La fille

Publié le 14 novembre 2014 par Lecteur34000

« La fille »

HASSMAN Tupelo

(Bourgois)

Emouvant roman qui raconte une enfance américaine. Non pas sous le mode gnangnanteux si commun dans la littérature française, mais d’une façon réaliste, parfois abrupte. Rory et sa mère vivent dans un quartier déshérité de Reno. Elles occupent un mobil home quasiment insalubre. La mère vit d’expédients, de petits boulots, d’infimes trafics. Rory raconte son quotidien. Dans la proximité de son aïeule. Si près et si loin de cette mère aux absences répétées. Sa vie de petite fille qui pourrait réussir au sein du système scolaire pour peu qu’elle soit en mesure vivre de manière à peu près normale. Sauf qu’aux USA, les très pauvres se voient refuser le peu des moyens qui permettraient de vivre à peu près normalement. Sauf que les salauds se dissimulent un peu partout, en particulier chez le Quincailler qui l’accueille les soirs où la mère s’absente. Violent parfois, toujours sur la corde raide, le roman met en lumière une vie sacrifiée par avance, sans qu’aucune rémission ne soit envisageable. Alors que la mère avait eu, elle, le privilège d’explorer quelques pistes qui auraient pu, peut-être, lui permettre de s’inventer un devenir beaucoup moins sombre.

« Maman n’est jamais parvenue à domestiquer les lettres mais elle ne s’est pas laissé décourager pour autant. Comme preuve, sur nos étagères, on trouve des livres, pas des bougies poussiéreuses ni de la verroterie à trois sous gagnée au Circus Circus, pas de photos de famille ni donnant les mêmes conseils d’un trailer à l’autre : Inutile de me parler avant mon premier café. L’arbre tombe toujours du côté où il penche. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Quand les hommes que maman ramènent à la maison voient les noms alignés sur nos étagères, Kerouac et Kesey, Gilman et Ginsberg, le Bouddha voyageur dans un coin, ils retiennent leur souffle et leur excitation descend d’un cran, ils se demandent s’ils seraient tombés dans une bibliothèque ou si, à force de picoler, ils auraient pas sombré jusqu’au dimanche pour se réveiller à l’église… »