d'après L’INCONNUE de Maupassant
Sur le pont Napoléon III
Je rencontrai pour la première fois
Une jeune femme qui me fit un effet…
Mais un effet…étonnant.
Brune, avec cheveux mangeant le front,
Elle avait la taille bien cambrée
Et des seins saillants
Présentés comme un défi,
Offerts comme une tentation.
Je la suivis.
Pendant trois semaines, je n’ai pensé qu’à elle.
Puis j’oubliais la belle.
Je la revis
Six mois plus tard, rue de la Paix
Et je sentis
Une secousse au cœur en l’apercevant
Comme si je revoyais
Une maîtresse que j’avais quittée
Deux jours avant.
Je fus un an sans la revoir.
Puis un soir
Je la retrouvais.
Elle marchait
Devant moi sur les Champs-Elysées.
J’eus envie de lui parler,
De lui dire l’émotion qui m’étranglait.
Peu après, je la vis entrer
Dans une maison, rue Saint-Honoré.
Je l’attendis deux heures sur le trottoir.
Sans succès.
Et je fus encore huit mois sans la revoir.
Or un matin, étant distrait,
Je la heurtai
Malencontreusement
Je m’excusai : -« Je suis désolé et ravi
De vous avoir bousculée ainsi.
Je vous vois depuis deux ans
Et ne me suis pas encore présenté :
Baron Roger de Lachaume.
Je passe pour être un honnête homme.
Indiquez-moi, s’il vous plait,
Le moyen de vous rencontrer. »
Elle m’a regardé fixement
Et me répondit en souriant :
-« Qu’elle est votre adresse ? Je verrai. »
Je m’empressai de la lui donner.
-« Quand est-ce que je vous reverrai ? »
-« Dimanche matin, si vous voulez. »
Et elle s’en alla, après m’avoir dévisagé,
Jugé, pesé, analysé.
Je me suis demandé qui elle était
Et me fixai la conduite à adopter.
Comment devais-je la payer ?
Je me décidai à acheter un bijou,
Un joli bijou.
Le dimanche suivant vers dix heures,
Chez moi, elle se déshabillait
Sans trop se faire prié d’ailleurs.
Mais quand il fallut lui chanter
Ma chanson d’amour, je découvrais
Que je n’avais plus de voix, mais plus un filet.
D’abord, elle s’étonna
Puis elle se fâcha, se rhabilla
Et prononça avec vivacité :
-« Il était bien inutile de me déranger. »
Je voulus lui faire accepter
La bague que j’avais achetée
Mais elle s’est indigné et me dit ::
-« Pour qui me prenez-vous, monsieur ? »
Je rougis et elle partit.
Ce qu’il y a de pis,
C’est que depuis,
J’en suis amoureux.
Je ne puis embrasser une joue,
Sans voir sa joue.
Elle assiste à toutes mes caresses.
Elle est toujours là, comme ma maîtresse !
Qui est-elle ? Je ne sais.
Je l’ai encore une fois rencontrée.
Je lui fis un salut.
Elle ne me l’a point rendu.