Formés aux maths modernes, à la méthode globale et aux études de marché, les « nouveaux » journalistes comme le roseau de La Fontaine s’émeuvent d’un rien. « Le moindre vent qui d’aventure fait rider la face de l’eau » tourneboule en eux la « folle du logis » . Pour un reflet d’écume, ces faiseurs d’opinion volatile annoncent le feu au lac, ou seulement à la mare au bord de laquelle depuis un an, flip flap, s’activent vaillamment notre nouveau Coq, sa cour et sa basse-cour. A la moindre fausse note, au moindre cocoricouac, (comme naguère au dernier bling-bling), les chroniqueurs pouet-pouet sont en émoi, croient pouvoir sonder dans le gouvernement les trous de haine, les vases d’incompétence, les tourbillons de nullitude, tous indices de l’effondrement imminent du moulin, badaboum !
D’ailleurs deux petits couac valent mieux qu’un gros couic. Le couic, c’est le cri du cou coupé. Ô, nos bons chroniqueurs, vous si friands de le percevoir à droite, tendez donc l’oreille de l’autre côté. Une oie, encore tout ébaubie qu’on ait failli naguère la mettre en cuisine, croit pouvoir aguicher une seconde fois sur le
même dandinement : couic ! Un quarteron de cannetons cancanent qu’ils viennent d’éclore et se jettent, plouf, sur les croûtons de pain des sondages . Un vieux dindon de Paris fait courir le bruit qu’il a la cuisse tendre, le blanc rose pâle et le fumet libéral : velib dring dring ! Un perdreau de Neuneu, rouge mais bon enfant, s’offre pour des agapes post-prolétariennes : trott skii tché dou dou ! … Bref à gauche, ce n’est pas un couac par mois, c’est la poule au popot tous les dimanches. Gloups. C’est justement de casseroles que causaient mes commères au marché de vendredi. « Dites donc, m’ame Daube, vous trouvez pas que le ragoût politique manque de nerf ces temps-ci ? -Ah ! ça oui, m’ame Michu, on nous passe le bœuf à l’attendrisseuse . J’en deviendrais végétarienne. -Vous auriez tort, m’ame Daube, roses ou verts, les légumes sont aussi chers que la viande, et quatre navets ne font pas un potage -Reste le poisson, mais vingt euros la lotte du Nord ! quinze la dorade royale ! -Même à trente centimes je vous les laisse : l’une est trop grasse, l’autre insipide et pleine d’arêtes. Savez pas ? moi j’aimais bien la petite morue à l’italienne, au moins ça faisait chanter le palais. Eh bien on la trouve plus sur les étals, pfutt, ou alors déjà dessalée, pâlotte, on dirait qu’elle s’ennuie. -Comme nous, m’ame Daube, comme nous ! Y a qu’à regarder ces messieurs, tout en sourcils et traits tirés, complets marine et cravates noires ! Beurk. Tenez, c’est simple, je crois revoir mon mari de son vivant, et le croque-mort à ses funérailles. -Oh ! taisez-vous, m’ame Michu, vous me faites rire, c’est pas bien, y a tant de misère dans le monde ! -A qui le dites-vous ? Partout. Ça va de mon rhumatisme du genou au tremblement de terre en Chine. Jusqu’au réchauffement qui jette un froid. -Ajoutez le coup de l’euro et le service minimum : plus de beurre, plus d’épinards, hop ! même plus une bonne grosse grève pour relever le plat ! » Et vlan.Arion