Comme le maquillage outrancier dont s'affuble le mâle Romain Duris (David) dans les premiers jours de sa mue en Virginia, le film est au début maladroit … Suprême habileté ? Car ensuite, l'idée s'affine, comme la silhouette féminine de David, devant la surprise grandissante puis bienveillante de Claire (époustouflante Anaïs Demoustiers) qui ne parvient pas, elle non plus, à surmonter l'absence de son amie et amour d'enfance, son double, son âme soeur Laura. Au milieu, le mari de Claire (Raphaël Personnaz), un peu ailleurs, à peine inquiet, avec toujours un temps de retard.
Le film entend bousculer certaines idées reçues : un homme tout ce qu'il y a de plus hétérosexuel, peut aimer s'habiller en femme sans être attiré par les hommes. Il envie ce qui fait la richesse de la vie des femmes – aimer changer de tenue, choisir des accessoires, se maquiller, se transformer, sentir bon … et qui lui a toujours été interdit. Le choc est survenu après la mort de sa femme, son prétexte est de ne pas priver sa fille d'une maman, il veut jouer les deux rôles …
Border Line, ce film ? Oh combien ! On n'arrête pas de la franchir, la ligne … Jusqu'à l'outrance qui, dans une longue scène de boîte de nuit « trans » et sur l'air de Nicole Croisille « Femme », émeut toute la salle. Car rien n'est plus à sa place et personne ne peut échapper à la réflexion. Après tout, il est vrai que nous, les femmes, nous avons en partage bien des avantages que les hommes n'ont pas. Et les conquêtes de ces dernières années – l'égalité des droits civiques en Occident, le travail, le pouvoir – ne nous ont pas privées du plaisir de faire du shopping, de nous pomponner … et pas seulement pour séduire des hommes. Depuis l'intrusion de la culture « protestante » en revanche, les hommes ne se maquillent plus, ne portent plus de rubans … et apparemment, ça leur manque.
On savait déjà que François Ozon aime les femmes … En voilà une preuve de plus, loin de certains stéréotypes, et même si les spectateurs ricanent … mais pas vraiment franchement. Le mensonge, la honte non assumée, le regard des autres … tout provoque à dessein (des faux-seins?) la gêne … un résultat recherché, hautement revendiqué !
J'y aurai en tous cas glané un bon truc de maquillage des cils : oeil droit : main droite, oeil gauche, main gauche ....