Chaque année à la date du 14 Novembre, le calendrier mondial se met à l’heure du diabète le temps d’une journée. Ce laps de temps de 24 heures, ce n’est malheureusement pas la durée subie par les patients diabétiques. A l’image de l’année 2013 précédente où j‘évoquais « brièvement » mon expérience en tant que Diabétique Insulino Dépendant de Type 1, le choix s’est porté sur une idée. Après 13 années de traitement et d’expérience dans « la vie du diabétique » un constat reste amer s’impose : le diabète est peu connu du public. Quand il l’est, ses idées sont fausses, vagues voire incohérentes. L’image des idées reçues, on le retrouve dans une majorité des productions cinématographiques ou de séries télévisées. En revoyant récemment Memento de Christopher Nolan, la réflexion est née. Des films vus et de mes séries télévisées préférées, combien traitent la question du diabète sans faux pas ?
Aux Etats-Unis, le problème est devenu « un » souci de santé de premiers plans. Les amalgames sont nombreux et malgré son accroissement, les confusions persistent. Parfois, elles sont même apportées par le cinéma. Outre-Atlantique, il existe une « liste de films » où le diabète apparait comme un problème intégré au scénario. Quelques exemples ont été choisis sur le Blog La Maison Musée, allant du meilleur au pire, afin d’aborder un regard passionné sur le médium qu’est le cinéma et l’expérience de la maladie face à de nombreux incohérences …
Le diabète traité avec délicatesse : une vision précise utile
Dans Memento de Christopher Nolan (2000), le diabète est « presque » au 1er plan. Et est évoqué sérieusement mais rapidement.
1°/ Memento de Christopher Nolan, 2000.
A l’origine de la réflexion, ce fut le visionnage de Memento réalisé par Christopher Nolan qui a déclenché notre introspection. A ce jour, il s’agit probablement de l’un des seuls long-métrages Américains à évoquer le problème sans incohérence tout en ayant un intérêt central dans la vie du héros de Memento, Leonard Shelby. Dans sa perte instantanée de mémoire, Leonard se souvient d’un récit qui pourrait être le sien. Un homme qu’il nomme Sammy Jankins, lui aussi atteint de perte de mémoire et ne vivant que par habitude, soignait sa femme souffrant de diabète. Précisément, chaque jour, son épouse lui demandait une aide pour effectuer une injection d’insuline.
Christopher Nolan n’évoque jamais le taux de glycémie, c’est-à-dire l’évaluation du sucre dans le sang, mais tout porte à croire qu’il s’agit d’une diabétique insulino-dépendante de Type 1. Ainsi, la caméra suggère exactement l’état du diabétique : il n’est pas une personne qui est « en manque » ou ayant « trop de sucres » mais une personne qui se soigne à l’aide de l’insuline pour obtenir un équilibre satisfaisant. Tout aussi tragiquement, Nolan choisit de « dramatiser » la maladie avec beaucoup de réalisme. La fin de la femme de Sammy Jankins est celle d’un coma hyperglycémique par une accumulation d’unités d’insuline injectées. Sans prendre parti, sans erreurs et évoqué avec élégance, le diabète agit comme une tension permanente du mini-scénario de Sammy Jankins.
Broken, réalisé en 2012, met en scène Skunk. Une héroine atteinte de Diabète Type 1.
2°/ Broken, de Rufus Norris, 2012.
Le cinéma Britannique indépendant a fait le choix de mettre en avant une héroïne diabétique de Type 1 dans Broken. Une prise de risque certaine mais qui a le mérite d’être récente, constituée d’un casting intéressant (Tim Roth jouant le rôle d’un père de famille; Eloïse Laurence dans le rôle de la jeune fille diabétique de type 1 d’Emily Skunk ) et témoignant d’un certain quotidien de la maladie. Dans la réalité des faits, le diabète sous-entend aussi une existence en oscillations, faite de hauts et de bas moraux.
Pour une fois, Emily Skunk est un personnage âgé de 11 ans prouvant exactement l’inverse de la masse d’idées reçues sur cette maladie auto-immune : cela ne touche pas uniquement les personnes âgées, en surpoids et déraisonnables. Si tout ne tourne pas autour de la jeune fille, la majorité du scénario est aperçu à travers son regard et en partie sa maladie … Jusqu’à la représentation d’un malaise hypoglycémique dans les scènes finales à cause, justement, du manque de considération d’individus (D’une personne en particulier) ignorant la maladie, les symptômes et la manière dont il faut réagir.
