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"Notre Dame du Fort-Barreau" de Jean-Michel Olivier

Publié le 12 novembre 2014 par Francisrichard @francisrichard

Quand le livre de Jean-Michel Olivier, Notre Dame du Fort-Barreau, a paru en 2008, je n'avais pas encore renoué avec ma boulimie de lectures du temps où j'étais étudiant. Je ne l'ai donc pas lu et j'en ai encore moins rendu compte sur mon blog naissant.

Aujourd'hui, ce récit est publié dans le Poche Suisse. Et je l'ai lu, comme désormais je lis, plus vite que mon ombre...

Thédore Besançon est pasteur. Il fait construire à Genève plusieurs immeubles à vocation sociale dans le quartier des Grottes. A sa mort, sa fille Jeanne hérite de deux d'entre eux, aux 29 et 31 de la rue du Fort-Barreau, et poursuit l'oeuvre entamée par son père: "Elle [en] ouvre les portes aux gens sans feu ni lieu, étrangers de passage, mères célibataires, clochards en rupture de ban."

Avec ses locataires, tout repose sur la confiance: "Elle n'établit aucun contrat. Une poignée de main suffit. Et c'est du bout des lèvres, comme pour s'excuser, que Jeanne mentionne le montant du loyer, dérisoire."

Une amie de Jean-Michel, Théa, occupe, au troisième étage, un des appartements du 31. Mais la venue au monde, inattendue, d'un enfant l'oblige à emménager sur le même palier dans un appartement plus grand. Celui qu'elle laisse est pour Jean-Michel.

Jeanne Stöckli-Besançon - née en 1908, elle a épousé Amin Ernst Stöckli en 1952 - est attachée aux vertus protestantes de modestie et d'effacement: elle aide ceux qui sont dans le besoin et fait en sorte que cela ne se sache pas...

Qui pourrait d'ailleurs soupçonner en cette miséreuse, fagotée comme l'as de pique, la propriétaire d'une cinquantaine d'appartements? "C'est peu de dire que Jeanne ne prête aucun soin à la manière dont elle s'habille. Hiver comme été, elle se balade en espadrilles, jupe de grosse laine, chandail informe, bas mités."

Pendant dix-huit ans, jusqu'à la mort de Jeanne en mars 1996, Jean-Michel va entretenir des relations d'amitié avec celle qu'il appelle Notre Dame du Fort-Barreau, qui aurait pu avoir pour devise cette phrase de Georges Haldas, épigraphe du livre: "Il faut donner beaucoup de soi pour n'être rien.", et qui, toute sa vie, a fait sien ce vieux proverbe indien: "Tout ce qui n'est pas donné est perdu.".

Jean-Michel a raison d'employer l'expression de Notre Dame, en parlant de Jeanne, à bien des égards. Mais, s'il fallait une justification à cet emploi, il suffirait de rapporter cette anedocte (étymologiquement ce qui n'est pas connu mais devrait l'être) de Jeanne, venue un jour sonner à sa porte, "les yeux brillants d'excitation", et lui posant la question: "Savez-vous ce que c'est que la pitié?"

Avant que Jean-Michel ait le temps de répondre, elle poursuit, dans un souffle, rendant hommage à Notre Dame des chrétiens: "La souffrance de Marie diffère de celle de son Fils, comme le corps diffère du coeur. Il y a le martyre du sang, quand on donne sa vie alors qu'on voudrait la garder. Il y a le martyre du coeur, lorsqu'on garde sa vie alors qu'on voudrait la perdre."

Pendant toutes ces années, dont il rappelle les dates qui les balisent et les rencontres qui l'ont marqué, Jean-Michel Olivier écrit beaucoup. Dans la chambre noire qu'il occupe au troisième du 31 rue du Fort-Barreau, sont ainsi nés la plupart de ses livres, mais aussi beaucoup de textes dont il n'est pas satisfait et qui finissent aux vieux papiers.

Après la mort de Jeanne, dont la chanson éponyme de Georges Brassens semble avoir été composée pour elle, Jean-Michel, autorisé à pénétrer chez elle, au 29 rue du Fort-Barreau, y fait une découverte, qui lui permettra un jour de satisfaire son envie, longtemps différée pourtant, d'écrire sur elle, grâce à elle...

Francis Richard

Notre Dame du Fort-Barreau, Jean-Michel Olivier, 112 pages, Le Poche Suisse


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