Depuis mon retour de vacances je tente de combler mon retard et je m’aperçois que nous avons vraiment un chouette catalogue manga cette automne… Je n’ai pas encore fini de rattraper les sorties d’octobre mais, après Uwagaki, je suis encore tombé sur deux romances prometteuses, entre shôjo et josei : Orange d‘Ichigo Takano qui montre que l’éditeur Akata ne perd vraiment pas de sa superbe en indépendant, et Six Half de Ricaco Iketani qui prouve qu’il ne faut pas, pour autant, jeter Delcourt aux oubliettes. La première mangaka a commencé à se faire connaître il y a peu via Dreamin’ Sun quand la seconde a connu un bon accueil chez nous avec Lollipop, deux titres à essayer par ailleurs !
Je me suis facilement immergé dans ces histoires pourtant très différentes : Orange tourne autour d’une jeune fille qui reçoit des messages de son moi futur et Six Half d’une adolescente qui se réveille après avoir perdu la mémoire. Entre un futur intriguant pour l’une et un passé inconnu pour l’autre, chaque récit possède ses propres armes. Regardons ça de plus près, si vous le voulez bien…
Bonne lecture
Orange : romance, poésie et science fiction…
« Le jour de mes seize ans… J’ai reçu une lettre. J’ignore comment elle m’est parvenue ni pour quelle raison. Mais l’expéditeur n’était autre que… Naho Takamiya. Une lettre écrite par moi-même ? « C’est ainsi que Naho reçoit un courrier qui vient du futur. La jeune femme qu’elle est devenue dix ans plus tard lui fait part de ses regrets et va lui demander, au jour le jour, de ne pas refaire les mêmes erreurs qu’elle. Bien évidemment, notre lycéenne a bien du mal à croire ce qui est écrit, mais tout se déroule comme indiqué. Naho se demande donc si elle doit suivre les conseils qui accompagnent ces récits quotidiens. Néanmoins, même si elle le voulait, cela est plus facile à lire qu’à faire ! Naho est une jeune fille plutôt timide qui cherche toujours à se cacher dans un trou de souris, à n’embêter personne… Elle se pose toujours des dizaines de questions dès qu’il s’agit de ses relations avec les autres.
Pour ne pas lui faciliter la tache, nombre des demandes de son alter-égo tournent autour de Kakeru Naruse, un jeune garçon de Tokyo qui vient d’intégrer leur école provinciale. Naho et ses amis vont rapidement le prendre sous leurs ailes mais Kakeru reste néanmoins plein de mystère : le lendemain de son arrivée il disparaît pendant 15 jours avant de revenir comme si de rien n’était et on sait peu de choses de lui. Tout ceci ne l’empêche pas de se rapprocher de Naho, qu’il observe toujours attentivement et dont il devine toutes les envies qu’elle n’ose pas dire. Malheureusement, au-dessus de cette complicité rapide et de cette romance naissante plane un bien triste nuage : les lettres de son moi-futur sont pleines de regrets… et aussi porteuses de funestes nouvelles.
De la douceur et une belle singularité… C’est ce que je me suis dit en refermant ce premier tome, avalé d’une traite tellement la découverte fut prenante. La petite dose de science-fiction est des plus intrigantes, d’autant que les fameuses lettres du futur sont étoffées par plusieurs extraits du futur, où l’on découvre la vie de la bande 10 ans plus tard. Ces instants sont fugaces au départ, durant une ou deux pages, puis le lecteur profite de séquences de plus en plus longues qui dévoilent quelques clés sur ce qu’il a pu se passer pendant la décennie qui les sépare. Une narration qui rappelle un peu celle de Nana d’Ai Yazawa, où les extraits du futurs jouaient au jeu du chat et de la souris avec le lecteur, chaque indice dévoilé amenant autant de questions que de réponses. Le principe est assez voisin dans Orange, mais il est moins tortueux, moins dramatique… De toute façon, la fameuse correspondance épistolaire a la capacité de tout changer. En effet, dès ce premier tome, des dissonances légères apparaissent : des choses non prédites arrivent et Naho réussit parfois à vaincre sa timidité pour effacer les ratés de sa précédente elle-même. Tous les espoirs sont donc permis.
On voyage donc entre certains mystères ou tragédies à venir et la possibilité de réécrire les choses sans jamais tomber dans le prévisible ou le cliché. On pourrait croire qu’avec de telles infos la petite Naho pourrait se créer une vie de rêve mais « ce journal intime du lendemain » ne concerne que ses relations avec les autres et c’est justement le domaine où notre touchante héroïne a le plus de difficulté. Elle échouera à de nombreuses reprises, donc, et en connaissant l’impact de son inaction ces échecs n’en seront que plus douloureux. Comme toujours dans ce genre de fiction, connaître le futur est un drôle de cadeau. Enfin il faut préciser que Naho n’est pas l’unique personnage de cette histoire : le fameux Kakeru, sous ses airs de solitaire, révèle un jeune garçon sensible, attentif… Et parfois tout aussi secret que Naho. Ces deux là vont bien ensemble et toute la bande qui les accompagne est également chaleureuse et séduisante, même si on les connait encore mal.
