14 novembre 2014 | Par Yannick Sanchez
Une mobilisation nationale contre l'austérité a lieu samedi 15 novembre à Paris et dans une vingtaine d'autres villes. Partis politiques de gauche, syndicats et associations veulent manifester leur rejet de la politique menée par le gouvernement. Objectif : poser le premier jalon d'une alternative pour les prochaines échéances électorales.
Elle n'a pas encore eu lieu que certains parlent déjà de succès. Des dizaines d'associations, syndicats et formations politiques de gauche ont répondu à l'appel lancé par le collectif 3A (Alternative à l'austérité), né de la manifestation du 12 avril dernier contre « l'austérité, pour l'égalité et le partage des richesses ». Prévue ce samedi 15 novembre place Denfert-Rochereau à Paris et dans une « vingtaine de villes », cette mobilisation intervient à la mi-mandat du quinquennat de François Hollande, dans un contexte de rejet de plus en plus manifeste de la politique économique et sociale menée par le gouvernement.
On devrait donc voir défiler, aux côtés du Front de gauche et du NPA, l'aile gauche des écologistes, le parti de l'économiste Pierre Larrouturou Nouvelle Donne, les syndicats (CGT, FSU, Solidaires) et une bonne dizaine d'associations.
« On veut créer des convergences, indique Pierre Khalfa, coprésident de la fondation Copernic et membre du conseil scientifique d'Attac. L'idée est de créer une sorte de mouvement de la société civile contre les politiques menées. Ce n'est pas seulement une manifestation ponctuelle, c’est le produit d’un travail de convergence en route depuis plusieurs mois, depuis la manifestation du 12 avril. » À l'époque, entre 25 000 (selon la préfecture) et 100 000 personnes (selon les organisateurs) avaient défilé dans les rues de Paris pour dénoncer l'austérité. Huit mois ont passé, François Hollande a maintenu son cap, Manuel Valls a déclamé son fameux « j'aime l'entreprise », quand le tout nouveau ministre de l'économie, Emmanuel Macron, faisait ses gammes avec les « illettrés de Gad », quelques semaines après sa prise de fonctions.
Pour ceux qui étaient dans la rue le 12 avril dernier, la rupture avec les socialistes est consommée. Il s'agit maintenant de trouver un nouveau souffle, plus démocratique, porté par une « transformation sociale et écologique ». La convergence opère, du moins celle des mots. Lors du discours de clôture du conseil national du Parti communiste le 9 novembre dernier, Pierre Laurent a pour la première fois exclu l'hypothèse d'alliances futures avec les socialistes.
« Manuel Valls n’est pas, et ne sera jamais le premier ministre de la gauche », a tempêté le secrétaire national du PCF, avant d’invoquer « une nouvelle majorité de gauche, un nouveau contrat de transformation sociale, écologique et démocratique mis en œuvre par un nouveau gouvernement ».
Même le fondateur du parti Nouvelle Donne Pierre Larrouturou, favorable à une baisse des inégalités via un autre partage des richesses, assume le rapprochement avec le Front de gauche et le NPA : « On voit qu’il y a de vraies convergences pour refuser l’austérité. On était des centaines à Amiens contre l’usine des 1 000 vaches, c’est très bien si on est de plus en plus nombreux pour dire que notre pays est en train de crever du manque de débat. » « C'est une manifestation de riposte sociale contre le gouvernement, dit le porte-parole du NPA, Olivier Besancenot. Il y a aujourd'hui une synthèse entre la gauche sociale et la gauche politique. »
Certains restent sur leurs gardes, tel Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche : « Est-on sûr que nos camarades communistes ne vont pas refaire une alliance avec les socialistes en bout de ligne ? J’espère que ce ne sera pas une carabistouille », affirme le ténor du Parti de gauche. « Si l'on en croit les propos tenus par François Hollande en 2006, il devait y avoir un exercice de vérification démocratique à mi-mandat, on l'attend toujours », pointe Alexis Corbière.
