Le passage à l’âge adulte de l’être humain est un phénomène particulièrement complexe à appréhender. Loin d’être dépendant d’une simple variable chronologique, il s’agit d’un phénomène biopsychosocial répondant à toute une variété de facteurs intriqués. Situé à l’interstice de la psychologie et de l’anthropologie (ainsi que d’un ensemble de champs transversaux), ce passage de l’adolescent devenant adulte est, de plus, particulièrement mutatif d’un point de vue sociohistorique. Cette complexité, déjà redoutable au sujet de la personne dite « valide », voit son ampleur redoubler lorsqu’il est question de l’être en situation en handicap vivant en institution.
Alors même que chacun de nous se voit confronté à une profonde transformation psychique au sortir de l’adolescence, la personne en situation de handicap se retrouve aux prises avec un double défi : faire face à l’impérieuse nécessité de se définir elle-même, mais également conjuguer cette construction identitaire avec certaines limitations inhérentes aux différentes atteintes, physiques comme psychiques, avec lesquelles elle vit.
A partir de ce point de départ théorique, notre attention s’est portée sur l’impact potentiel des différents types de handicaps (acquis, innés) sur l’évolution singulière du sujet. Ces différents effets se sont ensuite conjugués dans une seule et même question : peut-on être adulte tout en vivant une situation de dépendance concrète à l’environnement humain et institutionnel?
Au sein de cette pensée, l’importance de ne pas confondre critères sociaux et critères psychiques s’est faite jour, notamment dans la frontière séparant l’indépendance sociale de l’autonomie psychique. Cette dernière, même pour un sujet très entravé par son handicap, reste une possibilité à construire et à développer. Il s’agit là de la différence entre le «faire», détérioré ou empêché par le handicap, et l’ «être», qui ne saurait être aliéné car radicalement humain.
Dans cette recherche de repères éthiques, l’institution nous a semblé jouer un rôle important. Les postures professionnelles, en premier lieu, semblent fortement impliquées dans la possibilité, pour le sujet, de devenir et de se sentir adulte. En second lieu, l’équipe a pu rappeler qu’une institution est tout autant un «lieu où l’on soigne» qu’un «lieu qui soigne» par son mode de fonctionnement. Ainsi, les facteurs d’organisation institutionnelle ne sauraient être écartés de notre recherche d’ajustement à l’accompagnement d’un sujet devenant adulte.
Source : Repères éthiques : L’accompagnement à la vie d’adulte via Lucas Bemben, Psychologue clinicien, webmaster du site Psymas