Un film de George A. Romero (2008 - USA) avec Michelle Morgan, Joshua Close, Amy Ciupak Lalonde, Shawn Roberts, Nick Alachiotis
Pas mal pour un énième film de zombies...
L'histoire : Des jeunes étudiants en cinéma sont en train de réaliser un petit film (sur des zombies...). Les JT rapportent parallèlement de bien étranges nouvelles : des personnes décédées depuis peu seraient revenues à la vie et auraient violemment agressé les personnes qui les entouraient. Canular ! s'exclament les uns. Et si c'était vrai ? se demandent les autres... Les cas se multiplient, et les jeunes gens décident de rentrer sur le campus. Sur la route, ils rencontrent eux-mêmes des morts-vivants... Le doute n'est plus permis et chacun veut prendre des nouvelles de sa famille. Mais tout est déjà dévasté, déserté, et il faut échapper aux zombies qui tentent de mordre la chair fraîche. Jason filme tout ce qu'il voit. Ses copains le trouvent morbide et voyeur. Il rétorque qu'il veut laisser un témoignage authentique car les gouvernants ne vont pas manquer de déformer les informations au plus vite pour faire cesser la panique.
Mon avis : Ce n'est que la deuxième fois que je vois un film de Romero, un cinéaste dont j'ai pourtant beaucoup entendu parler. J'ai vu il y a peu Incidents de parcours, qui ne m'a guère emballée. Ce film est plus récent, j'ai tenté. Et ce que j'ai vu m'a bien plu.
Au début, j'avoue avoir eu un peu peur. A cause du titre, pas des zombies ! On en a soupé, ces temps-ci, des films, téléfilms et séries sur le sujet ! Je craignais très fort de m'entendre raconter la même histoire que d'habitude. Ce qui est le cas... MAIS avec une belle originalité, et sur le fond, et sur la forme.
The diary of the death est un found footage : filmé comme s'il s'agissait d'un amateur qui tient la caméra, plans de traviole, mouvements saccadés qui accompagnent la marche, montage pas finalisé, etc... Romero, 64 ans, adopte une façon de faire très contemporaine ; et imagine comment serait propagée l'information sur les réseaux sociaux ; j'ai trouvé ça assez cool. Et puis, justement, du mort-vivant à cette sauce-là (si je puis dire), on n'en avait pas eu. Ensuite, j'ai été étonné par le fond qui, s'il réunit son pesant de gore et de beurk, s'interroge aussi sur nos pulsions et les travers de notre société : voyeurisme élémentaire (l'accident de la route) ou sophistiqué (je filme pour témoigner...) ; manipulation de l'information par les gouvernants ; le virus qui met tout le monde d'accord : il s'en fout des frontières et des races ; l'indécrottable cruauté humaine (la dernière scène est édifiante) ; avec la réplique finale de la narratrice, qui clôt en beauté toute l'affaire : Méritons-nous d'être sauvés ? A vous de me le dire... Grandiose ! Depuis le temps que je l'attendais, cette réplique, dans un film apocalyptique !
Alors, bien sûr, du zombie, on en voit et on en revoit... vers la moitié, une légère lassitude s'installe... mais de bonnes pistes de réflexion reviennent finalement vous cueillir et on va jusqu'à la fin du film sans bailler.
Les critiques ont d'ailleurs très bien accueilli le film : "Un film magistral et audacieux qui confronte la génération Youtube à une nouvelle invasion de zombies." (Charlie Hebdo) ; "Derrière [un] discours sans ambiguïté se cache un formidable film d'action. Diary of the Dead est un western (...), mais un western situé au temps de la surabondance d'informations et de la transparence généralisée." (Le Monde) ; "Romero se montre toujours aussi inspiré dans le registre de la cruauté poétique." (Les Inrocks) ; "Une fable féroce où l'Amérique de l'ère Bush junior en prend pour son matricule." (20 Minutes) ; "Le scénario (...) est d'une lucidité rare. (...) A cette réflexion pertinente, entretenue par une action qui ne se relâche jamais, s'ajoute une déclaration d'amour au cinéma d'horreur." (Le Journal du Dimanche)... N'en jetez plus, la cour est pleine ! Quelques détracteurs cependant rappellent que c'est du vu et revu... Je suis moi-même un tout petit peu partagée...
