Les mythes ou idées reçues autour du viol désignent les croyances entourant le crime en lui-même, les victimes et les coupables. On les définit par des attitudes et croyances fausses mais profondément et constamment entretenues servant à nier et à justifier le viol. Ces mythes, par des idées fausses répétées constamment, servent à décrédibiliser la personne violée et à excuser le violeur.
Etudions donc à présent ces mythes :
Mythe : Les femmes mentent et accusent des hommes de viol car elles regrettent une relation sexuelle ou veulent se venger
En parlant de de Samantha Geimer, jeune fille de 13 ans droguée et violée par Roman Polanski, Alain Finkielkraut souligna que "ce n'était pas une fillette, une petite fille, une enfant, au moment des faits" et Costa Gavras déclara qu'"elle en faisait 25".
En 2012, le républicain Roger Rivard souligna que "certaines femmes sont facilement violées" (voulant ainsi dire que certaines crient facilement au viol").
Dans une étude américaine de 2007 interrogeant des étudiantes d'une université du Midwest, les interviewées estimaient qu'environ 20% des accusations de viol étaient fausses.
Dans une autre étude de 2011, faite auprès d'étudiants masculins, 22% d'entre eux pensent que les femmes inventent un viol "pour se venger d'un homme" et 13% pensent que les femmes "allument les hommes pour ensuite pleurer et porter plainte".
Cet article montre, qu'au contraire, les fausses allégations de viol sont rares et qu'on les pense beaucoup plus fréquentes qu'elles ne le sont en réalité. Les quelques cas de fausses allégations sont beaucoup plus médiatisés que les affaires de viol avérés et donnent l'impression qu'il y en a beaucoup plus.
Mythe : les violeurs sont des inconnus dans une ruelle sombre avec un couteau
Beaucoup de gens ont du violeur l'image d'un inconnu avec un couteau qui agresserait la nuit dans une ruelle sombre ; il attaquerait violemment la victime qui se défendrait ce qui lui occasionnerait des blessures visibles. Une étude menée en 1997, faite auprès d'étudiantes en université montre qu'un certain nombre pense qu'il n'y a pas viol s'il n'y a pas de blessures physiques ou qu'aucune arme n'a été utilisée. On se souviendra également de la phrase d'Ivan Levaï "Un viol, c’est avec un couteau ou un pistolet" ou celle de Catherine Millet "tant qu'un homme n'est pas muni d'une arme, d'un couteau ou d'un revolver, une femme peut toujours se défendre".
Ces éléments sont absents de la plupart des viols commis.
* Le Comité Féministe Contre le Viol qui gère le numéro vert SOS viols et a pu mener des enquêtes statistiques qui révèlent qu'on viole autant le jour que la nuit. Ainsi selon leurs chiffres, "les agressions sexuelles sont commises le jour dans 45,7 % des cas, la nuit dans 54,3 %."
* La même étude montre que le viol a eu lieu dans 67.7 % des cas au domicile de la victime ou de l'agresseur, dans 3.7% des cas dans la rue, dans 0.6% des cas dans un parking.
* Dans 74% des cas la victime connait son agresseur.
L’enquête Contexte de la sexualité en France de 2006 souligne que "les agresseurs inconnus restent toujours une minorité (17%), et que leur proportion décroît dans les générations les plus récentes".
Une étude menée en Angleterre par le ministère de la Justice montre que dans 90% des cas la victime connait son agresseur.
Goaziou et Mucchielli en 2010 montrent que le viol est avant tout un crime de proximité. Les viols familiaux élargis (viols commis par des pères, des beaux-pères, d’autres ascendants, des collatéraux, des conjoints ou des "amis de la famille") viennent largement en tête, suivis par des viols commis par des copains ou des amis des victimes, par des voisins ou bien encore, à une échelle de plus basse intensité relationnelle, par des relations ou des connaissances, du voisinage ou professionnelles.
Aux Etats-Unis, une étude montre que deux tiers des viols sont commis par une personne connue de la victime.
Mythe : les femmes habillées sexy l'ont bien cherché voire ont aimé cela
On prétend souvent que les femmes ont provoqué leur viol, qu'elles disent non tout en pensant le contraire ou qu'il faut forcer et pousser les femmes car elles aiment ça.
En 2009, le Daily Telegraph dut présenter des excuses publiques après avoir fait dire à une étude que les femmes qui sortent, boivent de l'alcool et s'habillent court risquent davantage d'être violées.
En 2013, Yi Yanyou, un professeur de droit chinois affirmait, après le viol collectif d'une serveuse, qu'il est moins grave de violer une serveuse qu'une "fille bien".
Un officier de police de Toronto Michael Sanguinetti déclara en 2011 que les femmes devraient éviter de s'habiller comme de salopes si elles ne voulaient pas être violées.
Ces deux études montrent qu'environ 1 à 4% des étudiantes interrogées pensent que certaines femmes désirent secrètement être violées. Ce chiffre montre à 15% chez les étudiants.
21% des étudiantes pensent qu'une femme portant une tenue sexy "cherche les problèmes".
Une étude anglaise de 2005 montre que 22% des personnes interrogées pensent qu'une femme est partiellement ou totalement responsable de son viol si elle avait des partenaires sexuels multiples et 26% pensent la même chose si elle portait des vêtements sexy.
Dans cette étude, l'auteure montre qu'il n'y a pas de corrélation entre leur habillement et le harcèlement sexuel subi. Elle montre qu'une tenue sexy n'accentue pas le harcèlement.
