L’oiseau licencieux

Publié le 11 novembre 2014 par Albrecht

L’oiseau devient parfois le support lubrique d’une imagerie licencieuse :
en premier lieu lorsqu’il est seul


Tintinnabulum

Bronze pompéien, 1er siècle ap JC


Le phallus ailé, orné de grelots,  était un porte-bonheur courant chez les Romains. On n’en connaît pas la signification précise : allusion aux performances  ascensionnelles de l’objet, au caractère volage de son possesseur, ou culte de la fertilité  ?


« Purinega tien duro »

Cuivre gravé fin XVème, Italie du Nord, National Gallery of Art, Washington


Dans cette scène érotique exceptionnelle pour l’époque, un volatile à grelot sorti, tel un dinosaure, de la plus haute l’Antiquité, vient rejoindre, sur une sorte d’étagère posée sur une branche, un couple pratiquant une position non orthodoxe.

A noter qu’en italien, le terme « ucello » désigne le membre viril. Nous sommes donc en présence d’un oiseau monstrueux rejoignant un oiseau humain manipulant son oiseau.

Il ne faut pas trop compter sur le texte pour fournir une explication limpide  : la traduction proposée par d’éminents spécialistes se rapproche de « Même si çà les détruisait (pur i (a)nega), que çà tienne dur ».

Une explication serait que les amulettes en forme de phallus ailé étaient une protection contre les mauvais sorts jetés à l’encontre de la virilité.

Voir The Penis Possessed, Phallic  Birds, Erotic Magic and Sins of the Body, ca 1470-1500, Anthony Cantuono, dans The Body in Early Modern Italy, Julia L. Hairston, Walter Stephens, JHU Press, 23 févr. 2010, p 99 et sss

Retenons que l’oiseau qui étend ses ailes avait, bien avant Freud, un rapport avec l’érection.

Léda et le Cygne

Attribué à Boucher, vers 1740, Collection privée


Le long cou du cygne explique sans doute une partie de la popularité du thème de Léda : il est ici exploité sans hypocrisie ni rétraction mythologique.


Vénus sortant de sa couche

James Ward, 1828, Yale Centre for British Art,

Hartford, Connecticut, USA


Dans ce tableau syncrétique, Vénus a dû emprunter un couple de cygnes à Léda, pour compléter  son couple de colombes traditionnel.


L’oiseau privé, dit aussi Le couple et l’oiseau envolé

Boilly, fin XVIIIème, Louvre, Paris


Car un oiseau sans cou peut tout aussi bien faire image : les capacités remarquables étant de se faufiler partout et de se déployer en envergure.

Ici la femme mesure, de ses deux mains, l’écart entre le signifiant et le signifié.


Le Flamant rose

Benjamin Constant, 1876, Musée des beaux-arts de Montréal


Ce tranquille flamant tenté par un pamplemousse pourrait sembler tout à fait anodin, n’était la jarre béante qui lui fait  pendant.


Léda

Jean-Adrien Mercier,août 1929, Archives  municipales, Angers


De la Sinuosité Serpentine d’un cou(p) de Signe…


Le gouter

Icart, 1927


Les assaillants sont ici moins longs, mais plus nombreux.


Carte Postale aviaire

Chicago, vers 1920


L’oiseau monté sur colonne est tenu à l’oeil, flatté d’une main et  mis en garde de l’autre par un index ambigu : lui est-il demandé de se tenir tranquille, ou d’atteindre la taille voulue  ?

Volontiers phallique lorsqu’il est isolé, l’oiseau en couple devient parfois lubrique

Vénus et l’Amour attendant Mars

Lambert Sustris, XVIème siècle, Musée du Louvre


Poussées par la main de Vénus, les deux colombes blanches en sont aux bécots. Sa flèche à la main, Cupidon interroge sa mère  du regard  : est-il  temps de porter l’estocade ?.


La Lascivité (Lascivia)

Abraham Janssens , vers 1618, Collection privée


La lascivité est un mélange:
  • de paresse  – voir l’indolence de la pose  ;
  • de sensualité – voir  le vin ;
  • et d’inclination à la luxure – voir les deux moineaux dont l’un est perché sur l’index et l’autre est perché sur le premier.

Dédaignant les nourritures spirituelles  – le pain  et la la fiole d’eau  bouchée – , la femme emprunte aux oiseaux leur nourriture naturelle : le raisin et les figues.


Le couple d’oiseau renvoie à l’image dupliquée de la femme dans le miroir :

comme si, pour se reproduire,  la lascivité se suffisait à elle-même.


Jeune fille avec des colombes

Greuze, date inconnue


Dans ce dessin très enlevé, deux colombes ont profité de l’émoi de leur maîtresse pour copuler hors de la cage.


Jeune fille avec des oiseaux

Greuze, 1780-82 National Gallery of Art,  Washington


Ici, une jeune fille se dépoitraille devant deux moineaux affamés.

La justification littéraire de cette bizarrerie zoophile est peut être à chercher chez Catulle :

« Passereau, délices de ma jeune maîtresse, compagnon de ses jeux, toi qu’elle cache dans son sein, toi qu’elle agace du doigt et dont elle provoque les ardentes morsures, lorsqu’elle s’efforce, par je ne sais quels tendres ébats, de tromper l’ennui de mon absence ; puissé-je me livrer avec toi à de semblables jeux, pour calmer l’ardeur qui me dévore, et soulager les peines de mon âme ».
Poésies de Catulle, Au passereau de Lesbie, II


La gourmandise des oiseaux pour les poitrines des jeunes filles s’explique aussi  par un point de terminologie :

« Boutons de rose : Pour le bout des tétons d’une femme, qu’on appelle aussi la fraise ».
Dictionnaire comique, satyrique, critique, burlesque, libre et proverbial, Philibert-Joseph Le Roux Beringos, 1752


Exemple d’adaptation  littéraire  :

« Ta gorge est comme un marbre, et la lumière arrose
Sur ses fermes contours deux frais boutons de rose. »
Banville, Les Stalactites,1846, p. 304.


Exemple d’adaptation graphique :

Les oiselets en cage

Illustration de Léonnec pour la revue « Le sourire »

A noter la robe décorée de larges aréoles pour faciliter la compréhension.

A l’opposé de ces encouragements à la luxure, il existe heureusement des couples d’oiseaux exemplaires.

Mars et Vénus, Allégorie de la Paix

Lagrenée, 1770, Geyy Museum, Los Angeles


Ici une colombe mâle apporte, en symbole d’abondance future,  un épi de blé à sa dame, qui a élu domicile dans le casque désormais inutile : le tout sous les yeux attendris des divinités éponymes.

La leçon d’union conjugale

Gravure de Petit, d’après Boilly, début XIXème


Même notion d’exemplarité aviaire dans cette gravure édifiante.



Le chapeau de Monsieur remplace le casque, et ses gants se chevauchent sans vergogne sur le tabouret, tandis que les colombes restent chastes…



… encouragées par Cupidon qui leur fait le signe de la sagesse


Leçon d’amour

Icart, vers 1920


L’Ecole des Oiseaux est encore ouverte au début du XXème siècle, ainsi qu’un peu du corsage il est vrai…

Mélancolie
Icart, vers 1920

Autre cas où la magie des colombes agit sur les décolletés