Il est des soupirs qui en disent long. Un long, très long soupir: c’est l’attitude que choisissent invariablement les représentants de l’administration de l’Education nationale lorque je les interroge sur leur nouvelle ministre, Najat Vallaud-Belkacem.
Certes l’administration de cette vieille maison n’aime rien tant que se gausser gentiment des politiques. Mais il me semble que nous atteignons ces derniers mois une sorte d’acmé dans la désillusion. Voici un florilège de ces soupirs désabusés.
Elle ne travaille pas
Cette observation, distillée par certains membres du cabinet de la ministre, semble assez partagée. Mais alors que fait une ministre qui ne « travaille pas? », dans le jargon de la haute administration?. Au lieu de se plonger dans des notes techiques que lui aura soumise ladite haute administration, le ou la ministre qui ne travaille pas préfèrera se concentrer sur des enjeux politiques ou de pure communication. Un ministre qui ne travaille pas honore tout de même un agenda plein comme un oeuf où se succèdent audiences syndicales, entretiens avec des personnalités du secteur, commissions au Parlement, conseil des ministres, séances de questions à l’Assemblée… Ce qui est certain, selon nos confrères de « L’Obs » c’est que la ministre emploie une partie de son temps à relire les Mémoires de Jean Zay. Nous voilà rassurés quant à la capacité de la jeune femme à assurer son propre « story telling ».
Elle ne fait que de la comm
La critique est récurrente, et d’un certain côté facile pour celle qui fut une excellente porte-parole. « Najat est une éponge, elle a une fantastique capacité à absorber les idées qu’on lui soumet », observe l’un de ses proches. Un conseiller lui fait part d’un sujet? La ministre pensera immédiatement à la manière dont elle peut « scénariser » la question, et y travaillera avec son pôle « communication » avec qui elle passerait plus de temps qu’avec les « technos » du cabinet.Scénariser, story-teller, mettre en scène: voici la feuille de route d’une ministre qui sait mieux que personne s’emparer d’une matière première -l’école, les politiques éducatives- pour en faire son miel. « Elle pourrait faire exactement la même chose au Quai d’Orsay, à l’Intérieur, à l’Economie… », s’amuse un haut fonctionnaire.
En matière de scénarisation, cette anecdote est assez révélatrice de ce travers. Lors d’un déplacement dans une académie francilienne, la ministre sort de sa voiture. Parents, directeurs d’école et cadres de l’Education nationale, l’attendent, comme il est de coutume dans ce genre d’exercice. La ministre les salue de loin mais ne sarrête pas. Souhaite-t-elle dire un mot ou s’entretenir avec un cadre présent pour l’occasion? Ce ne sera pas nécessaire, répond-elle. Et puis les journalistes arrivent. Les journalistes…et surtout les caméras. La ministre change d’attitude, salue chaleureusement les personnels présents, a un petit mot pour chacun. Ce goût pour l’image et cette aptitude à se mettre en scène est loin d’être une rareté dans le monde politique, ne jouons pas les naïfs: personne, ni Lang, ni Darcos, ni Peillon, n’y a fait exception. Ce qui frappe, c’est la radicalisation de cette attitude. Comme si un verrou avait sauté, comme si plus personne n’essayait de faire semblant de s’intéresser au fond du sujet, aux personnels et à leur quotidiens, aux élèves et à leur devenir. Comme s’il ne restait que l’écume.
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