Menée par l’École d’économie de Paris, une expérimentation, dont « La Croix » dévoile les résultats, met en lumière l’importance des relations familles-école.
Deux réunions de deux heures avec les parents des élèves en difficulté au cours de la 3e permettent ainsi de réduire de cinq points le pourcentage de décrocheurs.
Voilà une étude qui tombe à point, alors que le chef du gouvernement Manuel Valls et la ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem doivent dévoiler vendredi 21 novembre un nouveau plan de lutte contre le décrochage scolaire. Une expérimentation a été conduite par l’École d’économie de Paris dans 37 collèges volontaires de l’académie de Versailles présentant une proportion élevée de jeunes d’origine sociale très modeste. Résultat : il suffit souvent d’accompagner les parents des élèves en difficulté bien en amont des procédures d’orientation pour réduire significativement la part de ceux qui quittent le système éducatif sans le moindre diplôme.
UN DÉCALAGE ENTRE LES ASPIRATIONS DES JEUNES ET LEURS CAPACITÉS SCOLAIRES
Les auteurs de cette étude, Dominique Goux, Marc Gurgand et Éric Maurin sont partis d’un constat : en fin de collège, beaucoup d’élèves « redoublent, tâtonnent, puis finissent par abandonner l’école sans avoir trouvé leur voie ». Avec les conséquences dramatiques que l’on sait : chômage, précarité, voire délinquance.
Ce phénomène, ont-ils pu constater, est dans une large mesure lié à un décalage entre, d’une part, les aspirations des jeunes et de leurs familles et, d’autre part, leurs capacités scolaires. « Fait inattendu, notre enquête révèle que les trois quarts des familles de ces élèves pensent que leur enfant obtiendra le baccalauréat. D’ailleurs, 67,3 % demandent une seconde générale, technologique ou professionnelle lors des vœux d’orientation et 10,4 % demandent à redoubler ou font appel de la décision du conseil de classe, dans l’espoir d’accéder in fine à une filière préparant au baccalauréat », écrivent-ils.
DEUX RÉUNIONS COLLECTIVES DE DEUX HEURES DANS L’ANNÉE
Or objectivement, les chances de succès de ces élèves au « bac » sont bien minces. Dans l’échantillon retenu, composé de 97 classes, la majorité n’obtiennent pas leur brevet des collèges. Et les statistiques nationales montrent qu’à peine 8,2 % des personnes ayant raté ce premier examen finissent par avoir leur baccalauréat…
Pour éviter à ces jeunes de foncer droit dans le mur, les chercheurs de l’École d’économie de Paris ont demandé aux chefs d’établissement d’organiser deux réunions collectives de deux heures chacune entre le chef d’établissement et les parents des élèves exposés au risque de décrochage.« Dimension à part entière du dispositif, le principal a contacté personnellement chaque famille pour l’inviter à participer aux réunions », soulignent les auteurs.
Durant ces rencontres, programmées durant l’année de 3e , entre fin janvier et début avril, suffisamment tôt pour laisser aux intéressés le temps de la réflexion, le principal diffuse un DVD dans lequel d’anciens collégiens évoquent leur expérience scolaire au lycée ou dans un centre d’apprentissage. En s’appuyant sur un guide fourni par l’académie, il informe et conseille les parents sur le système, très complexe, d’orientation et d’affectation. Il discute aussi avec chaque famille de ses attentes et sonde leur adéquation avec les résultats scolaires de l’enfant.
UNE BAISSE DU NOMBRE DE DÉCROCHEURS CONSTATÉE
Les effets semblent probants. Ces familles s’impliquent beaucoup plus, participent davantage aux autres réunions d’information, organisées notamment à l’initiative des associations de parents d’élèves. Surtout, deux ans après, la proportion de décrocheurs parmi les élèves concernés par l’expérimentation est de 15 %, contre 20 % dans les 82 classes « témoins » où l’on n’a pas organisé de rencontres de ce type.
Alors qu’il est souvent question d’orientation « subie », surtout par les jeunes issus de familles populaires, peu familières des arcanes du système scolaire, Marc Gurgand tient à prévenir tout malentendu : « Il ne s’agit pas de détourner ces jeunes d’études supposées ambitieuses », plaide-t-il, chiffres à l’appui. Dans le groupe expérimental, la proportion d’élèves qui entrent au lycée en filière générale ou technologique (18 %) ou qui choisissent de préparer un bac professionnel (50 %) ne varie pas.« L’expérience a en réalité pour effet de diriger vers un CAP ou vers l’apprentissage des jeunes qui, sans cela, ne se seraient inscrits nulle part à l’issue de la 3 e ou auraient décroché un an plus tard, après avoir redoublé. »
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