C'est pourquoi le Parti de gauche a organisé une votation citoyenne pour révoquer les élus. Pendant 4 jours, dans 75 départements français y compris la Guadeloupe et l’île de la Réunion, 500 urnes ont été ouvertes où chacun pouvait répondre à la question « Êtes-vous favorable au droit de révoquer les élu(e)s ? ». Au total, d'après les chiffres du Parti de gauche,184 892 personnes ont participé à la votation, 181 186 personnes ont répondu « oui », 3 706 ont répondu « non » (soit 98 % de votes en faveur du droit de révocation).
Quelle suite donner aux manifestations?
Chez les écologistes, le message anti-austérité ne laisse pas insensible. L'ancienne porte-parole des Verts Élise Lowy, chef de file de l'aile gauche d'EELV qui a cosigné une tribune sur le site Bastamag intitulée « Sortir de l'ambiguïté », y voit l'occasion de « créer une alternative ». « Ce genre de moment où l'on arrive à faire converger les revendications, ça n'arrive pas si souvent. Maintenant il faut qu'on puisse échanger, pas qu'à gauche d'ailleurs. Il faut une alternative qui soit viable et porteuse d'une mobilisation écologique forte. »Mais comment ne pas rester figé dans une contestation sans débouchés, sans propositions concrètes ? Secrétaire national adjoint EELV, David Cormand pense que la priorité n'est pas à la manifestation. « Je pense que les gens ont bien compris qu’EELV ou que le Front de gauche ne sont pas d’accord avec le gouvernement. Des manifestations communes, ça fait un moment qu’on en fait, le sujet c’est moins de se réunir que de formuler des propositions, analyse le délégué aux relations extérieures. Le premier parti, c’est l'abstention et le deuxième, c’est l’extrême droite. La gauche est très loin derrière. Il faut une offre politique alternative à la droite et au PS mais qui réunit sur des propositions. C’est plutôt à ça qu’il faut réfléchir, plutôt que de se tenir chaud dans des manifestations. »
C'est là que compte entrer en scène Jean-Luc Mélenchon, pour qui la manifestation sera l'occasion de promouvoir le mouvement de la Sixième République (m6r). « Je vous appelle à m’aider dans l’entreprise que j’ai impulsée avec plus de 63 000 de nos concitoyens qui ont déjà donné leur signature à la demande d’une assemblée constituante pour changer les institutions », affirmait-il lors d'un point presse la semaine dernière. Appel reçu par un certain nombre de « socialistes affligés » – du nom du cercle créé par l'ancien eurodéputé Liêm Hoang-Ngoc et le professeur de sciences politiques Philippe Marlière – qui ont décidé de rejoindre le m6r. « Nous sommes des responsables nationaux, fédéraux et locaux du PS et du MJS, nous sommes des mandataires de courants dans les fédérations et les sections du PS et nous sommes tous affligés ! C’est pourquoi, nous répondons positivement à l’appel lancé en faveur d’un mouvement pour une Sixième République » (voir le billet de blog).
La suite se jouera aux élections départementales de mars 2015. Si les responsables politiques restent encore flous sur leur stratégie, tous se disent ouverts au rassemblement. « On est dans l'esprit d'une coalition la plus large possible », affirme le porte-parole des Verts, Julien Bayou, qui pense se joindre aux manifestants samedi. « Aujourd'hui, la relance du Front de gauche à laquelle nous appelions il y a un mois n'est pas ce qui est en train de se passer. Sans dire qu'une telle relance réglerait le problème de la gauche, une non-relance contribuerait à la déprime », déclarait le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, le 5 novembre. Le Parti de gauche planchera lui sur l'écriture d'une charte nationale comme un label qui « correspondrait à des listes citoyennes », explique le conseiller régional Éric Coquerel.
Pour Pierre-François Grond du « collectif Ensemble », le contexte est favorable à un « retour de résistance », mais il ne faut pas brûler les étapes. « Il y a des luttes écologistes, des luttes contre l’austérité et un début de mobilisation jeune sur le meurtre de Rémi Fraisse. Ça doit être une co-construction, il faut que les syndicalistes et les représentants de courant politique soient à égalité. C’est plus efficace au long terme mais c’est toujours plus lent au départ. »