11 Novembre 2014
Le Premier ministre israélien connaît des moments difficiles. L’agressive bande de Gaza s’est calmée pour le moment, mais Jérusalem est en feu; les émeutes des Arabes de Galilée se multiplient et l'Europe penche résolument vers la reconnaissance d'un Etat palestinien. La politique Netanyahou-Lieberman-Bennett cherchant à éviter un accord israélo-palestinien ne fonctionne plus. Dimanche, le ministre de l’Environnement, Amir Peretz, a démissionné après avoir sévèrement critiqué le Premier ministre.
Il est très probable que la police frappera dur à Jérusalem et en Galilée et supprimera, au moins temporairement, les émeutes. Mais Israël n’a aucune arme viable à brandir contre la vague européenne de reconnaissance palestinienne. L'État de Palestine n’émergera pas de manifestations de rues mais sera fort probablement fondé par les parlements et les gouvernements d'Europe de l'ouest. Les actuelles émeutes palestiniennes vont tout au plus accélérer la dynamique européenne. D'Europe, la vague diplomatique va rejoindre l'ONU et de là, elle affectera la politique du gouvernement israélien. Washington est pour le moment exclu de l’équation, car les États-Unis ne sont pertinents à ce stade là.
La vague européenne de reconnaissance d’un Etat palestinien a commencé il y a moins de trois mois. La Suède a connu un bouleversement politique avec le retour au pouvoir des socialistes. Dans son discours inaugural, le nouveau Premier ministre a annoncé que son pays allait bientôt reconnaître la Palestine comme Etat. Les responsables à Jérusalem étaient furieux, et se sont fait répondre que la Suède reconnaît le droit d'Israël à la sécurité. Sur la base de cette réponse (de routine) suédoise, la stratégie d’Israël a été d’exiger du novice Premier ministre suédois qu’il revienne sur son annonce initiale. La plupart des médias israéliens ont rapporté : "la Suède est revenue sur son annonce."
La réponse froide du ministre des Affaires étrangères suédois, qui a indiqué que Stockholm n’allait pas revenir sur sa décision, n'a pas reçu beaucoup d'attention en Israël. Malgré la pression israélienne, la Suède ne s’est pas rétractée, est restée ferme et, ce faisant, a mis en branle une importante dynamique européenne vers la reconnaissance palestinienne.
La décision suédoise a rapidement rattrapé Londres. Il y a un mois, le Parlement britannique a voté une motion sur la reconnaissance d’un Etat palestinien. Pour nous, militants israéliens pour la paix, il s’agissait d‘un vote historique. Nous avons décidé de faire précéder le vote par une lettre appelant les députés britanniques à reconnaître la Palestine. La lettre, qui a été rédigée en seulement 36 heures, a été signée par 363 Israéliens, dont plusieurs sont bien connus en Israël et à l'étranger. Le résultat du vote londonien a étonné tout le monde: 274 députés ont voté en faveur de la reconnaissance d'un Etat palestinien et seulement 12 ont voté contre.
Jérusalem n’a pas laissé voir sa surprise et a réagi nonchalamment: “C’est un geste symbolique qui ne va pas affecter la position du gouvernement britannique". Même après que le gouvernement suédois a reconnu la Palestine, Jérusalem semblait imperturbable. L'émissaire israélien à Stockholm a été rappelé pour consultations, mais une annonce rassurante n'a pas tardé à suivre: “Nous avons stoppé l'initiative suédoise», a annoncé Jérusalem.
Cependant le momentum suédo-britannique a fait des vagues dans toute l'Europe. Des propositions suggérant l'adoption d'une résolution similaire ont été rapidement présentées aux parlements espagnol, irlandais, danois, français et italien.
Cela pourrait paraître surprenant, mais le camp de la paix israélien, aussi faible soit-il, a une certaine influence en Europe. Les Etats d'Europe occidentale connaissent un grand nombre de ceux qui ont signé la lettre. La gauche européenne a attendu nos paroles. Les organisations importantes des droits de l'Homme en Europe savent qu'il n'y a pas de consensus en Israël contre un Etat palestinien viable.
En attendant, le nombre de signataires de notre lettre aux parlementaires européens augmente continuellement. Jusqu'à présent, 669 l'ont signée, dont des dizaines d'intellectuels, artistes, universitaires, lauréats du prix Israël et politiciens, anciens comme actuels. La semaine dernière, la lettre a été envoyée au parlement espagnol et elle sera acheminée au Danemark dimanche. Ce week-end, elle sera envoyée à la Chambre des communes irlandaise. Dans une semaine, il aura plus de 1000 signatures d'Israéliens inquiets pour l'avenir de leur pays.
Un consensus européen isolerait les États-Unis, qui s’accrochent à une position anachronique en ce qui concerne la Palestine. Une position qui contredit même la politique officielle de Washington, qui soutient une solution à deux Etats. Ainsi, le consensus européen forcera les Etats-Unis à reconsidérer leur rôle dans le processus de paix israélo-palestinien.
Le moteur de l'initiative européenne est l'opinion publique et non les intérêts des gouvernements. C’est l'insistance du public sur les principes qui pourra peut-être sauver l'Israël que nous aimons tant - l’Israël juif, véritablement démocratique.
Alon Liel est membre de la direction publique de l’organisation "B’Tselem" et ancien directeur-général du ministère israélien des Affaires étrangères
B’Tselem est une ONG israélienne et se présente comme le centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés. Le mot B’Tselem (hébreu : בצלם) signifie « à l’image de » et provient du verset 1:27 de la Genèse : « Et Dieu a créé l’homme à [son] image. »
Sa tâche principale consiste à "documenter et informer le public et les décideurs israéliens sur les violations des droits de l'Homme dans les territoires occupés, combattre la situation de déni dominant le public israélien, et aider à créer une culture des droits de l'Homme en Israël"