Le Parrain III met en scène Michael Corleone (Joué par Al-Pacino) cette fois-ci atteint de Diabète de Type 2.
3°/ Le Parrain III, de Francis Ford Coppola, 1990.
Michael Corleone, le Chef de la Mafia du dernier épisode de la Trilogie Le Parrain, est un diabétique de Type 2. Typiquement, on penserait à un homme ayant passé la soixantaine et profitant calmement des plaisirs de la nourriture. Francis Ford Coppola a respecté l’oeuvre et le message porté par l’expérience de Mario Puzzo, écrivain des trois scénarii de la trilogie Le Parrain. Tragiquement et par expérience, Mario Puzzo a indirectement souffert du diabète par le biais d’un père atteint du diabète de Type 2.
Michael Corleone souffre des mêmes maux que son père avant lui. A un moment précis et selon les mots d’Al-Pacino, son personnage « souffre d’hypoglycémie ». Le fait est tout à fait vraisemblable, celui-ci se restaure à l’aide de jus d’orange et poursuit sa conversation avec un cardinal. Un peu plus loin dans le long-métrage, Michael Corleone est contraint de passer à un schéma d’insulino-thérapie, la gestion de la glycémie devenant de plus en plus problématique sur le court terme et dangereuse sur le long terme. Vers la fin du film, il est question de lésions vasculaires qui auraient conduits Michael Corleone a ses derniers instants. A travers son personnage, l’horizon (peu réjouissant) des complications est retranscrit avec rapidité mais exactitude. Une thématique certes triste pour une trilogie qui mérite un peu plus qu’un détour cinématographique de simple curiosité.
L’effervescence des séries télévisées, une meilleure connaissance des diabétiques ?
Le cinéma est un support qui a gagné à être populaire. Impossible de ne pas penser à l’univers des séries télévisées en plein essor actuellement. En outre, on ne compte plus les épisodes liés à des productions médicales : Dr. House, Urgences, Grey’s Anatony et tant d’autres … Notre connaissance n’est pas exhaustive mais il s’avère que les séries à prétention médicale ne sont pas toujours les mieux placées. Un exemple intéressant, toutefois, retient l’attention dans la démarche « d’expliquer » ce qu’est cette maladie auto-immune.
Christopher Turk (A droite) est diagnostiqué Diabétique de Type 2 … Bien qu’il refuse la maladie dans un premier temps.
Scrubs, Série télévisée Américaine, Saison 4, 2001 à 2010,
Parmi elles, il y a eu la comédie-dramatique-humoristique Scrubs ! De 2001 à 2010, de jeunes médecins dévoilent leurs tribulations dans l’univers très compétitif d’un Centre Hospitalier Universitaire. Le meilleur ami de John Dorian « J.D. », Christopher Turk, est diagnostiqué diabétique de type 2 dans la Saison 4 au sein de l’épisode « My Cake ». L’épisode, particulièrement dramatique, illustre toute la difficulté pour le personnage à accepter la maladie. Ca ne concerne que les autres, les patients, et ne pourrait être en aucun cas « sa » maladie. Sauf que, force est d’admettre que ce n’est pas un choix qui est laissé au personnage. La démarche d’acceptation parait assez réaliste, nécessite plus qu’un épisode et a des répercussions concrètement illustrées dans la suite du récit : Turk mesure de temps en temps sa glycémie; elle occupe quelques-uns de ses excès et en fait référence de façon régulière.
Le diabète et ses idées reçues comme élément de tension dramatique
Non seulement le diabète est assez peu présent dans le monde du cinéma, mais il l’est parfois avec pertes et fracas. La démarche n’est, cette fois-ci, peu utile voire néfaste pour l’audience et est une explication trop peu convaincante dans la narration. Ce mauvais traitement des risques et de ce qu’est véritablement le diabète est en porte à faux avec les réalités. Cela dit, à y regarder de près, tout dépend de réalisations et de décisions scénaristiques mal articulées parfois simplement exécrables et l’absence de recherches sur l’infection. Preuve, encore, qu’il y a du chemin à faire. Même dans l’esprit de « grands » de ce monde …
Pauvre Nicolas Cage. Le voilà cité de nouveau dans la spirale infernale d’une filmographie désastreuse …
1°/ Les Ailes de l’Enfer, de Simon West, 1997.
