Pink Floyd : The Endless River

Publié le 17 novembre 2014 par Touteouie @Toute_Ouie

Pink Floyd : the Endless Elevator

(avouons-le, la blague n’est pas de nous, mais nous l’aimons bien)

Nous sommes juin-juillet 2014, deux annonces font alors battre le cœur des fans de deux groupes mythiques anglais (enfin pour ceux qui le peuvent encore) : Deux nouveaux albums de Queen et Pink Floyd verront le jour à la fin de l’année.

Deux groupes dont la date de péremption est déjà bien dépassée, 1991 pour l’un bien que maintenu en vie pour des raisons pécuniaires et 1995 pour l’autre, mais dont les musiques continuent de faire vibrer des millions de personnes à travers le monde, non pas parce que RTL2 n’a pas changé sa programmation musicale en 20 ans, mais grâce à la qualité de leur répertoire.

Écartons rapidement le cas de la Reine et de l’album Queen Forever : il ne s’agissait en fait que d’une nouvelle compilation, avec vaguement quelques inédits et une réorchestration totalement inoubliable, de Love Kills, morceau collaboratif entre Freddie Mercury et Giorgio Moroder paru au début des années 80. Écoutez l’original, ne perdez pas de temps avec la version 2014 ou en live chanté par Adam Lambert.

The Endless River, Forever and Ever,  comme nous pouvons l’entendre à la fin de la partie chantée de High Hopes, chant du cygne floydien paru en 1994. Vous apprécierez au passage ce don de la transition qui est mien, puisque The Endless River est le nom du nouvel album de Pink Floyd, et objet de la critique de ce jour.

Avant même la parution de l’album, nombreux étaient les fanatiques réfractaires. Il faut dire que le groupe a connu de nombreuses moutures, et ainsi les adorateurs du groupe peuvent se séparer entre 4 catégories :

  • ceux qui louent la période Syd Barrett (soit un album sur toute la discographie, autant dire qu’on peut classer ces gens parmi les casses-couilles) ;
  • ceux qui vénèrent Roger Waters (et qui considèrent que depuis le départ de leur dieu, Pink Floyd, outre le fait d’usurper le nom, ne proposait que de la soupe) ;
  • ceux qui chérissent Gilmour (et qui considèrent que The Final Cut est la preuve que Waters a bien fait de dégager) ;
  • ceux qui n’en ont absolument rien à battre et qui considèrent ces débats aussi stériles que de savoir de qui Thomas ou Nabilla est fautif dans cette affaire d’état ;

Nous faisons partie de la dernière catégorie, et c’est donc avec bonheur que nous attendions la parution de cet album. Qu’importe que le groupe n’ait rien sorti depuis 20 ans, tant qu’il n’était pas annoncé une collaboration Gilmour-Calvin Harris, il n’était pas nécessaire de craindre le pire. Bien que sortir l’album à un mois de Noël, ça ne doit être qu’une vulgaire coïncidence…

Préalablement à l’exécution de notre mission, qui est de critiquer cet album, Gilmour (et sa maison de disque) nous ont exposé :

  • Que Mason et lui, derniers membres du groupe et propriétaires ainsi du nom, ont créé cet album à base de chutes de l’album The Division Bell ;
  • Que par conséquent, Rogers Waters n’est en rien lié à cet album ;
  • Que Wright étant décédé en 2008, et que par mémoire, il a été décidé que les pistes de clavier n’ont pas été retouchées ;
  • Qu’afin de mettre en lumière le travail de ce dernier, l’album serait en très grande partie instrumental ;
  • Qu’ils souhaitent ainsi que nous prenons cet album, en toute neutralité et indépendance, pour une commémoration de Wright.

Sur Toute Ouïe, nous n’avons plus 7 ans, nous n’avons plus foi en l’humanité et  nous n’aimons pas qu’on se foute de notre gueule. Que l’on souhaite commémorer Wright pourquoi pas, mais les parties de clavier de The Endless River ne sont pas, autant le dire tout de suite, démentes.

