Dès le premier chapitre, on comprend que deux mondes vont s'affronter: celui des créatures fabuleuses, ondines, faunes et dieux de la forêt qui aiment à se fondre parmi les hommes, et celui des Romains chrétiens, dont la rigueur pousse à la cruauté car déjà, on traque les sorcières pour les envoyer au bûcher. C'est ce que j'ai préféré dans ce roman. L'art de la divination est mis à l'honneur, dans les viscères d'animaux comme dans les rêves. La magie n'est pas féérique et pure, elle est tangible et ses dessous ne sont pas toujours reluisants. Les faunes et ondines qui suivent Thya sur son chemin ont les pattes pleines de boue et les cheveux pleins de vase. Loin d'être chimère auxquelles on a cessé de croire, ils sont des personnages marginaux qui attendent dans l'ombre, bien en chair.
Thya elle-même n'est pas en reste de ce côté-là. Ce n'est pas une jolie fille et elle n'hésite pas à se salir les mains et à ouvrir le ventre des oiseaux pour en examiner le foie encore tiède. C'est aussi une patricienne, fière et consciente de sa caste, voire un tantinet hautaine parfois. Lorsqu'elle fuit, elle se cache au milieu des truies. Très vite, elle forme un duo prévisible mais pourtant assez touchant avec Enoch, un Node passé à tabac après avoir séduit la fille d'un noble, et maquilleur de son état. Etranger, bâtard, il peine lui aussi à trouver sa place dans ce nouveau monde et auprès de l'oracle qu'il croise pendant sa fuite. C'est d'ailleurs ce personnage qui m'a le plus plu: très détaché de toute cette intrigue au départ, prêt à trahir Thya si une meilleur occasion se présente, et pourtant toujours présent, car en quête de ses propres réponses.
Un joli couple adolescent donc, digne de tout roman "Young Adult" qui se respecte. Et comme ce n'est pas mon genre de prédilection, forcément, j'en ai vu tous les petits clichés, comme cet amour naissant qui peine à éclore et dans lequel les adultes font figure d'obstacle ou de mentor, mais restent surtout à la marge de l'intrigue. Intrigue qui d'ailleurs ne se laisse pas complexifier et reste très linéaire, voire un peu plate parfois, centrée sur un voyage dont le but semble de moins en moins crucial, moins en tout cas que toutes les révélations familiales qui s'accumulent dans les dernières pages et qui, elles aussi, semblent un peu faciles. Il s'agit aussi d'un premier tome avec ses défauts: lancer des pistes qu'il n'exploite pas et privilégier l'ambiance. Espérons que les suivants tiendront leurs promesses.
La note de Mélu:
Une jolie découverte.
Un mot sur l’auteur: Estelle Faye (née en 1978) est une auteure française, qui est également actrice.