Pour une fois, dans ces colonnes, il ne sera pas question de technologie mais l'initiative « NextJob Homeowner Reemployment » de la Fifth Third Bank – qui vient de remporter un trophée aux « BAI - Finacle Global Banking Innovation Awards » – représente un magnifique exemple d'innovation abordée par un renversement de perspective.
Le fait est largement connu, la crise financière de 2007-2008 a profondément affecté les ménages américains propriétaires de leur logement, du fait à la fois de son impact sur le marché immobilier et de ses implications globales pour l'économie, qui ont fortement fragilisé les plus modestes. Pour ces derniers, la conséquence directe a souvent été l'expulsion, tandis que les banques qui leur avaient consenti un prêt hypothécaire ont enregistré des pertes colossales sur les défauts de remboursement.
Dans la panique qui s'est ensuivie, et dont les effets n'ont pas fini de se faire sentir, les établissements prêteurs ont, au mieux, tenté de sauver – en partie – la situation en déployant une stratégie classique : ils ont proposé à leurs clients de renégocier les termes de leur emprunt. Malheureusement, il ne peut s'agir là d'une solution pérenne puisqu'elle ne cible que les symptômes des difficultés rencontrées et non leurs causes réelles, qui sont, dans près de la moitié des cas, une perte d'emploi.
Fifth Third a donc choisi une autre approche, destinée à traiter le cœur du problème. Elle a commencé par identifier ses clients sans travail ayant accumulé deux mois ou plus de retard dans leurs paiements et elle leur a offert un programme de retour à l'emploi auprès d'une entreprise spécialisée. Bien entendu, l'objectif est de donner à ces personnes l'occasion de gagner un salaire et de retrouver ainsi une certaine stabilité financière, qui leur permettra de rembourser leur dette et de conserver leur logement. Tout le monde en sort gagnant !
Loin d'être une simple œuvre sociale, le concept est fondé sur un raisonnement économique sérieux. Les seuls coûts de personnel générés par une forclusion sont du même ordre que le financement du programme pour une personne (environ 1 500 $), pris en charge intégralement par la banque. Une fois intégrés les pertes de revenus, les frais judiciaires et les autres charges liées à un défaut, le bénéfice devient évident. D'autant plus que, lors d'un pilote mené en 2012, 40% des clients inscrits ont effectivement retrouvé un travail après, en moyenne, 22 mois de chômage.
Un aspect étonnant et instructif de l'expérience de Fifth Third est la réticence initiale des personnes contactées, qui – autre effet majeur de la crise – sont devenues extrêmement méfiantes vis-à-vis des institutions financières. Face à cette crise de confiance, la banque a du parfois engager des efforts significatifs pour convaincre les clients de sa volonté réelle de les aider. A l'inverse, cette initiative aura certainement un impact positif important et durable sur sa réputation…
Fifth Third se décrit elle-même comme la « banque curieuse » (« The Curious Bank ») et elle mérite bien ici ce titre (dans les deux sens du terme « curieux », d'ailleurs). Dans un contexte exceptionnel, elle ne sont en effet pas nombreuses à appréhender les défis avec un œil différent et un esprit ouvert. Heureusement, dans la foulée de son succès, quelques autres établissements commencent maintenant à s'engager dans la même voie.