Logistique et chaîne des fournisseurs, savoir doser la mondialisation
Publié le 13 novembre 2014 par ToulousewebCe n’est pas tout de prôner le bien fondé d’une chaîne de fournisseurs mondialisée, faut-il encore qu’elle fournisse ŕ temps. Et quand bien męme que les fournisseurs, concepteurs/fabricants aient adopté une organisation de production en interne qui leur permet de produire dans les délais, avec la qualité requise et au coűt négocié/imposé, il faut en plus que les pičces, composants ou sous-ensembles qui en résultent rejoignent les lignes d’assemblages – qu’elles soient intermédiaires ou finales - au moment oů l’ensemblier en a besoin pour ne pas induire une rupture dans le processus et que le produit final, soit livré ŕ temps au client.
Lors du tout premier voyage d’études auquel il me fut donné de participer en Chine – un véritable marathon auquel participait une trentaine d’entreprises européennes majoritairement françaises - un des participants acheteur d’un groupe aéronautique de renom a fait ce constat que bien souvent l’obligation de fabriquer ŕ l’étranger pour d’évidentes raisons commerciales et donc de compensations industrielles était entravée par les coűts de la logistique ou une certaine faiblesse dans son organisation :
Un : pendant de longs mois les acheteurs devenus alors plus techniciens/ingénieurs que commerciaux font des aller-retour incessants pour former les partenaires, un suivi qui se poursuit généralement bien aprčs que les pičces ou sous-ensembles soient entrées en production de série. Ce qui agit indirectement mais sűrement sur les coűts.
Deux : les délais et les éventuels aléas d’acheminement desdites pičces ou sous-ensembles vers les chaines d’assemblage final des appareils (de leurs moteurs ou de leurs équipements) sont lŕ pour rappeler qu’il est nécessaire de prendre des marges … ce qui revient ŕ dire qu’il faut constituer et disposer d’un stock tampon… ce qui induit des coűts
Trois : et męme si les constructeurs (avionneurs, motoristes et ensembliers) n’avaient que des fournisseurs locaux (ici il faut entendre européens tellement l’espace se réduit – voir prochainement notre chronique sur Rosetta/Philae - , la logistique tient une place de plus en plus importante.
Ce n’est pas nouveau, mais c’est devenu de plus en plus critique. Car la logistique n’est pas affaire exclusive de production de série et de livraison Ť en juste ŕ temps ť d’un appareil ŕ son opérateur, généralement la compagnie aérienne, mais il peut s’agir des intermédiaires incontournables ŕ savoir les partenaires d’un programme, avions ou hélicoptčres voire męme de leurs exploitants.
Que se passe t-il alors lorsqu’un appareil est cloué au sol et qu’il faille activer justement les services logistiques afin qu’il puisse reprendre les airs dans les plus brefs délais ? Cela concerne tous les aspects de l’exploitation : aviation commerciale pour éviter que des passagers soient bloqués dans un aéroport, aviation militaire afin que la mission d’attaque ou humanitaire puisse se dérouler dans les meilleurs délais, exploitation d’hélicoptčres qui desservent des plateformes pétroličres tant pour le ravitaillement que pour la sécurité des opérateurs, etc. Bref la logistique est essentielle.
En plus la logistique ne concerne pas uniquement la production de premičre monte, ŕ savoir l’approvisionnement matičre premičre et Ť quincaillerie ť de tous ordres, la production des pičces avec les aller-retour entre divers postes voire ateliers d’intervention, l’assemblage et les services sur lignes d’assemblage final, etc., elle porte aussi sur la maintenance, réparation et révision (MRO). Car il faut aussi pouvoir acheminer les composants lŕ oů un avion est cloué au sol (AOG) afin de réduire autant que faire ce peu son temps d’immobilisation. Et pour cela il faut savoir localiser la pičce dans un réseau de plus en plus mondial, ce qui demande de plus en plus d’expertises dans la mise en place de bases d’approvisionnement. Les grands OEM l’ont bien compris et se sont attachés les services d’entreprises de négoce qui sont devenues leurs filiales (Aviall pour Boeing, Satair pour Airbus) ou encore qui ont créé leurs propres réseaux comme c’est plus généralement le cas chez les motoristes, GE et Snecma au travers de leur coentreprise CFM International pour ne citer que quelques exemples.
Mais ces męmes groupes internationaux qui se sont recentrés sur leur Ť cœur de métier ť sont aussi ŕ l’origine d’un secteur logisticien et du développement de spécialistes capables de gérer l’ensemble du processus d’acheminement. Ainsi, en octobre dernier, Airbus Helicopters en Allemagne a confié ŕ Daher-Socata un contrat de logistique globale. De la sorte, Daher opérera ŕ partir du Logistics Center d’Airbus Helicopters de 23 000 m2 ŕ Donauwörth, les services logistiques des lignes de production, de maintenance et réparation des pičces détachées et des opération de rénovation/modernisation d’appareils. Ce type de contrat résulte entre autres de l’offre développée par Daher il y a deux ans de Soutien Industriel Intégré et qui lui a déjŕ permis de sécuriser d’autres volants d’affaires, non seulement avec Airbus Helicopters en France et en Espagne, mais aussi avec CFM International pour l’acheminement des moteurs de Toulouse ŕ Hambourg, de services logistiques pour les produits textiles d’Air France Industries, etc.
Męme son de cloche chez SDV (Groupe Bolloré) qui a développé aussi son propre plan d’attaque du secteur et qui offre ses services aux industriels de l’aéronautique et de l’aviation commerciale. Car peut ętre plus que d’autres, SDV met l’accent sur la MRO en insistant sur les trois modes d’approvisionnement qui prévalent dans ce secteur. Le mode de routine qui concerne le réapprovisionnement, le mode critique caractérisé par un degré d’urgence, notamment dans le domaine de l’AOG et les pičces susceptibles d’ętre réparées (rotables) dans des stations services situées dans le monde entier puis remises dans le stock de pičces de rechanges. Et c’est lŕ que SDV insiste sur la nécessaire traçabilité non seulement du positionnement géographique d’une pičce, mais de son historique.
Les industriels de l’aéronautique qui mondialisent leur production et leurs ventes doivent gérer cet aspect. Ainsi que tous les acteurs qu’ils entraînent sur leur trace, ce qui n’est pas toujours aussi facile que cela pour les PME.
Nicole B. pour Aeromorning