L'avant-projet de loi pour la croissance et l'activité a été rendu public. Il comporte plusieurs dispositions relatives à l'exercice de la profession d'avocat. Première analyse.
I. La création du statut d'avocat en entreprise
L'article 10 du projet de loi prévoit la création d'un statut d'avocat en entreprise. L'accès à ce statut est cependant subordonné à de nombreuses conditions qui pourraient le rendre moins attractif qu'espéré.En définitive, il est permis de penser que cette réforme, qui définit surtout ce que l'avocat en entreprise ne pourra pas faire, ne va sans doute pas changer beaucoup de choses.
En premier lieu, l'avocat en entreprise ne pourra pas plaider des dossiers pour des contentieux où le ministère d'avocat est obligatoire.
L'article 10 du projet de loi dispose : "Il ne peut assister ou représenter une partie devant une juridiction à l’exception de l'entreprise qui l'emploie, ou de toute entreprise du groupe auquel elle appartient, et dans les matières où celle-ci est autorisée à mandater l'un de ses salariés pour la représenter. Il ne peut pas assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil.
En deuxième lieu, l'avocat en entreprise ne pourra pas avoir de clientèle personnelle. L'article 10 précise ici : "L'avocat salarié d'une entreprise privée ou publique ou d’une association ne peut avoir de clientèle personnelle."
En troisième lieu, les termes du contrat de travail de l'avocat en entreprise seront peut être conçus comme un peu plus contraignants par certains employeurs. En effet, ce contrat devra comporter une clause de conscience qui permettra à l'avocat en entreprise de pouvoir être déchargé de certaines missions : "Le contrat de travail est établi par écrit et précise les modalités de la rémunération. Il ne comporte pas de stipulation limitant la liberté d'établissement ultérieure du salarié, si ce n'est en qualité de salarié d'une autre entreprise et ne doit pas porter atteinte à la faculté pour l'avocat salarié de demander à être déchargé d'une mission qu'il estime contraire à sa conscience ou susceptible de porter atteinte à son indépendance."
En quatrième lieu, la rupture du contrat de travail de l'avocat en entreprise sera plus complexe. Le projet de loi précise en effet qu'au cours de la procédure devant le conseil de prud'hommes, l'avis du bâtonnier pourra être requis. ce qui pourra avoir pour effet d'allonger ou de compliquer un peu cette procédure : "Les litiges nés à l'occasion de ce contrat de travail ou de la convention de rupture de ce contrat, de l'homologation ou du refus d'homologation de cette convention de rupture sont
portés devant le conseil de prud'hommes, conformément aux dispositions du code du travail.
Si l'examen du litige implique l'appréciation des obligations déontologiques du salarié, la
juridiction ne peut statuer sans avoir préalablement recueilli l'avis du bâtonnier du barreau
auprès duquel l'intéressé est inscrit.
L’avocat salarié d’une entreprise est inscrit sur une liste spéciale du tableau du barreau
établi près le tribunal de grande instance du ressort dans lequel se situe le siège de l’entreprise
ou l’établissement dans lequel l’avocat exerce. L’avocat salarié doit, sous peine d’omission et
de sanction disciplinaire, contribuer aux charges de l’Ordre en s’acquittant des cotisations
dont le montant est fixé par le Conseil de l’Ordre. Il doit également, sous les mêmes
sanctions, s’acquitter de ses participations aux assurances collectives souscrites par l’Ordre.
La répartition des primes dues au titre des assurances collectives entre les membres du
barreau est effectuée par le Conseil de l’Ordre qui peut notamment moduler cette répartition
en fonction de l’ancienneté dans la profession, de la sinistralité antérieure ou de l’existence de
risques spécifiques. Les entreprises ou associations employeurs de l’avocat peuvent prendre
en charge ses cotisations.
Lorsqu’il cesse son activité salariée en entreprise, il ne peut requérir son inscription au tableau de l’ordre que s’il remplit les conditions mentionnées à l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
L’avocat inscrit au tableau qui devient avocat salarié d’une entreprise est
automatiquement inscrit sur la liste spéciale du tableau.
10II. – Les personnes qui exercent une activité juridique au sein du service juridique d’une entreprise privée ou publique ou d’une association en France ou à l’étranger, depuis cinq années au moins ou sont titulaires du diplôme mentionné au 2° de l’article 11 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont inscrites, sous réserve du passage d’un examen de contrôle des connaissances en déontologie, sur la liste spéciale du tableau mentionnée au I.
L’examen de contrôle des connaissances en déontologie est organisé par le conseil de l’ordre du barreau auprès duquel l’avocat salarié en entreprise demande sa première inscription.
L’inscription au tableau prend effet dans le mois de la décision du conseil de l’ordre
constatant la réussite à l’examen.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent II et,
notamment, les modalités d’organisation l’examen de contrôle des connaissances de
déontologie et les modalités d’inscription sur la liste spéciale du tableau.
III. – L'avocat salarié d'une entreprise est astreint au secret professionnel dans les
conditions des articles 2226-13 et 226-14 du code pénal. Ce secret n’est pas opposable aux
autorités judiciaires agissant dans le cadre du code de procédure pénale. L’avocat salarié ne
peut également opposer son secret professionnel à son employeur.
IV- La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue du présent article,
est applicable : en Nouvelle-Calédonie ; en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.