Pour finir le portrait de ce premier tome, j’ajoute que l’on dispose d’une édition assez réussie : pas de pages couleur mais une couverture soignée et un papier plutôt agréable. Pour un 224 pages au format moyen à 7.95 euros, le rapport qualité-prix est tout à fait honnête. Ah ! J’allais oublier : le nombre élevé de pages est du à une édition spéciale de ce premier volume. Orange a été initialement publié dans le Betsuma (Lovely Complex, No longer Heroine) de Shueisha. Mais la série s’est arrêtée du jour au lendemain vers le tome 2 et a connu une pause prolongée, Ichigo Takano annonçant même qu’elle mettait fin à sa carrière à une époque. Fort heureusement, fin 2013, l’éditeur Futabasha (Coq de combat, King’s Game, plusieurs Taniguchi) parvient à convaincre Takano de ne pas laisser tomber et annonce le retour d’Orange, dans les pages du Monthly Action. D’où une nouvelle édition des premier tomes avec un bonus pour remercier les lecteurs, contenant une petite histoire qui nous accompagnera sur les deux premiers tomes, sur une trentaine de pages à chaque fois.
Voilà vous savez l’essentiel sur ce titre, qui a déjà fait parler de lui depuis sa sortie chez nous le 9 octobre dernier. Vous pouvez aussi découvrir une preview sur le site d’Akata. Le tome 2 sort le 4 décembre, ce sera l’occasion de vous faire plaisir !
Fiche descriptive
Auteur : Ichigo TAKANO
Date de parution du dernier tome : 09 octobre 2014
Éditeurs fr/jp : Akata / Shueisha – Futabasha
Nombre de pages : 224 n&b
Prix de vente : 7.95 €
Nombre de volumes : 1/3 (en cours)
Visuels : orange © Ichigo Takano 2012 / FUTABASHA PUBLISHERS LTD., Tokyo
Six Half : avant j’étais une pouffiasse et une garce. Mais ça… c’était avant !
« Tu t’appelles Shiori Kikukawa, tu as 16 ans et tu viens tout juste d’entrer en deuxième année au lycée« .
C’est ainsi que Shiori ré-apprend qui elle est, après son accident de moto. Elle est amnésique sur tout ce qui concerne sa famille, ses amis et sa vie en général. Tout le reste va bien mais le monde qui l’entoure lui est totalement étranger. C’est son grand frère, Akio, qui va prendre soin d’elle et tenter de lui faire retrouver la mémoire, vu que leur mère les a quittés il y a dix ans en divorçant de leur père, qui s’est occupé d’eux mais qui est décédé il y a un an. Elle a également une petite sœur, Maho, mais cette dernière la déteste. D’ailleurs, il y a pas mal de gens qui ne lui veulent pas que du bien, et son frère est visiblement son seul soutien. Son petit-ami ne reconnait pas le jeune fille timide qu’il a devant lui et ses copines, après l’avoir accueillie en fanfare à son retour à l’école, se révèlent versatiles et superficielles. Pire, l’une d’entre elles répand depuis longtemps des rumeurs de fille légère sur le compte de Shiori.
Notre convalescente comprend rapidement qu’elle n’était pas quelqu’un de vraiment sympathique : garce, égocentrique, vaniteuse, aguicheuse et sans doute vulgaire, hypocrite et manipulatrice… Difficile de se reconstruire quand vous vous découvrez si détestable, tout comme il est compliqué de se sentir coupable quand on n’a plus aucun souvenir des crimes qu’on a pu commettre. De nombreuses déceptions attendent donc Shiori mais tout n’est pas perdu : son frère semble l’aimer de manière inconditionnelle et il la soutient avec suffisamment de conviction pour qu’une nouvelle porte s’ouvre… Une nouvelle vie serait-elle possible ?
Ambiance radicalement différente pour ce second titre, vous l’aurez compris. Une belle garce comme on en voit que dans les shôjos a le cerveau remis à zéro et elle doit faire face à celle qu’elle était devenue. Le choc est rude et ceux qu’elle tenait sous sa coupe ne vont pas se gêner pour lui en faire baver, maintenant qu’elle montre des signes de faiblesse. Cependant, lecteur bonne poire que nous sommes peut-être, impossible de détester cette jeune fille perdue et craintive, qui ne comprend pas comment elle a pu en arriver là… Une descente du coté obscur qui sera intéressant à éplucher d’ailleurs, et mon petit doigt me dit que l’abandon par la mère n’y est pas totalement étranger. En attendant, dans ce premier tome, Shiro paie l’addition.
Cela dit, cette pénitence est aussi l’occasion d’assainir son entourage, de se débarrasser des influences néfastes. Nous ne sommes pour l’instant que sur la partie immergée de l’iceberg mais ce grand ménage est l’occasion, si je puis dire, de briser la glace entre l’héroïne et le lecteur, qui l’aurait sans doute détesté s’il l’avait connu plus tôt ou si sa nouvelle vie s’était montrée trop facile ou trop clémente. D’autant que toute l’ardoise n’est pas réglée et tout le monde n’a pas encore dévoilé son jeu. Le premier flashback asséné à la fin du tome 1, assez mystérieux, n’a rien de rassurant en tout cas.
Ricaco Iketani nous propose donc un cocktail original sur la rédemption, les apparences superficielles, l’estime de soi et les rapports aux autres, du point de vue de la sorcière plutôt que de la princesse. Le premier tome est arrivé chez nous le 15 octobre et le suivant sort la même semaine qu‘Orange. Pour info, la série est toujours en cours au Japon, dans le renommé magazine Cookie (Nana, Lollipop, Parapal) de la Shueisha, et compte actuellement 8 volumes. A essayer !
Fiche descriptive
Auteur : Ricaco IKETANI
Date de parution du dernier tome : 15 octobre 2014
Éditeurs fr/jp : Delcourt / Shueisha
Nombre de pages : 192 n&b
Prix de vente : 6.95 €
Nombre de volumes : 1/8 (en cours)
Visuels : SIX HALF © 2009 by Ricaco Iketani / SHUEISHA Inc.