Différentes études montrent que ce que cherche avant tout un violeur est une victime qui donne un sentiment de vulnérabilité. La tenue n'est donc pas mise en cause, puisque, d'ailleurs une bonne partie des violeurs ne se souvient absolument pas de ce que portait leur victime. L'interrogatoire de violeurs condamnés montre qu'ils ont tendance à exagérer la tenue portée par leur victime, à la percevoir beaucoup plus provocante qu'elle n'était et à interpréter à peu près n'importe quelle attitude comme provocatrice. Ainsi un sourire ou un salut deviennent, pour le violeur, des éléments de provocation.
Mythe : ce sont les jeunes et jolies femmes qui sont violées
Lorsque Nafissatou Diallo a déclaré avoir été violée, certains ont dit qu'elle était laide. Les accusés de Créteil ont également mis en avant le physique d'une des victimes lors du procès.
Les victimes sont de tout âge, tout milieu socioprofessionnel ; ainsi aux USA, 15% des victimes avaient moins de 12 ans. Les femmes en situation de handicap physique ou mental sont plus sujettes que les femmes valides à subir un viol. Certaines études avancent qu'elles pourraient être 4 fois plus sujettes à des situations de violences sexuelles.
Mythe : on viole davantage dans certains milieux sociaux
Il est courant d'entendre qu'on violerait davantage dans les milieux populaires, particulièrement dans les banlieues dites "sensibles".
Selon l’enquête Contexte de la sexualité en France de 2006, il y a peu de différence selon la catégorie socioprofessionnelle avant 18 ans ; le pourcentage le plus élevé se rencontrant chez les filles de cadres. La fréquence après 18 ans varie de 6% à 10% selon la position sociale personnelle des femmes avec des chiffres un peu plus élevés chez les cadres et chez les artisanes-commerçantes. Les femmes violées existent donc dans toutes les catégories socioprofessionnelles.
Si les affaires de viols condamnés par la justice montrent une surreprésentation des auteurs appartenant aux milieux populaires (ce qui est le cas de toutes les infractions), et que les membres des milieux sociaux favorisés sont sous-représentés parmi les personnes condamnées, on peut penser que les faits au sein de milieux aisés sont sous-judiciarisés car bénéficiant d'aides diverses. A l'inverse les populations défavorisées sont davantage surveillées par les services sociaux ce qui permet une plus grande détection.
Mythe : seule une femme peut être violée
Une étude américaine de 2008 montre les préjugés auxquels sont soumis les officiers de police de 7 départements de police et 4 départements de sheriffs du sud des Etats-Unis. Ainsi seulement 66% d'entre eux croient que n'importe quel homme peut être violé et 48% croiront un homme qui viendrait porter plainte pour viol.
Selon l’enquête Contexte de la sexualité en France de 2006, 16% des femmes et 5% des hommes déclarent avoir subi des rapports forcés ou des tentatives de rapports forcés au cours de leur vie (6,8% des femmes déclarent des rapports forcés et 9,1%, des tentatives, et respectivement 1,5% et 3,0% des hommes).
Mythe : un mari ne peut pas violer sa femme
9% des hommes et 5% des femmes pensent qu'un mari qui utiliserait la force physique pour avoir un rapport sexuel ne commettrait pas un viol et 31% des hommes et 19% des femmes pensent que le non consentement des femmes ne constitue pas un viol. Dans un article de blog, Bruno Gollnish dénonçait l'existence du crime de viol conjugal.
Une étude américaine de 2008 montre que 19% des officiers de police interrogés seront tentés de ne pas croire une femme qui dit avoir été violée par son époux.
Selon l'enquête de l'ENVEFF de 2001, 0,9% des femmes déclaraient avoir été victimes de violences sexuelles par leur conjoint au cours des 12 derniers mois.
Les conséquences sur les victimes et sur les violeurs
Les victimes de viol correspondent rarement aux mythes autour du viol et, à cause de cela, subissent souvent des préjugés défavorables tant de la part de leurs proches que de la police et de la justice.
Il a également été montré que les personnes croyant aux mythes sur le viol sont moins aptes à définir un viol comme tel que ceux n'y croyant pas ; ainsi une femme qui aurait été violée et croirait aux mythes sur le viol sera moins amenée à porter plainte puisqu'elle n'estimera pas ce qu'elle a vécu comme un viol.
Une étude américaine de 2001 montre que 66% des personnes interrogées, hommes comme femmes, adhéraient aux mythes autour du viol dans une étude utilisant des questions ouvertes. Dans une étude utilisant des questions fermées, entre 25 et 35% des interrogés adhéraient à ces mythes. Les hommes sont plus enclins que les femmes à croire à ces mythes.
Une étude a été menée afin de mesurer la propension au viol c'est à dire la possibilité que quelqu'un viole. A été posé un certain nombre de questions sans jamais prononcer le mot viol comme par exemple "avez vous déjà eu des relations sexuelles avec quelqu'un dont vous saviez qu'il n'était pas consentant mais qui était trop ivre pour résister". Cette étude a révélé que 6.4% des hommes interrogés ont commis un viol ou une tentative de viol.
Les mythes sur le viol servent à justifier l'attitude de ces hommes qui, en acceptant ces mythes peuvent ensuite individuellement se justifier et se dédouaner d'avoir commis de tels actes.