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N’essayez pas de comprendre le marché de l’art !

Publié le 20 novembre 2014 par Edelit @TransacEDHEC

Comment est-il concevable qu’un individu soit prêt à payer 60 millions d’euros pour un crâne serti de diamant ? En effet, c’est à ce prix qu’est estimé par les experts l’œuvre d’art contemporain de l’artiste anglais Damien Hirst. Est-il possible qu’un agent économique rationnel puisse acheter un tel bien ?

Comment expliquer l’essor d’un tel marché irrationnel ?

Jeff Koons est certainement l’un des artistes d’art contemporain les plus en vogue en ce moment. L’artiste américain, autrefois trader, exhibera une partie de ces œuvres ce mois-ci au centre Pompidou à Paris. Cela juste un an après avoir battu le record de prix en vente privée, en vendant sa célèbre sculpture ‘Balloon dog’ pour la modique somme de 58,4 millions d’euros.

Les plus sceptiques d’entre nous y verront peut-être l’espoir pour les plus grandes fortunes mondiales d’échapper à l’impôt sur le revenu de leur pays respectif. Néanmoins, cela ne semble pas être la motivation principale des acquéreurs de grandes œuvres d’art contemporain.

L’achat de telles œuvres peut aussi être vu comme une volonté de la part d’une très faible minorité de se distinguer en achetant des œuvres d’art non seulement uniques mais aussi très différenciantes. Cela leur permet ainsi de s’inscrire dans un groupe social spécifique.

Un non-sens micro et macro-économique

L’analyse microéconomique se base sur une hypothèse fondamentale qui conditionne toutes les autres : l’être humain est foncièrement rationnel. Les agents économiques analysent tous les biens selon leurs préférences, leur revenu et le prix des biens pour ensuite les consommer de manière efficiente. Toutefois, cette hypothèse est souvent mise à mal par des évènements de la vie réelle, et notamment, par le fonctionnement du marché de l’art contemporain.

L’hypothèse de l’homo oeconomicus, pierre de touche de l’analyse économique, est en effet fortement remise en cause par ce marché très spécial. Sur ce dernier, les acteurs sont prêts à dépenser des millions pour un bien pour lequel ils n’ont qu’une très faible utilité. L’individu ne semble plus se baser sur un système de prix et de comparaisons objectives, mais bien sur une envie purement subjective. Sinon, comment expliquer qu’un collectionneur grec puisse avoir acheté, pour 1,2 millions d’euros, un urinoir hors-service (de Duchamp) ?

Le marché de l’art est d’autant plus énigmatique qu’il nage complètement à contre-courant de la tendance économique globale. En effet, alors que la croissance mondiale n’était que de 3% l’an dernier, le nombre de vente sur le marché des ventes aux enchères publiques a augmenté de 35% !

Un marché de plus en plus incompréhensible ?

Cette énigme est d’autant plus présente que les œuvres d’aujourd’hui ne répondent plus aux critères esthétiques traditionnels. Il n’est plus anodin de voir se vendre à des millions des urinoirs, des sculptures de la panthère rose ou même une sculpture d’un cochon taille réelle. Toutefois, la palme revient tout de même à l’artiste italien Pierro Manzoni, qui est parvenue à vendre en 1961 des boites de conserves … contenant ses excréments. Aujourd’hui, les Merda d’Artista ne vaudraient chacune pas moins de 127 000 euros !

Il est ainsi très difficile de déterminer des raisons esthétiques objectives à l’achat d’une œuvre d’art. Peut-être que le marché de l’art ne dépend que du fond irrationnel de chacun, d’une pulsion soudaine et inexplicable qui ne rentre pas vraiment dans la logique de consommation de l’individu. Au fond, il semble que le marché de l’art soit ce lieu mystérieux, presque extraordinaire, qui arrive à transformer un produit anodin ou totalement dégoûtant en un ‘must have’.


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