Le nouveau projet stratégique du Grand Port maritime trace les orientations jusqu’en 2019. Trafic de 12 millions de tonnes en vue|
Le second quai de l’anse Saint-Marc, l’une des orientations du projet.
© Photo Pascal Couillaud Publié le 14/11/2014par Philippe Baroux
Le document arrive après deux années de réflexion. C'est le deuxième du genre que rédige la direction de l'établissement depuis son passage sous la tutelle de l'État. Il s'agit de satisfaire à une obligation légale posée par la réforme des ports, en 2008. Mais pas seulement. Ce travail aura aussi été l'occasion d'un temps de pose constructif pour l'équipe portuaire. Au-delà de son périmètre, il associait les entreprises privées qui font les trafics du port au quotidien, comme il s'offrait aussi à la représentation associative du quartier de la Pallice, ô combien sensible à ce qui se passe derrière ces grilles.
ENTRE 2009 ET 2013Les chantiers du premier projet stratégique
Dans le premier projet stratégique élaboré par le Grand Port pour la période 2009-2013, six projets de développement avaient été définis en plus de la mise en œuvre de la réforme portuaire de 2008.
Cinq projets ont été menés à leur terme, et le sixième, lancé en fin de période, court sur celle du second projet stratégique, lequel prendra effet au printemps 2015.
Ces réalisations sont :
Premier quai de l’anse Saint-Marc : 160 mètres livrés le 3 novembre 2011. Il accueille le trafic de vracs solides. Coût : 23,1 millions d’euros.
Aménagement de la digue de La Repentie, en 2012 (1 420 mètres). Le casier se remplit peu à peu pour disposer à terme d’un terre-plein de 35 hectares. Coût : 7,2 millions d’euros.
Sécurisation et modernisation des 45 kilomètres du réseau ferroviaire portuaire. Livré en 2012. Coût : 1,2 millions d’euros.
Aménagement du quai nord du bassin à flot : création d’un vaste terre-plein de 2,5 hectares. Il reçoit les éléments d’éoliennes. Livré en janvier 2013. Coût : 3,9 millions d’euros.
Aménagement en 2013 des accès nautiques, pour gagner un mètre de tirant d’eau en moyenne. Coût : 6,8 millions d’euros.
Aménagement du second quai de l’anse Saint-Marc qui a débuté sous le précédent projet stratégique et qui sera terminé en 2015. Coût : 24 millions d’euros.
Chasse au gaspillage
Ça a phosphoré dur autour de deux ambitions. « Poursuivre l'orientation des aménagements physiques des années précédentes, et l'optimiser. Notre espace est contraint, et nous devons chasser le gaspi… Chaque mètre carré compte », détaille pour la première fois le président du directoire du Grand Port. Il regarde alors vers Chef-de-Baie qui devrait ainsi recevoir un quatrième terminal après le déplacement de l'activité sablière actuelle. Michel Puyrazat poursuit sur le second volet : « Aller plus loin encore dans notre exemplarité sur le développement durable. »Un cap est donc maintenu : l'acceptation sociétale. Ce sabir de technocrate pose l'ambition de faire converger les tracés du développement économique du port et de son acceptation par son environnement, au premier chef, les riverains de la Pallice. C'est dans cette veine que les entreprises portuaires, à travers leur Union maritime, se verront proposer de se raccorder à la charte de développement durable que le Grand Port applique depuis trois ans. Cela annonce-t-il la fin des poussières lors des chargements de céréales… ?