Nicolas Cage a vu sa carrière déchoir plusieurs fois. Fautes à de mauvais choix de scénarios ou à la contrainte de devoir assurer un revenu financier. Quoiqu’il en soit, parmi les titres clefs à ne pas regarder où Nicolas Cage joue, il y a notamment Les Ailes de l’Enfer. Prisonnier de circonstance, son retour au quotidien le met encore dans de beaux draps puisque des malfaiteurs de circonstance prendront le contrôle de l’avion qui est supposé le ramener chez lui, dans sa petite maison douillette.
Or, un des prisonniers « non-vilains » est diabétique. Selon lui, il lui faut une injection rapidement avant qu’il ne perde la vie ! Quelques minutes plus tard, le voilà gisant près de Nicolas Cage. Une vision totalement déformée, presque inutile et faussement dramatique. Médicalement non renseigné, il y a surtout une idée absolument fausse et troublante pour un long-métrage sans trop de prétentions. Sauf un budget de 75 000 000 de $ et une nomination confirmée aux Razzie Awards de 1998. C’était finalement la moindre des choses!
Dans Panic Room, David Fincher inverse tout à propos de la jeune diabétique incarnée par Kristen Stewart.
2°/ Panic Room, de David Fincher, 2002.
Sortons les violons dans la simplification dramatique offerte par David Fincher. Dans Panic Room, succès au Box-Office avec un peu plus de 196 millions de dollars de bénéfice à l’échelle du monde, le réalisateur livre une vision navrante et confuse du diabète. Là est toute la différence avec Broken.
Dans Panic Room, Kristen Stewart est enfermée dans une chambre forte avec sa mère, incarnée par Jodie Foster. Diabétique de Type 1, on la voit engloutir tranquillement une canette de Soda, quelques morceaux de pizzas … Et sent l’hypoglycémie venir, c’est-à-dire qu’elle souffre d’un manque de sucres après son repas. Pour se soigner, sa mère exige une seringue d’insuline, sans quoi elle perdra la vie ! L’hypoglycémie, au contraire, n’est pas résolue par un apport d’insuline mais par un apport de sucres. Sommet du sommet, ce n’est pas de l’insuline qui est injectée à la jeune Kristen Stewart mais une solution de Glucagon. C’est-à-dire l’inverse absolu d’une seringue d’insuline exigée par la mère! Celle-ci a pour effet de « libérer » le glucose dans le corps d’un individu mais n’est qu’à employer en extrême urgence … De paradoxe en paradoxe, David Fincher se noie dans des erreurs de plus en plus improbables en éparpillant l’attention de son spectateur.
On ne pourra faire pire dans l’adaptation très récente d’Hantzel et Gretsel (2013).
3°/ Hansel et Gretel : Witch Hunters, 2013, Tommy Wirkola.
Succès paradoxal en termes d’entrées par rapport à la qualité de son récit, Hansel et Gretel n’a que très peu d’intérêt. Si ce n’est, peut-être qu’une aberration supplémentaire. Dans cette réinterprétation du Conte, Hansel souffre de diabète. On cherche encore l’intérêt d’avoir intégré la problématique de la maladie tant le détail parait abêtissant. Un soir, en mangeant trop de sucreries, Hansel est devenu diabétique. Ni plus ni moins. Ce n’est que « de temps en temps », que le personnage doit avoir besoin d’une injection. Seulement occasionnellement, au cas où.
Les illustrations pourraient encore plus dramatiques dans le palmarès « du pire ». Nous nous arrêterons là. Or, sans admettre que le cinéma porte les idées les plus tordues sur la maladie, la représentation du diabète devient floue. De là à admettre une influence sur le public ? Probablement. Mais le monde du cinéma n’est le seul responsable. Il tient à chacun de nous de ne pas répéter simplement: »Je l’ai vu dans Panic Room, ça se passe comme ça! ». Et donc, selon une chaine vicieuse, de ne pas sortir flouer des visions tordues de réalisateurs … Qualifiables de peu consciencieux ?