vendredi 16 mai
direction Rennes - 2h03 de train - arrivée 15h15 - retour 21h55
Première édition de la biennale. Ont été mobilisés la Criée, le Musée des Beaux-Arts, l'école des Beaux-Arts, le Triangle, le Grand Cordel... tout établissement ayant trait à la création contemporaine dans la ville. Deux pôles : l'organisation, Art to be et le financement, Art Norac. Une partie des oeuvres ont été produites lors de résidences de 15 des artistes dans des entreprises de Bretagne.
Illustrer "les relations entre art et entreprise" prend des formes variées et contrastées dans la biennale, allant de la collaboration ou l'assimilation à la critique idéologique. Leur point de réunion : le lieu de travail comme toute structure créant du lien social, de l'habitat et de l'activité présente autant de chroniques humaines. L'entreprise prend souvent la forme d'un lieu intime.
Les travaux d'une cinquantaine d'artistes sont rassemblés au Couvent des Jacobins, nouvellement réouvert. Ils se déploient autour du cloître dans les galeries déambulatoires et dans les anciennes salles du couvent attenantes ; les murs sont bruts, marqués par des dépressions d'usure ici, des moulures, des ogives par là. Le lieu est magnifique, on y imagine les déambulations contemplatives des anciens demeurants. Y furent célébrées les fiançailles d'Anne de Bretagne et de Charles VIII! (Aura-t-on le même souvenir attendri dans 500 ans pour le lieu de mariage de Nicolas & Carla? Pardon pour cette niaiserie, mais je trouve cette référence moyenâgeuse digne d'une lectrice de Gala)
La vidéo de Marie Reinert a été mon coup de coeur de l'évènement : explorant le bâtiment des Archives Départementales, elle refigure un passé classifié non visible dans la nouvelle construction colorée au moyen de noirs et blancs saturés ; une monotonie galvanisante, marquée par des mouvements continus et géométriques, entre science fiction et atmosphère antonionienne.
Il y avait aussi la série de photographies de Istvan Balogh Ceshow créant des micro-fictions en deux images, la vidéo de Pierre Huyghe montrant l'inversement d'un vol, la vidéo de Chieh-Jen Chen, Factory, autour des ouvrières d'un atelier de confection.
(je n'ai pas eu le temps de bien tout voir, il y avait beaucoup de choses)
Au musée des Beaux-Arts, Nicolas Floc'h présente un projet impressionnant : pour réaliser un filet monumental en forme de tour Eiffel, il a mobilisé tout un réseau d'industries de pêche bretonnes. Il expose une sculpture multicolore du filet replié, des clichés des ouvriers et du chantiers, des maquettes.
La collaboration d'Iaian Baxter& avec les étudiants des Beaux-Arts aboutit à un ensemble de travaux amusants autour de l'entreprise de Bruno Caron, initiateur de la biennale aka "le roi du sandwich"(Daunat). Tout un étalage de miches de pain, baguettes en discussion, en culture, en gloire... Il montre aussi des travaux plus anciens, dont ses photographies montrant des panneaux "stop viewing".
Au triangle, Benoit Laffiché présente une installation de vidéos sur les chantiers de démolition de deux cinémas en Inde par la même entreprise.
A voir aussi : les panneaux publicitaires occupés par les messages de Jean-Charles Massera un peu partout dans Rennes.
Je suis partie de la biennale avec des questions dans la tête, et en ayant découvert de belles choses. La notion de travail y est souvent abordée comme un questionnement philosophique. L'entreprise elle, est évoquée dans ses aspects les plus poétiques. Je me rappelle il y a longtemps avoir vu une exposition à Genevilliers dans l'ancien bâtiment de réunion syndicale de jeunes artistes de la ville. Et j'avais été frappée par le sentimentalisme développé autour du travail : la nostalgie d'une forme d'intimité qui avait été créée dans ce lieu au fil des années et des rêves de la banlieue rouge. Dans la logique globale actuelle, il est difficile de concevoir l'entreprise de manière affective : le capitalisme est le support de l'individualisme et de la perte de lien social, il est même parfois criminel quand il est sauvage.
La biennale veut véhiculer des idées positives sur le monde de l'entreprise, c'est pour cette raison qu'il y a peu de travaux évoquant les conséquences parfois dramatiques du capitalisme. Elle n'est pas pour autant consensuelle : Bruno Caron a, semble-t-il, une démarche très sincère.
PS : Rien à voir mais il y a une très belle boulangerie face à l'école des beaux-arts, pour la pause. je dis ça parce que c'est un credo personnel : il est dangereux de voir de l'art à jeun.