Décryptage RELATIO par Daniel RIO
L'Union pour la Méditerranée chère à Nicolas Sarkozy, ou plus précisément le projet de « Processus de Barcelone : union pour la Méditerranée. », rectifié par la Commission de Bruxelles, ne se joue pas que sur les rives Nord de la « mer des mers ». Il se façonne aussi sur les rives Sud. Ceux qui, à Paris et ailleurs, ont tendance à l'oublier feraient bien d'y réfléchir un peu dans cette dernière ligne droite qui doit mener aux festivités sarkozyennes du 13 juillet. Si non, les feux d'artifice annoncés vont faire plouf...ou flop !
Jusqu'ici (et vus de France surtout), les pays de la rive sud concernés par le processus de Barcelone, donc visés directement par l'union pour la Méditerranée, sont restés comme passifs devant un événement qui semble les dépasser.
Certes, Sarkozy en personne et quelques émissaires ont fait la tournée des popotes nord-africaines. Pour proposer plus que pour écouter. Pour inviter à participer plus que pour inciter à suggérer des idées, des initiatives, des programmes.
Si l'on excepte quelques égards plus tactiques ou stratégiques que sincères, plus verbaux et protocolaires qu'effectifs dans quelques capitales « incontournables » (Le Caire, Alger, Tunis, Rabat, Alger...), les diplomates français ont accordé plus d'importance à ce qu'ils disaient eux-mêmes qu'à ce que l'on pouvait leur dire ou laisser entendre.
C'est à un point tel que les suspicions déclenchées dès les premières annonces de ce projet Sarkozy se sont aggravées : « Paris est plus intéressé par les questions d'immigration que par le sort des pays méditerranéens...C'est une initiative qui a un parfum d'esprit néo-colonialisme...Sarkozy cherche une porte de secours pour contourner la question turque... » On ne lit pas suffisamment la presse arabe, en France...
Mais le ton change. La Méditerranée, c'est un dialogue entre deux rives. Non une rive qui parle et l'autre qui écoute. Or les premières difficultés percent. Logiquement. Trois illustrations dans l'actualité des dernières heures.
Droits de l'Homme : une exécution capitale confirmée en Tunisie. La suppression de la peine de mort que les Européens ont réussi à rendre effective dans l'espace paneuropéen du Conseil de l'Europe et voudraient instaurer au niveau mondial ne figurera donc pas dans la corbeille du nouveau mariage euro-méditerranéen ? Question...
Immigration : L'Union parlementaire africaine (UPA) a demandé à Rabat aux parlements des pays de l'UE et au Parlement européen de ne pas voter de lois aggravant la situation des immigrés installés en Europe. L'UPA "invite les parlements nationaux européens ainsi que le Parlement européen à s'abstenir de voter toute loi tendant à aggraver la situation déjà difficile des immigrés africains", dans le projet de déclaration finale de la Conférence des parlements africains sur l'immigration, du 22 au 24 mai.
Les représentants des 26 parlements africains participant à cette conférence ont également "demandé aux pays de destination (de l'émigration) de s'abstenir de toute politique migratoire unilatérale, et de cordonner leurs politiques migratoires avec les pays d'origine et de transit".
L'UPA qui avait déploré une "hémorragie des compétences" africaines, a demandé samedi une compensation aux pays d'accueil.
Politique générale : Les pays membres de la Ligue arabe concernés par le processus de Barcelone multiplient les concertations et tentent d'unifier leurs points de vue dans la perspective du lancement de l'UPM, Union pour la Méditerranée. Les dix pays de la rive sud de la Méditerranée, réunis hier en Egypte, vont rencontrer leurs homologues de l'Union européenne les 9 et 10 juin prochains en Slovénie, actuelle présidente de l'UE.
Au cours de la future rencontre entre les ministres des 27 pays de l'Union européenne et ceux de la rive sud, « les ministres arabes espèrent remettre des propositions concrètes pour ne pas rester en marge d'une union qui ne pourra se faire sans eux », commente les journaux algériens. .
Tout cela n'a rien de dramatique. Il est même sain que l'Union pour la Méditerranée donne aux pays arabes l'occasion de montrer plus de cohésion et de renforcer leur propre coopération. On rêve même d'un « marche Commun » du Maghreb alors que les différents algéro-marocains restent « insurmontables ».Sur un plan plus général, il est naturel que la dialogue Nord-Sud se double d'un dialogue Sud-Sud. Les pays du nord aussi ont encore des divergences à surmonter face au « projet Sarkozy »....
Mais ces changements de forme et de fond constituent des événements qui replacent « la grand messe » annoncée du13 juillet dans une perspective plus réaliste. Les obstacles rencontrés par le processus de Barcelone dans son application sont ceux qui hypothèquent la réussite de l'opération Union pour la Méditerranée.
C'est un beau chantier qui peut s'ouvrir, surtout si les investissements envisagés ne sont pas marqués par cette « pingrerie européenne » qui caractérise déjà trop l'Union européenne. Mais il faudra plus que le poids des mots et les chocs des images pour le réussir.
Daniel RIOT