Le pinard et moi

Publié le 25 mai 2008 par Nicolas J
Oups ! Il y a une chaîne où j’ai probablement été tagué bêtement et à laquelle je n’ai pas répondu. Honte sur moi. Lancée par Martin, relayée par Eric, reprise ensuite par Gaël et Maxime et probablement par d’autres, j’ai la flemme de chercher, il s’agit de préciser ses préférences en terme de vin.

J’ai très rarement l’occasion d’avoir à choisir du vin. Je ne bois presque jamais de vin à la maison sauf quand j’ai des invités. Deux solutions. Soit ce sont des ivrognes auquel cas je sers des vins de Loire soit ce sont des gens normaux et je sers les bouteilles qui me sont régulièrement offertes : je ne vais quand même pas distribuer des cravates à mes convives !

Oui ! Je suis un célibataire quadragénaire cadre. Que voudriez vous que l’on m’offrît, à part du vin et des cravates pour les anniversaires et autres Noël ? J’ai donc le plaisir d’avoir une belle cave assez variée exclusivement composée par des gens qui m’aiment bien. Je ne vous dirai pas où elle est.

Pendant que j’y pense et bien que mon anniversaire soit dans plus d’un an, j’ai un message à faire passer : beaucoup de mes cravates sont tâchées et celles qui restent sont à chier. Si vous voyez ce que je veux dire.

C’est ainsi que je n’achète QUE du Chinon « Les Caractères, cuvée Sélection » disponible dans le Leclerc en bas de chez moi et qui peut se boire avec à peu près tout, il suffit de varier la température. Il est très léger tout en titrant un bon 12,5 degrés. Le bouchon est en liège et pas dans cet espèce de plastique infâme gâchant tout le plaisir d’ouvrir une bouteille et impossible à remettre si on n’a pas fini la bouteille ce qui oblige à la finir. Il est à un prix abordable mais ce n’est pas vraiment un critère de choix. Ca le serait si, comme d’autres, je consommais trois litres par jour mais avec une bouteille par mois au maximum, j’ai d’autres préoccupations.

Ce qu’il y a de bien avec le Chinon c’est que vous pouvez le mettre une demi-heure au frigo avant de manger… et éviter tout protocole de « mise à température ambiante » et « d’aération ». Avec CE Chinon, vous avez très peu de risque de tomber sur une mauvaise bouteille.

La publicité était gratuite. N’en achetez pas, ça va faire monter les prix.

Beaucoup de Franchouillards se vantent de connaître le vin. Je n’ai pas ce snobisme de ceux qui jurent préférer le Bourgogne au Bordeaux où l’inverse mais qui continuent à ranger le Châteauneuf-du-Pape dans les Bourgognes alors que tout le monde sait que c’est un Bordeaux élevé en Champagne et mûri dans le Muscadet.

Il y a des études qui ont montré qu’en bandant les yeux à des œnologues chevronnés, ils étaient parfois incapables de faire la différence entre un rouge et un blanc s’ils sont servis un peu frais. J’ai des copains amateurs de blanc. Dans un bistro, ils prendront du Sylvaner et dans d’autres du Sauvignon car ils connaissent bien les bistros en question. Il y a souvent plus de différences entre le Sylvaner de deux producteurs voisins qu’avec un Sauvignon. N’essayez pas avec du Muscadet et du Sancerre…

Je resterai poli avec vrais œnologues quand le prix de ce breuvage sera revenu à ce qu’il devrait être et les producteurs ne profiteront plus du fait d’en vendre au Japon pour multiplier par 10 les prix du Beaujolais Nouveau, aimable pinard dont le seul intérêt est l’ambiance festive qui accompagne sa consommation.

Je connais des gugusses qui se payent des belles bouteilles rien que pour faire chier leur épouse qui a passé la matinée aux fourneaux pour que les invités mâles s’esbaudissent par chauvinisme et principe devant le pinard et oublient la bouffe pourtant savoureuse.

J’ai une particularité : quand le vin n’est pas bon, au restaurant ou chez quelqu’un, je le dis. Je connais des individus qui se forcent à boire du vin bouchonné pour ne pas faire de la peine à leur hôte ! L’hôte en question goûte alors le vin mais comme l’autre n’a pas osé dire qu’il est bouchonné, il préfère fermer sa gueule pour ne pas le vexer. Tout le monde boit ce pinard dégueulasse (je ne connais pas grand-chose de pire que du vin bouchonné) et le repas en est foutu !

Ca m’est arrivé deux fois récemment au cours de déjeuners de travail. Vous savez, le type de bouffe qu’on a en séminaire. On bosse de 10h à 13h puis on passe à table dans une salle réservée pour nous et on y reste trois heures en discutant de la conjoncture économique.

La première fois, j’ai pu parler avant que les autres ne commencent leur verre. La dernière fois, j’étais en face du Directeur Général de ma boite qui s’extasiait sur le pinard. Je ne pouvais pas dire au type chargé d’assurer ma promotion et mes augmentations qu’il avait le palais défoncé.

