Le nouveau film de Matthieu Delaporte semble être l'événement français incontournable de la fin de l'année avec son budget de toute évidence confortable et sa campagne marketing intensive. Un Illustre Inconnu est une oeuvre troublante, pas véritablement très réussie mais toujours captivante, avec un Mathieu Kassovitz formidable.
Fort du succès de leur film précédant, Le Prénom, le duo Matthieu Delaporte (réalisateur scénariste) et Alexandre De La Patellière (scénariste) semble avoir eu carte blanche par Pathé pour mener à bien son nouveau projet. Oeuvre aussi ambitieuse que théoriquement assez casse-gueule à l'écran, Un Illustre Inconnu s'avère ainsi être en apparence l'événement français incontournable, comme en attestent son omniprésence dans les médias et sur les réseaux sociaux et sa campagne marketing particulièrement manifeste (on ne compte plus le nombre d'affiches dans la rue). De quoi titiller la curiosité en se demandant si finalement le film vaut tout ce battage médiatique.
On pourrait répondre « oui et non » tant le long-métrage fait preuve d'une étonnante originalité et d'un indéniable soin apporté à sa mise en scène et à l'interprétation mais également de quelques gaucheries dans le traitement d'un scénario se fondant avant tout sur une idée de base très intéressante mais pas spécialement bien appliquée sur la totalité de l'histoire. Car s'il ne faudra pas chercher le réalisme dans ce qui se veut avant tout être une fable (ce que le réalisateur nous a confirmé lors de la projection du film) - le récit n'est pas ancré dans une époque, les nouvelles technologies ne sont ainsi jamais mentionnées - l'on pourra en revanche tiquer sur certains choix narratifs pouvant remettre en question la suspension d'incrédulité. Alors que la première partie du film nous montre un personnage complexe au comportement troublant dont le loisir est de « copier » les gens qu'il a l'occasion de rencontrer - il est clairement filmé comme un psychopathe malgré sa profonde gentillesse et sa volonté apparente de ne nuire à personne - la seconde a tendance à s'embourber dans une histoire où ses motivations deviennent de moins en moins « compréhensibles » (si tant est que son jeu d'imitation l'ait été auparavant). Il y avait peut-être d'autres pistes à explorer pour permettre de saisir un peu mieux le caractère du personnage. Les scénaristes sont bien évidemment conscients de tout cela, et arrivent parfaitement à justifier leurs choix : après tout, en développant davantage le background du protagoniste et en fournissant une signification plus évidente à ses actes, ils lui enlevaient une part de mystère bénéfique à l'attachement des spectateurs (d'ailleurs, même son nom est composé de deux prénoms). Mais il y avait peut-être matière à faire mieux, et les auteurs auraient pu s'abstenir d'inclure quelques scènes aussi dispensables que celle du commissariat (car trop saugrenue) ou les nombreux échanges avec le fils de la personne que le « héros » choisit de « remplacer » (car trop borderlines compte tenu de leurs longueurs).
Reste tout de même un film vraiment captivant, réalisé avec maîtrise (et quelle
direction artistique…), et ménageant pour une fois beaucoup de suspens. Et puis, bien sûr, il y a l'interprétation formidable des acteurs, Mathieu Kassovitz étant absolument génial dans ce double - voire triple - rôle dans lequel il s'investit pleinement. Une performance indéniable et qui constitue l'une des meilleures raisons d'aller voir ce film dérangeant, un peu maladroit mais toujours assez intrigant pour maintenir l'attention du public.
Titre original
Un Illustre Inconnu
Mise en scène
Matthieu Delaporte
Date de sortie
19/11/14 avec Pathé Distribution
Scénario
Matthieu Delaporte & Alexande De La Patellière
Distribution
Mathieu Kassovitz, Marie-Josée Croze & Eric Caravaca
Photographie
David Ungaro
Musique
Jérôme Rebotier
Support & durée
35 mm / 118 minutes
Synopsis : Sébastien Nicolas a toujours rêvé d’être quelqu’un d’autre. Mais il n’a jamais eu d’imagination. Alors il copie. Il observe, suit puis imite les gens qu’il rencontre. Il traverse leurs vies. Mais certains voyages sont sans retour.
[critique] le Prénom : caustique et rassérénant - l'Ecran Miroir
3,8/5 Inespéré. Le mois de juin étant traditionnellement chez moi assez contraignant, je n'imaginais pas trouver un créneau valable pour aller au cinéma. Et puis cela s'est fait, tout naturell...
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Critique du Prénom par Vance