Après le beau Silence de l’Opéra, Pierre Créac’h revient avec un nouvel album pour enfants, cette fois autour du piano. Le récit, comme les dessins dont il l’a illustré, est très foisonnant, plein de détails et de clins d’œils autour de l’histoire du piano et du solfège. Un peu comme si l’auteur avait voulu écrire à la fois un manuel amusant pour compositeur en herbe et une fable philosophique sur notre rapport à la musique et à l’art en général.
SOLFÈGE BURLESQUE
De même, les pianos, bien que déprimés, jouent des personnages hauts en couleurs, que ce soit le vaniteux « Stanley » (Steinway) ou le clavecin, traité par ses pairs de « meuble de décoration »… Un régal pour les jeunes auditeurs ! Mais l’auteur profite aussi de chaque moment de l’histoire pour glisser un détail, là sur la largeur du clavier du Bösendorfer, ici sur le titre d’un morceau. On est dans l’apprentissage ludique, d’autant plus que, si l’histoire est reine, la musique tient bien sûr une large place, qu’elle soit là en accompagnement ou comme élément de l’histoire. Ainsi, on sourit d’entendre Rémi interpréter la Sonate en la de Mozart ou le Doctor Gradus at Parnassum de Debussy sur des pianos désaccordés. Une occasion idéale, pour les enfants, de faire la différence entre le juste et le faux.
« CRÉER RESTE LA PLUS BELLE PREUVE D’EXISTENCE »
Le piano Pouventail © éditions Sarbacane
Au-delà de l’aspect pédagogique, on perçoit un questionnement sur notre rapport à la musique, la révérence du passé et la difficulté d’écrire l’avenir sans peur du jugement. Ainsi Rémi, les éléments du solfège en mains, se trouve bien incapable d’écrire une note. Il lui faudra toute la force de l’inspiration pour à son tour créer une œuvre, redonner vie aux vieux instruments et permettre le retour des grands compositeurs.
COTE ENFANTS
L’album est donné à partir de 6 ans, je l’ai bien sûr fait écouter au Grand, qui ne les a pas encore. L’écoute a provoqué beaucoup de questions et notamment au moment très mélancolique où les pianos se mettent à sangloter. Il faut dire aussi que la voix de Pierre Arditi sur la sonate « Mondschein » de Beethoven a une couleur particulièrement sombre… Mais les éléments de la quête de Rémi ont été bien compris, et Octave l’armure a remporté un franc succès. Les 6 ans me semblent donc bien convenir, à moduler en fonction de l’enfant.
J’ai beaucoup parlé de musique, cependant il ne faut pas non plus passer à côté des dessins de Pierre Créac’h. Si je suis fan du piano Pouventail, j’aime les beaux yeux de l’araignée et l’enthousiasme du Métronome. De plus le grand format du livre et la qualité du papier en font un magnifique objet, vraiment agréable à prendre en mains. Un beau cadeau pour un certain événement de la fin décembre ?
Tous les visuels sont de Pierre Créac’h © éditions Sarbacane