A noter quelques caméos, audio ou vidéo, de... Romero himself, Quentin Tarantino, Guillermo Del Toro, Stephen King, Wes Craven... Je vous calme tout de suite : pour ma part, je n'en ai repéré aucun !
La seule chose, et ça fait un bon moment que je me pose cette question, c'est : mais qui donc a inventé le film de zombies et pourquoi ce succès phénoménal ?
Au début, il y a le mort-vivant. Une créature qui existe depuis la nuit des temps, dans toutes les cultures, puisqu'elle représente la peur de l'homme vis-à-vis de la mort (et si on m'enterrait alors que je ne suis pas tout à fait mort ?) et sa répugnance (comme ça doit être horrible de voir un cadavre se mettre à bouger). Le mythe du vampire est un peu le même ; d'ailleurs Bram Stoker appelait le sien, Dracula, the undead, le non-mort = mort-vivant donc. Le zombie tel que nous le connaissons vient à la fois de la tradition vaudoue haïtienne pour le nom seulement (car le zombie vaudou ne mange rien et il est sous le contrôle d'un sorcier) et de l'Europe médiévale pour la légende. Contrairement au vampire, il n'est pas beau et éternellement jeune : c'est un cadavre, avec un corps en état de décomposition, revenu à la vie pour x raisons (principalement de nos jours : un virus) et son unique but est de dévorer de la chair humaine. A partir de là, vous avez un tas de variantes.
Le tout premier film de zombies est White Zombie de Victor Halperin en 1932, qui sera repris maintes fois ensuite pendant trente ans. Le zombie est un mort qui obéit à celui qui lui a redonné vie.
Et c'est George A. Romero qui renouvelle le genre en 1968 avec sa célèbre Nuit des morts-vivants (que je n'ai point vu... grossière erreur) ! Il invente le nouveau zombie, qui mord les humains et les contamine du même coup. Il dit s'être inspiré du roman Je suis une légende, apocalyptique. Il en a ensuite fait plusieurs autres, dont ce récent Diary of the Dead. On peut dire qu'il s'est vraiment attaché à ses petites créatures !
Maintenant, je me pose encore une autre question : La nuit des morts-vivants, Je suis une légende (roman de Richard Matheson), Le fléau (roman de Stephen King), The walking dead (série américaine, elle-même adaptée d'une BD ) ou bien encore 28 jours plus tard, film de Danny Boyle... c'est quasiment la même histoire : un virus, des morts-vivants, la destruction programmée de l'espèce humaine et un récit qui suit quelques personnages en quête de survie. QUI a copié qui ? Si l'on remet dans l'ordre, voilà ce que ça donne :
1954 - Je suis une légende, roman de Richard Matheson (un survivant, dans un monde dévasté par les zombies, infectés par un virus) ; adapté trois fois au cinéma, en 1964, 1971 et 2007 (si l'on ne compte pas un DTV également de 2007).
1968 - La nuit des morts-vivants, de George A. Romero
1978 - Le fléau, roman de Stephen King (mais il avait déjà écrit une nouvelle, qu'il a amplement développée, publiée en 1969) ; une mini-série a vu le jour en 1998 ainsi qu'une BD en plusieurs volumes en 2008...
2003 - 28 jours plus tard, film de Danny Boyle
2003 - The walking dead, BD de Robert Kirkman
2010 - The walking dead, série adaptée de la BD
C'est donc a priori à Richard Matheson que revient l'invention du zombie viral et apocalyptique.
Et pour tout ce petit monde-là, qui nous terrifie depuis soixante ans, la question sous-jacente est : Méritons-nous d'être sauvés ?
Voilà un long billet qui confirme la position d'un blogueur ami, Forbloodsake, chez qui je vais souvent. Il adore le cinéma d'Horreur mais j'aime sa façon de le justifier : ce n'est pas pour le gore à proprement parler, mais pour l'analyse et l'observation les réactions humaines que déclenchent des faits épouvantables. Diary of the dead, c'est exactement ça !
Bon... il ne me reste plus qu'à découvrir le reste de la filmo de Romero...