Il y a presque 2 ans, j’étais passé chez Nose. L’équipe du 20 rue Bachaumont n’avait pas ménagé ses efforts : il avait fallu plus d’une heure de diagnostic assisté par ordinateur et de suggestions de Nicolas Cloutier et son équipe (d’une patience extraordinaire, cela mérite d’être souligné) avant que j’accepte de me laisser séduire par un nouveau parfum. C’était le singulier Cuir Velours de Naomi Goodsir qui avait emporté la lutte, et c’est un coup de cœur qui persiste.
Tout d’abord, qui est Naomi Goodsir ? Une créatrice Australienne de chapeaux et d’accessoires de mode au style sombre et excentrique qui vit et travaille en France et qui s’est lancée dans l’aventure des « parfums d’auteurs » en 2012. Cuir Velours fait partie d’une collection de trois fragrances composées par des parfumeurs qui ont pour mission de s’exprimer à chaque fois à partir d’une matière première de la parfumerie fine. C’est Julien Rasquinet, parfumeur indépendant formé par le grand Pierre Bourdon, qui signe celui-ci.
L’originalité du packaging des parfums Naomi Goodsir provient de son étui venu de l’industrie alimentaire, que l’on doit déchirer à la première ouverture et qui se referme à la façon d’un sachet de fromage râpé ! Il est cependant réalisé dans une teinte noire satinée du plus bel effet. A l’intérieur, on trouve un coffret rectangulaire noir et dans le coffret, posés sur un lit de papier de soie, on découvre un flacon, une pompe à visser et une carte illustrée au trait, à l’ancienne. Le tout est à la fois original et d’un indiscutable bon goût, avec le sens du détail et un raffinement sans ostentation.
Voyons maintenant si l’ivresse vaut le flacon.
La fragrance de Cuir Velours s’ouvre sur un accord étonnant, à la fois fruité, floral, vanillé et cuiré : tout ce qu’il faudrait pour que cette attaque soit écœurante. Pourtant, le résultat est tout en délicatesse, suffisamment séduisant et intrigant pour qu’on se retrouve à flairer la mouillette comme on le ferait avec un Armagnac ou un whisky fumé. Le cuir blond est quant à lui duveteux et moelleux, très joliment exécuté.
La facette fruitée est ce qui intrigue le plus dans la tête de ce parfum. Les fruits sont généralement une faute de goût en parfumerie : ils alourdissent irrémédiablement n’importe quelle composition et il faut une parfaite maîtrise pour ne pas sombrer dans la sucraillerie poisseuse et vulgaire. Mais ici, rien de tout cela : c’est un arôme suave et léger qui attise la curiosité – j’ai failli écrire la « cuir-iosité ».
Une fois le parfum déposé sur la peau, on découvre l’intrigante fleur d’immortelle, employée ici aussi avec une discrétion qui est la seule façon de faire, tant son caractère est puissant. La note cuirée s’affirme tout en devenant plus sèche, plus amère, comme le cuir qu’on obtenait jadis à partir de l’écorce de bouleau et qui est au cœur de Cuir de Russie. Cette amertume est adoucie par un manteau d’encens et d’ambre douillet comme un cachemire, souligné d’une touche de tabac blond.
C’est cette dernière impression olfactive qui va constituer le sillage de Cuir Velours, et le constituer longtemps puisque c’est une des grandes qualités de ce parfum : il reste présent sur la peau pendant de nombreuses heures, sans jamais s’affaiblir ni s’affadir.
Puisque j’ai commencé par évoquer la parenté avec Serge Lutens, il est difficile de ne pas comparer Cuir Velours avec Daim Blond, son ancêtre de presque dix ans. Le parfum de Naomi Goodsir est en apparence moins nuancé, plus « brut » que Daim Blond, mais c’est justement l’utilisation faussement massive de sa matière première principale qui fait son intérêt. Passée la première impression, c’est un parfum qui se révèle délicat mais pas sage, riche et sensuel et surtout séducteur en diable !
Ce parfum est un beau paradoxe : il est fin et élégant et pourtant il ne passe pas inaperçu, pas une seconde ! Un de ces petits miracles olfactifs comme la parfumerie de niche sait si bien en créer.
Hervé Mathieu – Fragrance Forward
Cuir Velours de Naomi Goodsir – eau de parfum 50 ml – 110 euros