Face à la génération Goldman et les enfants du Top 50, les artistes « Autour du Nina » ressuscitent comme il se doit les grands morceaux de la diva Simone.
Il paraît qu’il ne faut pas juger à la pochette… il paraît ! Une silhouette tellement familière que son ombre suffit à amener un peu de mélancolie dans les coeurs. La chanteuse fardée des couleurs de l’arc-en-ciel offre toute la palette de ses talents mais en sollicitant la voix des autres. Un peu comme un film choral, tout le monde y met sa touche, dans cet album autour de Nina, certifié comme approuvé par la chanteuse elle-même dans un autographe fait main.
Dans les oreilles : C’est bien calme et très classe. Baltimore sonne comme l’éveil de la lionne en version symphonique avec le trio Bojan Z au piano, Christopher Minck à la basse et Cyril Atef aux percussions. C’est avec un côté world que l’étonnante Lianne La Havas fait vibrer sa belle voix ambrée. Histoire de dire qu’elle est de la même famille que la diva, un brin plus pop. Cet espèce de voyage à Baltimore, bien moins humiliant que pour Nina sonne résolument plus urbain, simple et presque calme. Une version jazzy qui fait la part belle à la facette la plus connue de la star bientôt rattrapée par ses racines.
Dans Sinnerman, c’est Keziah Jones qui rappelle ce côté afro avec des rythmes folk et funk qu’il connaît si bien. En une chanson tout y est : cet esprit live vécu à Greenwich Village et ce ton totalement actuel comme la version samplée par Kanye West. C’est vrai qu’ils sont modernes ces amateurs de reprise 4 étoiles. La prochaine n’a comme tâche que de se mesurer au I Put A Spell On You, standard de Nina Simone. Sophie Hunger se veut hyper sensuelle, langoureuse et presque perverse motivée par les cordes entêtantes et stressantes quand Nina se jouait éperdue. Véritable voyage musical, cet album de reprises est aussi un beau passeport dans le merveilleux du genre. Quand Hindi Zahra impose sa voix à la fois féline et envoûtante sur Just Say I love Him, ce sont les racines latines de la chanson qui resurgissent. Avec cette émotion sincère au fil de la voix, l’interprète de Beautiful Tango est étonnante dans le rôle de la réinterprète parfaite. Plus au nord mais pas totalement plus froid, Gregory Porter endosse un autre rôle dans Black Is The Color (of My True Love’s Hair). Dans des graves donnant la chair de poule, le chanteur devient maître mystique totalement impudique d’une méditation zen dans la chanson d’originaire écossaise.
Mais l’album n’oublie pas les tubes de l’interprète jazz. En tête de gondole My Baby Just Care For Me faisait froncer les sourcils de la diva, Olivia Ruiz lui donne tout le peps de sa version originale sortie de la comédie musicale Whoopee! dans un swing dansant digne d’un titre de Nouvelle Vague. Et puis il y a la chanson indétrônable, passée à la télé, repassée dans les radio- crochets, reprise par Alicia Keys, ou même Muse. Feeling Good avec son statut de forteresse plus révisitée devient la belle reprise de Ben L’Oncle Soul, assez adepte de l’exercice. Plus de cordes déchirantes mais un début acoustique et une fin soul tout en délicatesse qui donne à l’interprète de Soulman l’ air d’appartenir au Rat Pack de Sinatra. A l’inverse, Four Women fait office d’oeuvre interdite. Souvent interdite à la radio, ce portrait de 4 profils féminins sans refrain et bien complexe à interpréter devient dans la bouche de Melody Gardot une ode à l’artiste courageuse. Aussi apaisant mais plus virevoltant Plain Gold Ring, véritable opéra tragique en un acte, apparaît ensorcelant dans le souffle de Youn Sun Nah souvent contrarié mais jamais altéré. Cerise sur le microsillon : Lilac Wine par une Camille presque pas reconnaissable dans ce moment de bravoure d’une douceur incarnée. Comme toujours avec l’interprète de ma douleur, les réorchestrations sont multiples mais cette nostalgie amoureuse évolue vers l’exaltation épanouie, moment de grâce dans une comédie musicale à la Dorothy. Le plus bel hommage rendu à la diva, 11 ans après sa mort.
Concert événement « Autour de Nina » le 16 novembre à 21h dans le studio 104 du Maison de la Radio.