Juste un poil de fiction type anticipation avec un panneau à l’entame du film annonce la couleur. Comment une société doit traiter ses enfants et adolescents violents, impulsifs souffrant de troubles psychologiques ? Comment aider les parents dans leurs difficultés éducatives face à des jeunes difficiles ? Xavier Dolan donne la réponse dans les premières secondes du film avec la possibilité laissée par la loi de faire interner ses enfants sans aucune forme de procès.La trame narrative, ensuite, met en scène une jeune femme isolée avec la garde retrouvée d’un fils aux troubles violents manifestes et réguliers. Entre difficultés financières, difficultés à se comprendre et difficultés à s’aimer au travers d’autant d’excès d’humeur ; mère et fils vont être aidé, de manière inattendue par une voisine bienveillante elle-même psychologiquement fragile. Ce trio semblable à un champ de ruine fonctionne vraiment bien, chacun pouvant apporter à l’autre une aide dans sa reconstruction. Et oui, c’est du Dolan, il se plaît à charger la mule au maximum. Le pitch est à l’image de son cinéma fait d’exubérances, de performances, du bruits, d’astuces cinématographiques fournies jusqu’à la saturation visuelle, acoustique et émotive. Dans « Mommy » ; il a le mérite, lui l’égocentrique XXL, de ne pas nous porter jusqu’à la nausée de la démonstration grandiloquente de tout son talent dont il a usé dans « Laurence Anyways ». Même si la patte est la même, ce film affiche plus de maturité. Le gars n’a que 25 ans et déjà 5 films à son actif sur des sujets pas faciles. Une telle précocité, énergie, générosité se rapprocherait de ce que l’on a pu voir chez « Baudelaire » ou « Rimbaud » dans un autre domaine. Ce film plus épuré que « Laurence… » conduit le spectateur dans une grande machine à laver émotive durant plus de 2heures sans alourdir le propos de pathos excessif avec un scénario toujours crédible. Ce triangle amoureux d’un nouveau type nous bouleverse bien souvent ; au plus près des personnages, le spectateur capte tout ce trop plein de sentiments. Dur, cru surtout dans les dialogues et le scénario ; leurs vies sont aussi faites d’espoir et ‘émotions ; tout cela passe bien à l’écran. Auréolé du Prix du Jury à Cannes, le prix vient acter un vrai talent singulier chez lui de faiseur de films plutôt que de metteur en scène. Beaucoup parlent de l’astuce sur la taille du cadre, mais çà reste anecdotique même si très ludique dans la symbolique portée par ces changements de cadre. Et comment ne pas finir par le trio d’acteur et surtout le duo d’actrice nous entrainant dans un tohu bohu d’émotions crues. Anne Dorval et surtout Suzanne Clément que j’avais découverte et beaucoup aimé dans « Laurence… » auraient bien mérité le Prix d’interprétation à Cannes.« Bande de filles » et « Mommy » ou comment faire deux films avec deux parties pris artistiques radicalement différents. Taiseux et braillard, distancé et immergé, visuellement soft et m’as-tu vu ; pour servir des sujets de société…A voir pour répondre à la question suivante : trois existences brisées peuvent-elles par synergie s’aider à leurs reconstructions ? Et c’est aussi ce qui est dur dans le film, les gens brisés n’attirent que leurs semblables mais cela peut-il marcher.
Sorti en 2014