47 actions proposées
Bien d'autres marches sont à gravir. Le projet accouche concrètement de 47 actions qu'il serait fastidieux de détailler toutes. Mais retenons-en quelques-unes, comme, la définition d'un schéma d'aménagement à 30 ou 40 ans. L'actuel document d'orientation, sur la base duquel les grands travaux de trois décennies furent engagés (création des nouveaux terminaux de Chef-de-Baie, de l'anse Saint-Marc et du terre-plein de La Repentie), touche à son terme.Le port générateur d'emplois posera l'ambition d'atteindre 18 000 postes (directs, indirects, et induits) reliés à ses trafics, à l'horizon 2020. Chiffre à rapporter aux 16 400 postes actuels du site et de sa zone d'influence. Sur ces cinq années, le trafic augmenterait de près de 3 millions de tonnes pour atteindre 12 millions. L'un des leviers de croissance est le report modal ferroviaire. Les trains transportent 13 % des marchandises aujourd'hui. Ils seront à 20 % demain. Dans cette approche, l'idée d'une base arrière, dans les terres, fait son chemin, les études sur le contournement ferroviaire nord de l'agglomération, financées au prochain contrat de projet État-Région, seront suivies de près, et « le schéma logistique existant sera cassé ». Le Grand Port irait ainsi voyager du côté des commissionnaires de transport qui discutent avec les clients de l'offre de transport la plus adaptée. L'exportation du cognac par camion jusqu'au Havre, puis par cargo, aura-t-elle encore un sens lorsque le port rochelais aura organisé une ligne régulière dite de « feeder » pour relier les grandes plateformes portuaires européennes ? C'est un autre ouvrage à mettre sur le métier.
S'agissant des trafics que La Rochelle maîtrise déjà, comme celui de la pâte à papier qui arrive d'Amérique du Sud notamment, il s'agira de rester dans la course et d'évoluer en même temps que la taille des navires. L'un des enjeux concerne à ce niveau le terminal de Chef-de-Baie dont les accès nautiques seront creusés et les quais renforcés. « Nous passerons alors de cinq jours par mois où il est possible d'accueillir ces navires, à cinq jours par mois où cela ne le sera pas. »
Plus largement, le Grand Port se posera en plate-forme à haute valeur ajoutée, qui ne retiendra pas seulement le volume de marchandise comme critère de ses choix. Il se voudra plus en prise avec les collectivités locales pour l'accueil des entreprises, et pas nécessairement entre ses murs. Tout en consolidant son atout d'unique port en eau profonde de la façade atlantique, il entend rester compétitif au plan économique.
(1) Le rapport de l'Autorité environnementale et le projet stratégique seront consultables un mois dans les mairies de La Rochelle, annexe de Laleu et de Rivedoux, à partir du 21 novembre.
Une lente gestation de deux ansEntre la première réunion du printemps 2013 et la validation définitive du document qui est prévue en mars prochain, près de deux années se seront écoulées pour élaborer ce deuxième projet stratégique. Le premier du genre (2009-2014) avait été concocté au pas de charge, dans l’année qui suivait la réforme portuaire de 2008 qu’il devait mettre en œuvre, au travers notamment du transfert des outillages du port aux opérateurs privés.
Par cohérence, la durée d’exécution de ce deuxième projet calque le mandat des élus du conseil de surveillance, l’organe exécutif du port, dont il sera en quelque sorte la feuille de route. Sa durée de gestation est justifiée par la démarche de concertation menée de bout en bout.
Dans une première étape, les cadres du port, les membres de l’Union maritime qui représentent les entreprises portuaires, et des commissions du conseil de développement du port (l’organe de proposition), se sont accordés sur la démarche. Après coup, une série d’études a été commandée qui renseigne sur l’exécution du précédent projet stratégique d’analyse de l’hinterland, cette zone de rayonnement du port, ainsi que l’évolution prévisible des trafics, et le retour interne du fonctionnement de l’établissement.
« Un temps de pose »
« Ce fut un long travail de diagnostic. Il nous a permis de nous poser sur nos forces et nos faiblesses, sur les opportunités et les menaces qui pèsent sur notre activité », évoque Michel Puyrazat, le président du directoire du Grand Port. Par la suite, l’équipe de direction a dégagé les orientations stratégiques. Puis, un atelier rassemblait 45 personnes salle publique de Laleu, en avril dernier. C’était le temps fort où furent conviées des personnes extérieures (services de l’État, des collectivités locales, des associations du quartier, dont le comité de quartier et l’association Respire). Ces invités ont exprimé leur représentation du port d’aujourd’hui, et de demain.
Dans un élan supplémentaire, le tout a été digéré pour aboutir à la définition de cinq ambitions à poursuivre, et de 47 actions à engager. Les avis ont enfin été recueillis. Celui du conseil de développement, puis celui du conseil de surveillance. Le projet a ensuite été soumis à l’avis (indépendant et favorable) de l’autorité environnementale, le 8 octobre dernier, qui publiait son rapport dans la foulée. La version finale du projet stratégique sera adoptée en mars prochain.
P. B.