Même s’il peut y avoir un fond de vérité dans ce discours, nous pensons que, puisque de toute façon l’album sera rentable financièrement (« Thank God it’s Christmas » chantait Freddie Mercury) et qu’en tant qu’album de Pink Floyd, il sera au pire accueilli tièdement. Ils ont bien dû se dire que ce n’était pas la peine de se coltiner des heures de travail à écrire des paroles et enregistrer des lignes de chants (quand surtout ils n’ont plus rien à dire et que dans l’absolu, A Momentary Lapse of Reason et The Division Bell ont montré que Waters était le vrai parolier du groupe). Remarquons également que seul l’extrait promotionnel de l’album est chanté… Wright, il était bien gentil, mais ce n’est pas avec un morceau instrumental que vous allez vendre des albums à la radio.

Enfin bref, passons. Ainsi, après plusieurs jours, plusieurs écoutes plus ou moins attentives (rappelons que les chroniqueurs de ce site sont bénévoles et travaillent durement à côté), nous pouvons affirmer donc haut et fort et objectivement que The Endless River est ce qui se fait de mieux dans la musique pour travailler : jolie et intéressante, tout en étant suffisamment passepartout pour ne pas être déconcentré. Saluons également l’ingéniosité de Gilmour d’avoir saupoudré l’album de mélodies ou de sons déjà entendu dans l’ensemble de la discographie pour maintenir l’intérêt et réveiller la nostalgie de l’auditeur.

L’album étant constitué de rush de The Division Bell, il n’est pas étonnant d’en retrouver ici la couleur et quelques effets sonores (les cloches d’High Hopes, des passages de Keep Talking). On relève, par contre, des références un peu trop flagrantes trouvons-nous à Time, Shine on your Crazy Diamond ou Another Brick in the Wall. Il y en a surement d’autres, mais nous ne sommes pas non plus des encyclopédies vivantes sur le sujet floydien.

The Division Bell

L’album est donc également majoritairement instrumental. Clairement, ce ne sont pas les meilleurs instrumentaux du groupe : après tout, il ne s’agit que de chutes. L’ambiance générale qui se dégage reste sympathique, quelques solos de guitare font mouche et l’ingé son a fait du très bon boulot. Mais l’ensemble reste inégal. La galette comprend 4 morceaux, divisés en 18 pistes. Découpage dont nous cherchons toujours l’intérêt, tant il permet de mieux mettre en lumière ce côté inégal, inachevé, inexploré de certaines pistes. Nous retiendrons ainsi pratiquement que Side 1, qui avec quelques paroles ici ou là aurait pu prétendre à être un classique du groupe.

Le reste de l’album, hormis quelques fulgurances, s’oublie rapidement et paraît également par moment bien daté. Ok, le saxophone est un instrument important dans la discographie de Pink Floyd, mais son apparition, sur la niaise Arisina, enfonce le morceau.

Pour conclure, nous dirons que The Endless River  se rapproche du feu d’artifice. Au début, tout le monde trouve ça excitant, magnifique et que ça vaut le coup d’oeil. Puis pendant ¾ d’heure, on attend poliment un bouquet final, qui bien que satisfaisant, n’arrivera pas à remonter la note d’ensemble et n’effacera pas la sensation d’avoir perdu son temps.

Pour être plus méchant, mais peut-être encore plus obscur dans la référence, nous aurions pu dire que The Endless River, album sorti d’un chapeau et attendu par personne, est à la discographie de Pink Floyd ce que la saison 9 de Scrubs, saison commanditée par le network après un Series Finale parfait, est à la série dans son ensemble. Soit un goût amer qui vient entacher et détruire un travail mémorable.

Gardons en tête le concert Pulse, gardons en tête ce final sur le futur de J.D., sur du Peter Gabriel, et faisons comme si  tout ce qui venait après n’avait jamais existé, et cela pour toujours, for ever…

Mots de Roublard