Francis Delvert est le fils d’une lignée d’inventeurs agenais méconnus du grand public. J’assistais en fin de semaine dernière à une conférence qu’il tenait en préambule d’une bourse photo organisée par l’association "Images Nouvelles " de Bon-Encontre. Un pur moment de bonheur tant la gentillesse et la gouaille de Francis Delvert le rend sympathique et tant sa science et sa passion nous captivent. Petit-fils et arrière-petit-fils d’inventeurs, il a emprunté les chemins de la curiosité, de l’aventure et de l’invention qu’ont longuement parcourus ses aînés puisqu'il est l'inventeur du vélocigraphe II, à savoir un appareil de macrophotographie travaillant en totale autonomie dans l'espace. J’y reviendrais. Il convient avant tout de parler de ses aïeux.
Joseph Lacroix & et sa femme Antoinette Naulet tenant leur arrière petit-fils Francis Delvert
L’arrière-grand-père, Joseph, est né à Agen un 14 juillet 1861. Il fut l’assistant et l’ami du langonnais Ducos du Hauron[1] qui lui donnera le goût de la photographie. Il se révèlera brillant, s’initiant à toutes sortes de techniques qui voyaient alors le jour. Le domaine photographique fut donc sa première passion. Il ouvre un magasin à Agen, boulevard Carnot à l’enseigne « A la photographie » et, s’il vend quelques appareils, c’est essentiellement par les prises de vues de portraits qu’il vit, tel celui-ci.
Agen place du XIV juillet (maintenant place du pin)
Agen, place Jasmin avant la démolition de la porte Saint-Antoine
Environ d'aiguillon château de longuetille par Lacroix
En 1889, l’un de ses clients, le Docteur Ricard, photographe amateur et passionné, lui fait part des désagréments que présente le changement des plaques photographiques sous le voile noir. Sur ce, Joseph lui déclare « Avant août, foi d’animal – c’était le juron favori du génial inventeur – j’aurai votre affaire »[2]. En trois mois, il met au point un appareil portatif qui pouvait répondre à cette demande somme toute bien légitime. Le résultat fut le premier appareil photographique à plaques tombantes pour des prises de vues rapides et instantanées, qu’il nomma, en bon latiniste, le vélocigraphe[3]. Il contenait 12 plaques escamotables intégrées au boîtier. L’appareil fut construit par la célèbre maison Fleury-Hermagis (Le plus ancien des opticiens français, créé en 1845 par Hyacinthe Hermagis) à Paris.
Plusieurs modèles se succèdent en fonction des évolutions que De Dion Bouton réalise sur les moteurs qui équipent La Nef. EN 1904, une boite de vitesse viendra faciliter la vélocité de l’engin, près de 80 kilomètres/heures. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un artisanat ; je rajouterai même d’art ; le client pouvant personnaliser son achat, tant en mécanique qu’en carrosserie et aménagements. Ce n’est toutefois pas une sinécure de conduire un tel engin si l’on en croit les quelques possesseurs actuels de cet engin. Voir à ce sujet ici.
Malgré une rude concurrence – le Lot-et-Garonne héberge alors d’autres constructeurs, les frères Aché, Louis Bonneville ou Larroumet-et-Lagarde[6] – une trentaine de Lacroix de Laville sont produites par an. 200 voiturettes "La Nef" seront construites de 1902 à 1909, puis quelques autres encore jusqu'en 1914. Mais, la Grande Guerre raflera la main d’œuvre. Les commandes ne peuvent être honorées et de toute façon en ces temps troublés, qui pense investir dans une automobile ? Joseph a une nouvelle idée qui clôturera le chapitre de construction automobile. Il ferme l’entreprise, laissant aux Etablissements Metge et Blancon sises à Agen au 87 avenue de Toulouse, le soin d’assurer le suivi des Automobiles La Nef et se jette dans son nouveau projet, la radiographie en relief. Ce nouveau système photographique va permettre de localiser les projectiles de toute nature (balles, éclats d’obus, billes de shrapnel) au cœur des corps des soldats touchés. On imagine les bienfaits que cette invention apporte aux chirurgiens sur les fronts.
L'arrière-grand-père était également un grand collectionneur de pendules et horloges dont il dotait les clochers des environs, comme la Tour de Pujols de Villeneuve sur Lot.
[1] Il est l’homme qui a inventé le procédé de la photographie des couleurs en additif et en soustractif. Qui a inventé le cinématographe, qu'il décrit dans un brevet déposé à l'INPI en 1864, l'année même de la naissance de Louis Lumière qui est pourtant crédité de l’invention ! Qui a enfin réalisée la première impression trichromique.
[2] Revue de l’Agenais, 1968
[3] Du latin « velox » : rapide, agile et du grec Graphein : écrire
[4] Pour plus de technique, voir ici
[5] Apparenté me semble-t-il à Lacepède.
[6] Il est à noter que Larroumet et Lagarde a développée une « La va bon train » sur la base de « La Nef » avec pour particularité de remplacer la barre par un volant. Cette « maison de confiance » avait été fondée en 1891. Spécialistes des cycles et des moteurs à détonation, les usines étaient situées à l’angle du 1 avenue de Bordeaux et 1 rue d’Alembert, tout près du pont canal d’Agen.
Prochainement, nous parlerons du grand-père, Léon,