C’est une petite révolution : depuis un an maintenant, le collège du Spoutnik de Plouvenic n’accueille plus d’élèves. C’est devant des salles vides que les professeurs viennent désormais faire cours. Les enfants, eux, restent à la maison.
Des résultats probants
Et les progrès n’ont pas tardé à venir. Les cours sont plus sereins, les enseignants moins stressés, les élèves, libérés du réveil matinal, du temps de trajet et des heures de cours, moins fatigués et les parents, soulagés du prix des fournitures, de la cantine et de la pression scolaire, épanouis. Sans cours, sans notes, sans punitions, sans sanctions et sans élèves, le collège du Spoutnik ne cesse de grimper dans les classements nationaux au risque d’affoler les statistiques. Au Ministère, on s’intéresse chaque jour davantage à cette expérience inédite mais fructueuse inspirée d’un dispositif qui a déjà fait ses preuves dans l’état d’Alaska.
Conservateurs mais pas bornés
Evidemment, cette transformation ne s’est pas faite sans heurts. Le Principal du collège confie, en effet, qu’une grande partie du personnel s’est dans un premier temps montrée réfractaire: « le corps enseignant a son conservatisme mais il n’est pas borné. Les débuts ont certes été difficiles, certains ont mal vécu d’être privés des élèves, de faire cours seuls dans leur salle mais nous avons écouté chacun, pris le temps de la discussion. Après quelques semaines de calme, la mesure a davantage convaincu. Peu, aujourd’hui, seraient prêts à refaire cours comme avant« .
Etudier Joyce en 6ème
C’est ce que confirme la plupart des enseignants du Spoutnik. « Finalement, les élèves, on s’en passe très bien. Je n’ai jamais été aussi respectée. J’apprécie le silence qui règne durant mes cours » témoigne Josette P., professeur de mathématiques victime à deux reprises d’épisodes dépressifs durant sa carrière. « Je me fais plaisir » s’amuse-t-elle, « j’aborde parfois en 5ème des chapitres qu’on fait généralement en Maths Sup et ça passe tout seul « . Cette mesure comble aussi Patrick B., professeur d’éducation musicale : « grâce au collège sans élèves, j’ai pu réinstaurer l’apprentissage de la flûte à bec. En ce moment, nous jouons du Schoenberg. Cela aurait été impensable avec des élèves« . Même son de cloche pour Livia G. , petite brune à la frange enjouée, qui fait lire Ulysse de Joyce à sa classe de 6ème, « un texte ardu. Sans élèves, c’est plus facile. » Seul bémol dans ce concert de louanges, celui de Lucien V. professeur d’allemand : « pour moi, ça ne change rien. Je n’avais déjà plus d’élèves. Dans ma discipline nous avons été précurseurs. »
Des relations pacifiées
Tous s’accordent à trouver le collège métamorphosé. La Vie scolaire se félicite de pouvoir enfin faire un travail de fond : « entre les absences, les retards et les tracas quotidiens, nous n’avions pas la possibilité de sortir la tête de l’eau. C’est enfin chose possible. L’établissement est pacifié. Le nombre de sanctions a considérablement diminué « . « Le budget de ce collège s’est trouvé allégé, du coup nous avons pu davantage investir dans l’équipement numérique » se réjouit aussi la gestionnaire de l’établissement.
Réserves syndicales
Les syndicats, eux, sont en revanche plus mitigés. Sans élèves, les cours sont plus longs : » le temps consacré à faire asseoir la classe, à demander le silence, à faire cesser les bavardages a disparu. C’étaient des respirations au milieu des cours. Avec cette mesure, on demande plus aux enseignants. Nous souhaitons que le Ministère en tienne compte en termes de salaires « . Le Rectorat, qui a accompagné le dispositif, souhaite, quant à lui, prolonger voire généraliser l’expérience et, pourquoi pas, aller plus loin.
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