Agnès Ledig : Pars avec lui

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Pars avec lui  de Agnès Ledig   4/5 (31-10-2014)

Pars avec lui (350 pages) est paru le 1er octobre 2014 aux Editions Albin Michel.

L’histoire (éditeur) :

Il y a Roméo, pompier professionnel qui chute très gravement en sauvant la vie d'un enfant. Il y a Juliette, l'infirmière du service de réa où il va tenter de recoller les mille morceaux de son corps et de son cœur. Ils souffrent tous les deux. Roméo de ne plus pouvoir s'occuper de Vanessa, sa petite sœur adolescente, rebelle et fragile. Juliette, d'éprouver des difficultés à concevoir un enfant, dont le désir est plus fort que tout, malgré un compagnon humiliant et violent. 
Il y a aussi Guillaume, un collègue infirmier en quête d'équilibre. Et puis Malou, la grand-mère de Juliette, qui, à quatre-vingt- quatre ans, ne croit plus au hasard depuis bien longtemps. Cette rencontre accidentelle pourrait bien bouleverser le destin de tous ces personnages dont les chemins se croisent et s'éloignent sans jamais se perdre. Puisque c'est d'amour dont il s'agit. Une histoire de vie où des personnages d'une extrême vérité cherchent à se délivrer d'un passé douloureux, trouvent dans le présent et les liens humains les remèdes aux peines de l'existence, et nous enseignent qu'être heureux, c'est regarder où l'on va, et non d'où l'on vient.

Mon avis :

Après avoir éprouvé un vrai coup de cœur pour Juste avant le bonheur (mon avis ici), j’attendais la prochaine publication d’Agnès Ledig avec impatience. Pars avec lui est enfin arrivé en libraire et surtout dans ma boite aux lettres.  J’ai retrouvé avec un immense plaisir sa plume tellement fluide, simple et prenante. Et comme pour son précédent, c’est d’une traine que j’ai englouti ces nouvelles pages.  Les sujets abordés ici touchent, frappent et bouleversent  mais j’y ai trouvé plus de facilité aussi. 

Roméo Fourcade, jeune pompier de 25 ans qui, sur le point de sauver un enfant des flammes, fait une chute du huitième étage. Il survit miraculeusement mais est très gravement blessé. Au service de réanimation, il  tombe sur Juliette Toledan, une infirmière de 36 ans qui va lui donner les soins et les attentions nécessaires pour l’aider à remonter la pente. Juliette  est de ces infirmières qui aiment profondément son métier (et Dieu sait combien il peut s’avérer difficile), elle est bienveillante et forte. Sauf qu’une fois arrivée chez elle, elle révèle toute sa fragilité et un profond malaise…

Ces deux charmants personnages abimés  par la vie transmettent évidemment beaucoup d’émotions. Inutile de cacher qu’ils sont faits l’un pour l’autres et que quoi que la vie leur réserve Roméo et Juliette sont destiné à finir ensembles (et pas forcément dans le mort comme le suggérait Shakespeare avant Madame Ledig). Oui, mais avant que le bonheur les rattrape il va s’en passer des vertes et des pas mûres.  On fait un bout de chemin avec eux et on les suit avec intérêt. On croise  aussi leurs proches, des personnages déconcertants, attachants, touchants et enrageants. Vanessa (l’adolescente difficile de 14 ans, qui cache un profond besoin d’être aimée) , Guillaume (le collègue infirmier qui a eu du mal à trouver sa voie entre pâtissier et infirmier et qui au final a choisi d’exercer la santé mais n’a pas délaissé sa première passion), Malou (l’infatigable grand-mère qui du haut de 84 ans ne désespère pas de trouver l’amour) et Laurent (le compagnon de Juliette depuis cinq ans, un directeur d’agence bancaire bien difficile à contenter au quotidien et qui ne se cache pas de la faire savoir). A travers eux, Agnès Ledig évoques des thèmes forts tels que les violences conjugales et la PMA (Procréation médicalement assistée) et arrive à en parler sans tomber dans la mièvrerie.

« Je l’ai toujours trouvé très beau, même à six heures du matin. Je l’ai toujours troué très beau parce qu’il dégage ce sentiment de cœur sur la main en continue. » Page 263

Il y a beaucoup de douleurs mais aussi de petites joies et de grandes victoires. Plusieurs intrigues s’entremêlent autour de Roméo et Juliette. Même si je les ai trouvées un peu grosses pour certaines, je me suis laissée bercée par les mots d’Agnès Ledig, des mots simples, plein de douceur malgré les aléas de la vie, et surtout très réalistes. Voilà encore un point qui me plait dans ses romans : cette manière d’évoquer le quotidien et l’humain de façon juste, c’est plein de bons sentiments mais jamais mièvre. On se retrouve forcément en l’un  ou l’autre des personnages à un moment de leur vie  (Roméo, par exemple, sur son lit en réanimation évoquait avec une perfection minutieuse ce que j’ai ressenti il y a quelques années après une lourde intervention).

« Mais puisque que mon corps ne veut pas autrement, et puisque ma tête le désire tant… je serais prête à faire le tour en montgolfière pour devenir mère. A partir dans la stratosphère, à nager à travers les mers, voire à vivre un an avec ma belle-mère. C’est pour dire. » Page 15

« Je poursuis l’alternance entre le noir-refuge et le brouillard-souffrance. Surtout quand on me touche. J’ai senti mon lit bouger. Rouler longtemps, tourner, prendre l’ascenseur, rouler à nouveau. J’ai essayé de bouger mon index, mais personne ne l’a entendu. J’espère que l’infirmière de tout à l’heure reviendra vite. » Page 39

Après donc le coup de cœur de Juste avant le bonheur, je reconnais que même si j’ai lu avec grand plaisir Pars avec lui, j’ai été moins charmée, moins bouleversée et moins conquise mais pas pour autant déçue (mon cœur ne s’est pas serré comme avec son précédent, qui avait même réussi à me faire pleurer comme une madeleine). J’y ai trouvé quelques défauts, sommes toute totalement subjectifs (des ficelles un peu grosses, peu de surprises et quelques passages qui tombaient un peu dans l’apitoiement) mais l’ensemble reste un très bon moment de lecture. Le genre qu’on a envie de partagé parce qu’il parle justement de l’humain et qu’il met en exergue le respect et l’humilité dans un style simple.

« - Vous croyez encore au hasard ? Quel conformisme, jeune homme ! Sortez de vos sentiers battus et ouvrez les yeux, il n’y a aucun hasard dans la vie, aucun. Le destin est tracé pour nous et pour de bonnes raison.

-Aucun aucun ?

-A mes yeux, non. Nous sommes la somme de nos choix, mais ces choix, nous ne les faisons pas par hasard. » Page 215

« Nous sommes la somme de nos choix mais aussi de nos non-choix. Il faut assumer, et les regrets ne change pas le passé. Par contre ils ternissent le présent. » Page 348

Agnès Ledig fait partie des treize auteurs retenus par Pocket pour écrire une nouvelle pour les Restos du cœur. A ses côtés dans 13 à table, on retrouve Maxime Chattam, Tatiana de Rosnay, Eric-Emmanuel Schmitt, Marc Levy ou Guillaume Musso. Ce recueil est sorti le 6 novembre au prix de 5€ («Un livre acheté = 3 repas distribués»).