Hans-Jürgen Lüsebrink : Le livre aimé du peuple. Les almanachs québécois de 1777 à nos jours

Par Manouane @manouane

Les almanachs sont ces petits livres imprimés sur du mauvais papier et qui semblent ne contenir qu’un calendrier affichant les fêtes des saints ainsi que des prévisions météorologiques plus souvent qu’autrement de fantaisie. En fait, ces petits ouvrages sont bien plus intéressants qu’ils ne le laissent paraître.

Avec des tirages pouvant atteindre des dizaines de milliers d’exemplaires, il s’agit du type d’imprimé le plus diffusé au Canada français. L’almanach, probablement dérivé du mot arabe « al manâkh » signifiant livre de comptes, consistait souvent du seul livre, en compagnie d’ouvrages religieux, à se retrouver dans les chaumières de la ville comme de la campagne. S’ils existent toujours aujourd’hui, les premiers ont vu le jour au Canada en 1777 et ont connu leur âge d’or entre 1880 et 1930, et ce, malgré le faible taux d’alphabétisation de l’époque.

Contrairement à leurs pendants anglophones, ces petits livres étaient riches en informations de toutes sortes : un calendrier relatant les événements de l’année précédente, des éphémérides, des renseignements pratiques relativement aux récoltes, à l’hygiène et l’économie domestique, ainsi que des informations sur la culture et la politique. Avec un contenu qui en a fait une « sorte d’encyclopédie populaire évolutive, c’est-à-dire non pas fixe et close, mais inscrite dans le temps, ouverte sur la société et suivant la cadence de l’annuité » (p. 13), l’almanach était destiné « non pas à une lecture et à une consommation rapides, mais à un usage régulier, inscrit dans la durée » (p. 13).

Perçus aujourd’hui comme un genre folklorique, les almanachs ont été fortement ancrés dans les réalités socio-économiques. Ils ont constitués « un des vecteurs de transmission socioculturels les plus importants dans les milieux populaires, tant urbains que ruraux » (p.23). Édités par de grandes maisons d’édition bien établies socialement, les almanachs profitaient de la collaboration d’écrivains et d’intellectuels de premier plan, « motivés à la fois par des raisons économiques et par un projet libéral d’acculturation populaire » (p. 23).

Rédigé par un spécialiste de l’histoire de l’imprimé, cet essai permet de comprendre comment les almanachs ont marqué de façon bien plus importante qu’on pourrait le croire l’histoire des Canadiens français.


Hans-Jürgen Lüsebrink
LE LIVRE AIMÉ DU PEUPLE
LES LAMANACHS QUÉBÉCOIS DE 1777 À NOS JOURS
Presses de l’Université Laval, Québec, 2014, 422 pages