On l’annonçait comme l’évènement de la rentrée 2014, Rising Star n’aura malheureusement pas rencontré son public sur M6. Grande vedette du MIPCOM 2013 à Cannes, l’émission au format interactif n’a pas séduit.
Ce télé-crochet nouvelle génération est un concours de chant dont le système de vote s’effectue entièrement à travers l’application 6play sur second écran. Le candidat effectue sa prestation devant le mur digital et s’il obtient plus de 70% de votes favorables, il fait lever le mur. Le candidat accède ainsi à la prochaine étape du concours.
Le lancement, le 25 septembre dernier a réuni plus de 3.4 millions de téléspectateurs et 16.9% de part de marché. Mais si les chiffres étaient prometteurs, le soufflé est retombé dès la semaine suivante avec 2.7 millions de téléspectateurs. Les audiences n’ont cessé de s’effondrer par la suite. La finale hier a réuni 1.6 millions de téléspectateurs et 8% de part de marché.
Comment expliquer un tel échec ? N’y a-t-il pas malgré tout des points positifs à l’expérience Rising Star ?
Chronique d’un échec annoncé
Les semaines qui ont précédées le lancement ont été marquées par le « Rising Star bashing ». Sur les plateaux TV, les réseaux sociaux et dans la presse, le message était le même : Rising Star ça passe ou ça casse !
Disons les choses : pour l’instant, #RisingStar n’intéresse absolument pas les internautes.
— Julien Thomas (@Aede) 2 Septembre 2014
Le #Top50 qui fait plus que #RisingStar sur M6, ne vous cassez plus la tête à trouver des concepts
— Julien Bellver (@julienbellver) 22 Octobre 2014
On peut dire que toutes les chances n’étaient dès lors pas de leur côté. Le téléspectateur a été conditionné en amont de la diffusion et avant même d’avoir regardé le premier épisode, il s’attendait à être déçu. Bien sûr, ce n’est pas le seul facteur de l’échec du programme. Le premier critère est sans doute le fiasco du premier épisode. Après les vives critiques en amont, l’émission était attendue au tournant et n’a pas su convaincre. Et pour cause : la mécanique n’était pas rodée.
Les magnétos de présentation des candidats étaient trop longs et le suspens un peu gâché par le fait qu’on y voyait les candidats chanter durant les pré-sélections. De plus, le jury a surjoué les émotions et très vite agacé certains internautes qui n’ont pas tardé à moquer les réactions parfois disproportionnées des jurés. Ces magnétos toujours, véritables boulets pour le programme, ont trouvé leur plus grande faille dans le récit. Comme dans tous les télé-crochets, il y a eu du storytelling, c’est-à-dire, l’art de raconter une histoire au téléspectateur pour que ce dernier soit touché voire qu’il s’identifie au candidat. Dans les premiers épisodes, on a vu défiler beaucoup de candidats donc beaucoup de magnétos. Le récit un peu larmoyant n’a pas pu toucher puisqu’on ne connaissait pas encore les candidats même si on nous proposait de rentrer dans leur intimité. Gênant.
Annoncée comme une véritable révolution, l’émission a déçu lors du premier épisode. Compliqué ensuite de faire revenir le téléspectateur.
Un télé-crochet interactif mais une expérience interactive faible
C’est le plus étonnant, Rising Star est à priori une émission au format interactif. S’il est vrai que le système de vote est fondé sur un dispositif gratuit qui fonctionne sur l’application 6 play et qui utilise une technologie dite de watermarking, c’est-à-dire de synchronisation des contenus entre la diffusion TV et le second écran, il n’en reste pas moins que l’expérience SocialTV demeure plutôt faible.
D’abord, à force de marteler que le programme était interactif, les téléspectateurs ont sans doute oublié l’essence même du programme : le concours de chant. En effet, l’interactivité n’est pas un concept mais un enrichissement. A force de rappeler que « le jury, c’est vous », Rising Star a peut-être perdu une part importante des téléspectateurs qui sont 68% à préférer regarder la télévision de manière passive. Ceux-ci ont pu se sentir exclus.
Par ailleurs, pour les adeptes de la SocialTV le dispositif a aussi pu déconcerter. Apprécier le spectacle, voter et commenter, il y a une surcharge cognitive pour le télénaute. Pour optimiser l’expérience interactive, il ne fallait pas moins de 3 écrans ! Si vous êtes concentré sur un tweet, vous pouvez rater le moment de s’enregistrer pour voter.
Cette conclusion illustre la nécessité de simplifier les dispositifs interactifs pour l’utilisateur. Il y a un défi de démocratisation pour les producteurs de contenu de SocialTV.
Des talents au rendez-vous
Tous les aspects que nous venons de voir ont participé à l’effondrement du programme. Néanmoins, il semble important de souligner que la qualité était au rendez-vous. D’abord, M6 a déployé d’immenses moyens pour faire de ce télé-crochet musical un véritable spectacle. Le décor était majestueux et le mur digital, il faut bien le dire, impressionnant.
Mais surtout, les talents étaient bien là. La finale qui a opposé les 8 derniers candidats a offert un show incroyable tant le niveau était élevé. Si c’est finalement Corentin Grevost qui a été sacré Rising Star, tous pouvaient prétendre au titre. J’ai personnellement été davantage sensible aux artistes révélés par Rising Star que ceux des talent show plus populaires.
A l’heure du bilan, que faut-il retenir ?
Rising Star n’a pas rencontré son public. Pour autant, la chaîne peut se targuer d’avoir récolté une base de données sur les télénautes qui servira à personnaliser l’offre publicitaire et permettra un ciblage précis.
M6 annonçait au lendemain du premier épisode que plus de 3 millions de votes avaient été enregistrés. Or, pour voter, il fallait au préalable avoir rempli une masse d’informations.
Ainsi, si Rising Star a sans conteste été un échec d’audience, la chaîne ressort gagnante du point de vue des datas récoltées.
En outre, il faut souligner la grande réactivité de la part de la chaîne qui a été à l’écoute des remarques des internautes et a su améliorer la qualité du programme au fil des épisodes. Enfin, ce qui me semble le plus important est que la chaîne a eu l’audace de proposer un tel format en prime time et d’innover.
A l’heure où la télévision est en pleine mutation, Rising Star aura servi de programme test et on ne peut que saluer M6 de tenter de se forger une place dans ce nouvel écosystème.