Quand on aime, on ne compte pas. N'empêche.
Voilà plus de 10 ans, depuis le premier post publié le 20 septembre 2004, que ce blog existe.
A l'époque il se nommait « Un EPCC ».
Je venais en effet de créer (dans des conditions un peu difficiles) l'un des premiers établissement publics de coopération culturelle.
L’actualité me permet de revenir sur cette belle histoire puisque le site Mediapart vient de publier un entretien avec le sénateur Ivan Renar, promoteur de la loi de 2002 permettant de créer des EPCC.
1 - Vous êtes le père de la loi sur les EPCC. À quels besoins l’introduction de cette nouvelle structure d’établissements répondait et répond-elle ?
C’est une loi de partenariat destinée à assurer la pérennité des structures. La création de ce statut répondait à la nécessité de définir un bon encadrement juridique pour les structures culturelles et artistiques qui sont généralement fragiles, afin de leur permettre d’accéder à l’autonomie de gestion, tout en garantissant leur financement par les partenaires publics. Nous sommes partis de l’idée que le statut associatif présentait un grand mérite: celui de la souplesse de fonctionnement. Mais aussi un inconvénient, celui de sa fragilité. Ce postulat de départ a débouché sur la loi de partenariat fondant les EPCC, qui, dans l’esprit, combine la qualité de souplesse de l’association et la rigueur de gestion d’un établissement public. Je dois préciser que cette loi a été adoptée par la quasi-unanimité des deux assemblées, ce qui est de nos jours une denrée rare. Elle a connu deux moutures au contact du réel. En particulier, pour protéger le statut de directeur, dont on connait la fragilité.
2 - En quoi le changement de statut provoqué par la transition des écoles d’art territoriales vers celui d’ EPCC a-t-il affecté leur fonctionnement ?
Les écoles d’art étaient pour la plupart des écoles municipales. On entend d’ailleurs encore parler d’ « écoles de dessin ». Les résistances multiples , le poids de l’héritage historique lié à l’exception culturelle française et la difficulté d’une transition des écoles d’art vers l’enseignement supérieur n’ont pas toujours permis que le passage du statut municipal au statut d’EPCC se passe dans de bonnes conditions. Cette rigidité contrevenait à l’esprit de la loi qui voulait que la transition se fasse par consensus des partenaires et non par un « forcing » du ministère, présenté comme une obligation. Il y a là une espèce de péché originel, dont nous ne sommes toujours pas sortis. Je rappelle que dans l’esprit du législateur, l’EPCC a toujours été présenté comme une possibilité, pas comme une obligation.
(...)
Lire l'entretien avec Ivan Renar publié sur Mediapart
Mais au fait que disait-il ce billet publié le 20 septembre 2004 sur « Un EPCC » ?
ARTICLE PARU dans LIBE le 16 septembre 2004
Le théâtre craint les pressions régionales
Des professionnels redoutent `la fin de la gestion associative.
Par René SOLIS
«Une page est en train de se tourner dans la conception de la culture par l'Etat. Depuis près de cinquante ans, celui-ci était censé préserver l'indépendance de la création. Aujourd'hui la porte est ouverte à toutes les dérives. Il s'agit d'un véritable enjeu politique et d'un choix de civilisation.» C'est au Théâtre du Rond-Point à Paris qu'Ivan Morane, président de l'association Scènes nationales, qui regroupe la majorité de ces quelque soixante-dix établissements publics répartis sur tout le territoire, a lancé hier ce cri d'alarme.
Paradoxe : ce n'est ni la crise des intermittents, ni les incertitudes budgétaires qui alimentent cette fois l'inquiétude des responsables de théâtres publics, mais la mise en application d'une loi votée sous le gouvernement Jospin à l'initiative du sénateur communiste du Nord Ivan Renar. Celle-ci visait à créer des Etablissements publics de création culturelle (EPCC), nouvelle structure juridique censée offrir plus de rigueur et de transparence dans la gestion des entreprises culturelles que le statut associatif généralement en vigueur. Or, estiment les responsables des Scènes nationales, la perte du statut associatif pourrait se révéler lourde de dangers, notamment en écartant des conseils d'administration les représentants de la société civile (public, adhérents, fondateurs).
Ils craignent que le passage en EPCC ne renforce le pouvoir des élus locaux qui pourront désormais accéder à la présidence des établissements , au détriment de l'autonomie artistique et financière garantie par le statut associatif. «Depuis quelques mois, estime l'association, les tentatives se multiplient, qui visent à imposer ce bouleversement statutaire à certains établissements du réseau, sans qu'apparaisse en terme de gestion ou de fonctionnement une réelle justification de cette volonté.»
De fait, il semble que dans certains cas, le passage du statut associatif à celui d'EPCC serve à certains élus locaux de prétexte pour se débarrasser de directeurs jugés indésirables. Comme ce fut le cas, au printemps, pour Jacques Pornon, directeur de la maison de la culture d'Amiens.
Du côté du ministère, on affirme qu'aucune consigne n'a été donnée pour inciter à l'abandon du statut associatif au profit des EPCC. Pour sa part, le Syndéac (le syndicat des responsables de théâtres publics), qui a été reçu mardi par le ministre de la Culture, demande un moratoire sur la question.
FIN DE CITATION.
