Samedi soir, le 15 novembre 2014, Jean-Charles en régie, moi en salle, côté cour, au Théâtre National de Strasbourg. Lui dessine en régie derrière une vitre, avec un retour son (c'est mieux pour écouter la pièce) et moi dans la salle à essayer de prendre des notes, et hop, j'ai perdu mon crayon, oups... Ce que nous avont été voir : Lancelot du Lac, l'une des parties du Graal Théâtre de Florence Delay et Jacques Roubaud, pièce qui fut élaborée sur une trentaine d'années, chaque épisode étant un focus sur un chevalier.
Lancelot du Lac est une production du Théâtre National de Strasbourg et du théâtre national Populaire à Villeurbanne, avec une mise en scène de Julie Brochen et Christian Schiaretti qui ont tous deux travaillé sur les précédents volés du Graal Théâtre qui avaient été présentés à la fois à Strasbourg et à Villeurbanne. Jusqu’au 3 décembre, vous pourrez découvrir ce chapitre de Lancelot, a priori le dernier a être monté par les deux théâtres (néanmoins, pas le dernier de la série).
Dès le début de la pièce, on voit Blaise en grande discussion avec Merlin, l’enchanteur emprisonné dans une prison d’air par Vivianne. Blaise est celui qui a la charge d’écrire le livre, de relater les événements de la quête du Graal, celui qui observe, essaie de comprendre et transmet pour qu’il reste une trace des aventures des chevaliers de la table ronde.
Après Merlin l’Enchanteur, Gauvain et le chevalier vert, Perceval le Gallois, c’est au tour de l’histoire de Lancelot du Lac d’être présentée. On découvre un Lancelot sans nom, sans identité, élevé par Vivianne, la Dame du Lac, sous les eaux du lac. Il dort ou fait semblant de dormir tard le matin... Désœuvré est le mot qui pourrait le caractériser au début de la pièce. Il chasse aussi mais essentiellement, il tourne en rond.
La vie de Lancelot n’a pas de sen, sans doute parce qu’il ne sait pas comment il se nomme. Vivianne, la Dame du Lac qui l'a enlevé à sa vraie mère, et les femmes qui vivent avec lui le nomment l’enfant ou le Beau Trouvé… Bref, il veut partir et devenir chevalier. « Pourquoi ? », lui demande Viviane. « Parce que les chevaliers ont un nom ». Néanmoins, qui va lui dire son nom ? Mystère…
L’Enfant, alias Beau Trouvé, alias Lancelot du Lac… s’en va de sous son lac afin de devenir chevalier.
TOUT le monde le trouve beau (oui, bon, chacun ses goûts, depuis Merlin l’enchanteur j’ai une préférence pour Arthur, définitivement) et chacun vante sa beauté, femmes et hommes confondus… Dans mon esprit, Lancelot est en train de devenir une icône gay.
Lancelot est adoubé par Arthur et devient donc chevalier. Il part alors dans une quête qui va, entre autres, l’amener à découvrir quel est son nom… Il y croisera un homme en armure qu'il combattra, il ira délivrer une dame dans un château imprenable, il croisera à nouveau Viviane qui l'aidera à trouver son nom et son origine sur une tombe (c'est elle qui est dessinée ci-dessus).
Lancelot du Lac,ainsi que les autres chapitres du Graal Théâtre, retrace l’épopée des différents protagonistes partis à la recherche du Saint Calice, la coupe qui recueillit le sang du Christ lors de la Cène. Bien qu’historique, cette mise en scène n’en est pas moins moderne, décalée, ironique ainsi que terriblement actuelle et engagée. Il est question de désirs, d’amours, de guerres, de combats, de quête de soi… Ainsi, même si parfois on est dans des poncifs sur les hommes et les femmes, cela va plus loin et les réflexions sortent des carcans d’une histoire qui aurait pu être consensuelle mais ne l’est pas un seul instant.
L’homme viril guerroie et la femme est joliment apprêtée, oui. L’homme est victime des manipulations de la femme, aussi. Mais, Guenièvre va aussi sur le champ de bataille et revêt le haut d’une armure. C'est elle qui envoie l'une de ses compagnes se renseigner sur l'homme qui observe le champ de bataille : il s'agit de Lancelot qu'elle n'a pas revu depuis l'adoubement de ce dernier.
En outre, l’épilogue du conflit armé entre Galehaut (envahisseur) et Arthur (envahi) se fait au profit d’Arthur après que ce dernier ait perdu… Pourquoi ? Parce que Galehaut, si Lancelot passait la nuit avec lui, ferait tout ce que ce dernier lui demanderait.
Julie Brochen, parle en ces termes de Lancelot : « Avec l’arrivée du chevalier Lancelot, le blanc envahit la scène. C’est un personnage qui créé "l’éblouissement". Il séduit tout le monde, pas seulement la reine Guenièvre. Gauvain et Perceval séduisaient par leur réputation, qui les précédait. Lancelot est l’homme du présent, du "coup de foudre". » et Christian Schiaretti, le co-metteur en scène, ajoute : « Il est celui qui réunit le féminin et le masculin. Son amour pour Guenièvre est célèbre. Mais ce qui est particulièrement intéressant dans le travail des « scribes » tels que se définissent Florence Delay et Jacques Roubaud, c’est qu’ils ont fait resurgir le personnage de Galehaut, sûrement longtemps enfoui dans la littérature du Graal parce qu’il n’était pas de bon ton de parler d’homosexualité. ». Ainsi, dans le Graal Théâtre, nous ne sommes plus face à un mythe lissé où le mâle viril est vertueux et hétérosexuel, où la femme se fait femelle et traîtresse mais bien dans un conte moderne où l’humain est multiple, mystérieux, profond. Ici tout n’est pas noir ou blanc mais gris et surprenant voire déroutant.
À la fin, dans la dernière scène on retrouve Blaise, le scribe, qui s’entretient avec les différents protagonistes : de Lancelot à Arthur en passant par Bohort, Gauvain, Ké, Galehaut, Guenièvre, l'enchanteresse Camille et même les morts... Il se doit de relater cette quête du Graal, mission que lui avait transmise Merlin.
Dessiner et vous raconter ce Lancelot du Lac ne donne qu'un aperçu d'une pièce où les décors sont impressionnants, où les costumes sont recherchés et magiques et où nous sommes entraînés dans l'histoire grâce aux talents de tous les acteurs de cette quête. À voir jusqu'au 3 décembre au Théâtre National de Strasbourg, Salle Koltès.
Jean-Charles et Cécile.
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Pour plus d'infos, c'est par là :
http://www.tns.fr/fr/saison2014-2015/lancelot-du-lac.html