© Ad Vitam
Coécrit avec son frère Sven sur la base de souvenirs communs, Eden de Mia Hansen-Løve raconte l’essor de la musique électronique en France dans les années 90. À travers l’histoire d’une génération de jeunes DJs à la carrière naissante, la réalisatrice revient sur les origines d’un phénomène culturel, devenu depuis mondial et surmédiatisé. À l’époque où DJs, mix et raves évoquaient des fêtes grisantes, un esprit underground nimbé d’une douce mélancolie et la fraîcheur d’un nouvel élan dans la scène musicale, la French Touch naissait.Eden, directed by Mia Hansen-Løve and co-written with her brother Sven, tells the rise of electronic music in France in the 90s according to their shared memories. By representing a whole generation of promising young DJs, Mia recalls the dawn of a cultural phenomenon that has become global and intensively covered by the media ever since. At that time words like DJ, mix and rave would sound like exhilarating parties, a certain underground spirit infused with sweet melancholia and a sparkling new momentum in the musical stage, the French Touch was born. More in English >> (Translation in progress, come bubble later)
Synopsis : Paul (Félix de Givry) passe ses nuits dans des soirées rave. En lisière de forêt ou dans des hangars désaffectés, c’est toute une bande de jeunes, accrocs à la musique, qui se retrouve pour danser et expérimenter des nouvelles sonorités. De ce partage d’une passion naîtra le duo de DJs Cheers crée par Paul et son meilleur ami Stan (Hugo Conzelmann), mais aussi celui des futurs Daft Punk, aux visages encore poupons. Entre ambitions artistiques, rencontres amoureuses, Paul y croit, saisit la gloire, et se grille peu à peu...
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Quatrième long-métrage de Mia Hansen-Løve, Eden marque une volonté de la réalisatrice de tourner la page, après une trilogie consacrée à la nécessité de se reconstruire suite à une séparation : Un amour de jeunesse (2010), Le Père de mes enfants (2009), Tout est pardonné (2007). Mia Hansen-Løve avoue avoir eu envie de dépeindre la jeunesse de sa décennie en regardant Après Mai (2012) qui traite aussi, dans un mode à la fois autobiographique et générationnel, des années de coming of age d’Olivier Assayas (son compagnon dans la vie) au début des années 70. Mia Hansen-Løve : « J’ai eu le sentiment, à tort ou à raison, que raconter la French Touch, ou disons, le monde de la French Touch, était une manière de saisir la spécificité de notre génération, celle des années 90. » Sven Hansen-Løve, à propos de Sueño Latino – Sueño Latino (Illusion First Mix) : « Une musique sans concession, hédoniste. Elle ne repose sur aucun autre postulat que la recherche du bien-être, la communion avec le monde et les autres. Contrairement aux musiques populaires antérieures (punk, rock, etc.), elle ne comporte pas de message politique. »Eden documente ces soirées en marge, clandestines et spontanées, qu’il fallait aller chercher au cœur de la nuit dans des coins reculés (sans téléphone portable, sans Google Maps !…), terreaux essentiels à l’épanouissement de la musique électronique - la House, la Techno, le Garage - en cette dernière décennie de millénaire.
L’émouvante bande son d’Eden leur rend hommage. Constituée avec soin et déjà présente lors de l’écriture du scénario, elle incarne un personnage à part entière aux yeux de la réalisatrice. Quant au titre du film, il se réfère au magazine L’Eden, fanzine florissant distribué dans les soirées, avant que l’ère de l’Internet ne vienne détrôner ces parutions artisanales que l'on se passait alors sous le manteau.
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Eden retranscrit l’enthousiasme ambiant, l’ingénuité et même le degré d’inconscience des acteurs de ce phénomène musical, des radios partenaires (Radio FG) aux DJs, en passant par les organisateurs de soirées, et le sentiment un peu magique d’appartenir à une grande famille, dont allaient émerger les bientôt planétaires Daft Punk.Mais ce tableau se veut « impressionniste », car avant tout issu de la mémoire de la jeune femme et de ses souvenirs partagés avec son grand-frère. Eden est le récit de la carrière de DJ de ce dernier : une ascension fulgurante, des mix dans des clubs parisiens et new-yorkais, et une vie affective mise à mal par trop de nuits passées dehors à ne pas compter les heures, les filles, l’argent, la drogue, ...
Euphorie du moment, éclats de jeunesse et des paris lancés sur la vie - sans vraiment penser au lendemain ni aux murs qu’il faut tôt ou tard commencer à construire autour de soi -, Eden parvient à exprimer tout cela avec sincérité. Néanmoins on peut regretter un manque de punch à un film qui aurait pu (voire dû) nous secouer un petit peu plus. Eden nous donne parfois la sensation de planer un peu trop, à l'instar de ses personnages, sans vraiment entrer dans le vif du sujet ; et justement, peut-être par manque de distance vis-à-vis de son « sujet » (son frère), Mia Hansen-Løve pêche en laissant libre cours à l’anecdotique, au « private ».
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Eden brille toutefois dans sa capacité à juxtaposer sciemment deux époques - la leur, la nôtre -, sans tomber dans l’anachronisme ni dans le narcissisme.
La French Touch, c’est peut-être bien « ce je ne sais quoi », comme diraient les américains, ce côté un peu désabusé et conscient de sa propre gaucherie qui fait tout le charme des acteurs Vincent Macaigne et Vincent Lacoste, ici excellents dans leurs seconds rôles. Choix judicieux aussi d’associer au projet l’actrice décomplexée Greta Gerwig, icône du cinéma indie new-yorkais et piètre danseuse dans Frances Ha (Noah Baumbach, 2012).
Paris, New York, Paris : la boucle est bouclée.
GwenfromNY
Pour en savoir plus :
- http://www.advitamdistribution.com/eden/ (site officiel du distributeur)