Développés à l’origine pour protéger les femmes en Afrique sub-saharienne parfois dans l’impossibilité de négocier des rapports sexuels protégés, les gels microbicides de première génération s’avèrent en réalité inefficaces voire dangereux, certains favorisant même une augmentation de la transmission du VIH. C’est ce que révèle cette étude, publiée dans la revue Science Translational Medicine, qui met en lumière les raisons de cette inefficacité et propose le développement d’un nouveau virucide qui élimine cet écueil dramatique.
Dans la lutte contre le VIH, les gels microbicides qui peuvent être appliqués par voie topique sur le tractus génital féminin pour protéger contre les infections sexuellement transmissibles et sont présentés comme une alternative efficace aux préservatifs. En effet, un microbicide vaginal efficace permettrait d’apporter aux femmes qui ont des difficultés à persuader leurs partenaires sexuels à utiliser le préservatif, une autre option de prévention contre le VIH. Ces gels microbicides sont censés agir en bloquant l’infection à VIH » à l’entrée « , directement au niveau de la muqueuse par la livraison locale de médicament antirétroviral (ARV) à concentration élevée. Ils sont conçus et testés pour aider à prévenir ou à réduire la transmission sexuelle du VIH mais aussi d’autres infections sexuellement transmissibles. Toutefois, bien que leurs composés actifs soient confirmés comme efficaces en laboratoire pour la prévention du virus, certains essais cliniques utilisant des microbicides apportent des résultats mitigés. Le gel de ténofovir, approuvé par la FDA sur la base de données sur le ténofovir par voie orale pour le traitement du VIH, d’études sur l’animal qui montrent que le gel de ténofovir par voie topique peut prévenir transmission vaginale du SIV et sur les données de l’essai Caprisa (2010) est censé prévenir 40% des infections au VIH. Cette nouvelle étude des Instituts Gladstone, de l’Université de Ulm et d’autres instituts de recherche révèle aujourd’hui que le vecteur de transport principal du virus lors de la transmission sexuelle, le sperme, peut influer aussi sur l’efficacité du gel.
Le sperme est donc désigné ici comme un facteur majeur d’inefficacité des gels virucides, permettant d’expliquer les différences de résultats de médicaments anti-VIH constatées entre les essais de laboratoire et les essais sur l’Homme. Le Dr Nadia Roan, chercheur au Gladstone, professeur d’urologie à l’Université de Californie, San Francisco (UCSF) et co-auteur de l’étude, rappelle que le sperme favorise le processus d’infection à VIH, mais rappelle aussi que jusque-là on ignorait son effet réducteur sur l’efficacité antivirale des microbicides.
Lorsque les chercheurs testent l’efficacité de différents types de microbicides contre le virus du VIH sur des cellules exposées à la fois au VIH et au sperme, ils constatent des taux d’infection à VIH environ 10 fois plus élevés que chez des cellules seulement exposées au virus. Sur les cellules exposées au sperme, les différents virucides peuvent s’avérer jusqu’à 20 fois moins efficaces…
Or le sperme favorise l’infectiosité : En cause dans ce processus, des agrégats ou fibrilles de protéines amyloïdes. Le VIH se lie à ces fibrilles, se regroupe et augmente sa capacité infectieuse ce qui réduit l’efficacité antivirale des microbicides. Il va donc falloir cibler l’amyloïde dans le sperme pour améliorer l’efficacité du médicament. Le concept proposé par les auteurs est donc un microbicide qui combine à la fois un ARV et des composés capables de décomposer ces fibrilles amyloïdes dans le sperme. Il s’agira enfin de bien effectuer les tests de laboratoires avec présence de sperme.
Les implications cliniques de cette étude sont donc essentielles, à la fois pour apporter réellement aux femmes cette alternative prophylactique mais aussi pour toutes les recherches à venir sur les gels virucides.
Source: Science Translational Medicine 12 November 2014 DOI: 10.1126/scitranslmed.3009634 Semen enhances HIV infectivity and impairs the antiviral efficacy of microbicides (Visuel FDA)
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