J'aurais
pu, dû, vous parler de ce livre plus tôt, beaucoup plus tôt. Dès
sa parution, en fait. Mais voilà, j'aurais au moins appris une
chose. Il ne faut jamais, JAMAIS, laisser un livre sur son bureau
quand autour de vous, il n'y a que des lecteurs voraces, prêts à
bondir sur le moindre bouquin dont vous leur avez annoncé la
parution depuis un moment déjà. Et vous avouerez que ne pas être
entouré de lecteurs voraces quand vous bossez en bibliothèque,
c'est un tantinet difficile. Je le savais, pourtant, oh oui, je le
savais, mais il suffit d'un seul petit moment d'inattention, et c'est
déjà trop tard. Car mes chères, mes irremplaçables et adorables collègues de travail (salut les filles ça
va ?), ont eu la bonne idée de se passer le premier tome de
Thunder entre elles, malgré mes maigres récriminations. Oui,
maigres. Je les connais. Elles ont beau être adorables, lorsqu'il
s'agit de livres qu'elles veulent lire séance tenante, elles peuvent
s'avérer... mordantes, et par conséquent, dissuasives. Oui,
je sais, je me donne le beau rôle mais ne vous y trompez pas, je
leur en fais baver par bien d'autres aspects dont conviendrez qu'il
n'est pas utile d'en faire la liste, ici et maintenant. Vous ce qui
vous intéresse c'est que je vous parle du livre, n'est-ce pas ?
Alors allons-y !
A la
mystérieuse mort de son père, l'une de plus grandes fortunes de la
planète, Ilya voit sa vie basculer du tout au tout. Plutôt que de
rejoindre son école privée en suisse pour la rentrée, le jeune
homme part séance tenante pour Londres afin de vivre avec une
grand-mère qui lui est totalement inconnue. En guise de rentrée, le
voici donc blackboulé à l'Institut Excelsior où les quelques
personnes avec qui il va lier connaissance presque malgré lui vont
révéler des facultés pour le moins exceptionnelles.
David Khara fait partie de ces auteurs pour lesquels je lâche tout quand
il sort un nouveau bouquin. Pas de fanatisme débridé là-dessous ni
d'adoration inquiétante, il se trouve juste que, jusqu'à présent,
j'ai toujours grandement apprécié les histoires dans lesquelles il
m'a embarqué. Celle-ci ne fait pas exception et le fait qu'il signe signe là
son premier roman à destination de lecteurs plus jeunes n'y change rien. Ça n'est
en tout cas pas être une barrière, bien au contraire. Plusieurs
raisons à cette adhésion. La première étant qu'on devine les
influences de David Khara à travers l'ensemble de ses ouvrages et, plutôt que de les régurgiter au point d'être trop marquées,
trop évidentes, il les fait siennes, les transforme au point de
livrer une œuvre singulière et prenante à bien des égards. Il
parvient ensuite à camper une ambiance et une situation à
l'économie de mots et de menus détails qui savent révéler leur
pertinence sur le long terme. Ainsi le sort d'Ilya et de ses
comparses, par le mystère qui les entoure, par les péripéties et
les obstacles qu'ils sont amené à rencontrer nous importe vraiment.
Sans doute aussi parce que le lien qui les unit, l'amitié naissante que
l'on sent naître entre eux malgré leurs différences puise sa
source dans l'Histoire et les sombres recherches scientifiques que la
seconde guerre mondiale a entraîné dans son sillage. David Khara
dresse ainsi une belle passerelle avec sa trilogie Projet – LeProjet Bleiberg, Le Projet Shiro et Le Projet Morgenstern qui l'a révélé au grand
public.
La
démarche est d'autant plus habile qu'elle ne gêne à aucun moment
la mécanique du récit, mené tambour battant, avec ce qu'il faut
d'humour, de gravité, de tension et aussi d'émerveillement à
mesure que l'on découvre les capacités du groupe de jeunes et de
l'interaction salutaire qu'elles génèrent entre eux. Là encore,
leurs différences ne sont jamais une barrière et dès lors que les
pièces du puzzle s'assemblent les unes après les autres, que les
bases de l'histoire s'éclairent enfin, le lecteur, jeune ou moins
jeune, est ferré. Il n'aspire qu'à une chose : embrayer avec
la suite. Laissons à l'auteur le temps de l'écrire, nous n'en
serons à coup sûr que plus surpris encore. Compris les filles?
Thunder, tome 1, Quand la menace gronde, de David Khara, Rageot, 2014, 215p.