C’est après le repas que j’en ai parlé à la collègue qui était à côté de lui et qui m’a confirmé s’être forcé à finir son verre… et qui avait bien rigolé quand elle avait remarqué que j’avais filé la bouteille à un collègue un peu plus loin en insistant pour qu’il serve les autres… J’ai alors pu finir mon verre d’un coup sec en manquant de vomir sur le Directeur Général ce qui aurait nuit à mon image de marque… mais m’a permis d’appeler le serveur pour avoir une bouteille neuve.

Je vais écrire une page de savoir-vivre. Prenez des notes. Quand vous êtes à table et qu’on vous sert le vin, dépêchez-vous de faire semblant d’être très connaisseur. Vous prenez le verre immédiatement, faites tourner le vin dans le verre pour la frime en l’orientant vers une source de lumière, puis mettez le sous votre nez et sentez. Souvent, un vin bouchonné se détecte à ce stade. Trempez alors vos lèvres délicatement dans le doux breuvage. S’il est bon, vous dites une connerie, comme « Excellent choix, chez Désiré, je vous reconnais bien là ». S’il est bouchonné ou si vous avez un doute : « Mon Dieu ! Je n’aurais pas du prendre une cuite hier soir en regardant la finale avec les amis. J’ai le palais défaillant. Je trouve une odeur de bouchon à cet excellent cru. ». Tout le monde se précipitera sur son verre et il y en a bien un ou deux qui dira « Mais vous avez parfaitement raison, mon Cher, ce vin sent légèrement le bouchon, qu’en pensez-vous Désiré ».

Ainsi, il vaut mieux réécrire quelques pages du savoir-vivre en se précipitant sur son verre que de se taper du vin dégueulasse.

Pareil au restaurant. Au moment où le loufiat se radine : « Qui désire goûter ? », faites un sourire idiot et un petit geste de la main très rapidement pour être désigné volontaire. Les autres n’oseront pas vous contredire… et comme vous n’aurez rien dit, ils ne vous prendront pas pour un mufle. Vous êtes la personne qui s’est délicatement sacrifiée pour prendre le risque de décider si le vin est bon ou pas. Vous avez alors tout le loisir de refuser le vin. Si vous ne savez pas ou pensez qu’il est bouchonné, faites une grimace et dites : « Ah ! Je ne sais pas, qu’en penses-tu Maurice, tu peux goûter aussi ? ». Ainsi, quel que soit le résultat, si le vin est bouchonné, c’est votre collègue Maurice qui portera la responsabilité soit de refuser la bouteille soit d’avoir forcé les gens à boire du vin dégueulasse !

Mais si vous ne vous arrangez pas pour goûter le vin à la place des autres, dites-vous bien qu’ils s’y connaissent encore moins que vous… et qu’ils risquent de commettre l’irréparable.

Tiens ! Tant que je suis au restaurant, un petit conseil. S’il fait chaud, boire du Bordeaux ou du Bourgogne sera un calvaire mais il y a une forte probabilité pour que le type qui commande – et paye – le vin se croit obligé de prendre une bouteille à 50 ou 100 euros pour frimer et faire croire qu’il s’y connaît. Ne vous laissez pas faire ! Orientez franchement le choix. « Tiens l’autre jour, j’ai bu un Pinot Noir un peu frais, c’était délicieux et comme Marie-Thérèse a pris des Saint-Jacques, ça passerait à merveille avec tous nos plats ».

De toute manière, s’il fait chaud, c’est que c’est l’été. Vous aurez donc pris un pastis en entrée ce qui vous aura tué le palais et Marie-Thérèse en boit pas car elle conduit. Autant prendre un vin léger même s’il ne va pas avec les Saint-Jacques.

Je me rappelle une fois où j’avais aidé un couple de copains à déménager. Pour nous remercier, ils nous avaient invité à manger le soir de très bons plats que sa mère à elle avait commencé à concocté dès que nous avions fini d’aménager la cuisine. Ils avaient acheté du Bordeaux assez haut de gamme. C’était il y a quelques années (presque dix), un soir de juin. Ils faisaient une chaleur à crever, type 25 degrés. Nous rêvions tous d’une bonne bière fraîche et d’une bonne douche… Non. Il fallait se taper un dîner préparer amoureusement par la mère de la femme d’un pote. Le pinard était à température ambiante. Avec un peu de cannelle, on se serait cru au ski…

Les convives n’osaient rien dire. J’ai craqué… et réclamé des glaçons… A la stupeur générale. Tout le monde m’engueulait ! « Ah ! Tu ne vas pas mettre des glaçons dans du rouge, surtout un bon Bordeaux comme celui-là ». J’ai eu gain de cause en menaçant de ne boire que de l’eau. La copine a amené des glaçons. Tout le monde m’a méprisé pendant trois minutes… avant d’en mettre également.

Rappelez vous donc de ce principe : il y a une forte probabilité pour que les gens qui vous accompagnent s’y connaissent encore moins que vous…

Vous comprendrez peut-être pourquoi je bois de la bière.