères apprenaient.
Mimique des bêtes.
Direction des orages.
Les lignes sont tordues. Les lignes je les tords
[...]
Liliane Giraudon, Le Garçon cousu, P.O.L., 2014, pp. 73 à 76, (livre en librairie le 28 novembre).
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