Non, vous ne rêvez pas. En 2004, le Syndeac demandait un moratoire dans l'application d'une loi de la République. Et là encore, le raccourci avec l’actualité est saisissant, qu'on en juge :
Quel regard portez-vous sur l’état actuel des politiques culturelles en région ?
Incontestablement, les collectivités ont permis un incroyable développement de la culture dans notre pays. Leurs investissements financiers dans ce secteur sont déterminants. C’est pourquoi la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités nous inquiète tant ! Car elle pourrait faire vaciller les politiques culturelles en région dans les prochaines années.
(...)
Comment analysez-vous la réforme territoriale ?
La possible délégation de la compétence culture aux régions (2) nous pose un grand problème. Car, pour nous, la culture doit faire l’objet d’une vision nationale, qui s’élabore en commun avec l’ensemble des partenaires concernés. La culture doit rester cet axe transversal sur l’ensemble du dispositif, depuis l’Etat jusqu’à la commune. Sinon, la singularité des artistes risque de disparaître.
(...)
L’Association des régions de France (ARF) réclame une compétence culturelle « obligatoire et partagée ». Comment le Syndeac réagit-il à cette proposition ?
Je ne pense pas que nous mettions les mêmes choses sous les mots « obligatoire » et « partagée ». Pour nous, « obligatoire et partagé » s’applique à tous les échelons pas seulement aux régions. Comme je l’ai dit à l’instant, la culture ne peut pas se passer de la République. Déléguer la culture à un seul échelon de collectivité est hors de question pour nous. Je dis donc à l’Etat, aux départements, aux régions et aux communes : inventons une institution dans laquelle l’obligation à nous entendre autour des politiques publiques sera plus grande que ce qui peut nous nous diviser.
Extraits de l'interview de Madeleine Louarn, actuelle présidente du Syndeac sur la Gazette des communes.
Mais, dites moi, quelle forme pourrait bien prendre cette institution dans laquelle l’obligation à nous entendre autour des politiques publiques sera plus grande que ce qui peut nous nous diviser ?
Et bien justement !, S'agissant du « débat » actuel sur un transfert de compétences aux Régions ou la disparition des DRAC, il n'est pas inutile de rappeler un texte publié pendant la campagne présidentielle de 2007 dans la magazine La Scène (numéro 44, mars 2007) sous le titre Le citoyen doit être au coeur de la politique culturelle.
Il commençait ainsi :
La culture ne compte pas parmi les priorités de l'élection présidentielle. Faut-il le déplorer? Non, à moins de considérer que notre pays ne connaît pas une crise sociale majeure : logement, emploi, précarité…. Après tout, si le secteur culturel pouvait traverser une période de banalisation et de modestie, cela romprait avec le discours impérieux du «tout culturel».
Et en lieu et place de la signature on pouvait lire
par un groupe de fonctionnaires du ministère de la Culture et de la Communication et des collectivités territoriales… et en note : soumis à l’obligation de réserve, ces fonctionnaires ne peuvent pas signer ce texte sous leur patronyme. La Scène a accepté cette règle du jeu permettant la publication du présent texte.
Cet excellent argumentaire avait fait l'objet de trois notes publiées ici même :
Fin de partie (11 avril 207)
Pour une nouvelle politique culturelle (13 avril 2007)
Suite et fin (15 avril 2007).
Il se concluait ainsi :
Si le projet d’inscrire dans une loi les responsabilités des pouvoirs publics à l’égard du spectacle vivant peut voir le jour, cela doit être l’opportunité pour le législateur de délimiter soigneusement le rôle de chaque collectivité publique et de désengager l’Etat de la cogestion des structures de diffusion ou d’action culturelle.
Quant aux politiques de soutien à la création, elles pourraient être gérées globalement à l’échelle des régions par des établissements publics de coopération culturelle dans lesquels l’Etat serait toujours présent et auxquels il continuerait à apporter un financement direct. Il faut rappeler que les EPPC peuvent parfaitement être expérimentés pour la mise en œuvre d'une politique et pas seulement pour la gestion d'un établissement culturel. Toutes les collectivités intéressés à la politique de soutien à la création pourraient y participer. (départements, agglomérations)
Sans méconnaître les difficultés de mise en oeuvre d'une telle réforme, l’intérêt de ces EPPC serait de rationaliser les pseudos vertus des financements croisés et fournir un cadre solide à la définition de politiques partenariales publiques. Ces EPCC pourraient employer des cadres culturels en provenance des administrations concernées (Etat, collectivités locales). Les structures de création proprement dites pourraient conserver des statuts relevant du droit privé, si l’on considère que ces statuts leur garantissent une plus grande indépendance à l’égard du politique.
Sept ans déjà !
Voir aussi sur ce blog :Actualités des politiques culturelles
Votre blog a donné lieu à une création de notice bibliographique dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France. Il lui a été attribué un numéro international normalisé (ISSN) :
Titre : La Cité des sens
ISSN : 2270-3586
Nous vous recommandons de reporter ce numéro dans la zone du titre pour faciliter son exploitation par les moteurs de recherche.
Cordialement
Pour plus d'informations, vous pouvez consulter les pages du Centre ISSN France :
http://www.bnf.fr/fr/professionnels/issn_isbn_autres_numeros.html