Constantine est une nouvelle série diffusée depuis la fin octobre sur les ondes de NBC aux États-Unis et Global au Canada. Toute l’action tourne autour de John Constantine (Matt Ryan), un exorciste de formation qui se promène d’un bout à l’autre du pays de l’oncle Sam afin d’éliminer des esprits maléfiques qui veulent s’en prendre aux innocents. Le suivent dans ses aventures Chas (Charles Halford), son plus vieil ami qui se révèle immortel et Zed (Angélica Celaya), une jeune femme dont les prémonitions aident la bande à retrouver, puis combattre leurs ennemis. Adaptation des bandes dessinées Hellblazer des DC Comics, Constantine démarre avec un pilote brouillon dont les assises sont aussitôt évacuées dans les épisodes suivants. Mise en scène quelconque, jeux d’acteurs moyens, dialogues à retravailler et un personnage principal « nettoyé » pour être digne d’une chaîne généraliste américaine : on en vient même à regretter Dracula, diffusée l’année dernière dans la même case horaire par NBC.
Faux départ
Au début, Constantine se trouve dans un asile psychiatrique parce qu’il tente par tous les moyens d’effacer un douloureux souvenir de sa mémoire. C’est que suivant une tentative d’exorcisme, il a expédié l’âme innocente d’une jeune fille de 9 ans en enfer et la sienne par-dessus le marché. Mais les traitements médicaux qu’il reçoit sont inutiles et il n’entend pas rester inactif très longtemps puisqu’un autre démon, Fucifer, qui tire sa force de l’électricité qu’il happe, en a après Liv Aberdine (Lucy Griffiths) qui possède un médaillon magique lui permettant de prédire où se produiront les prochaines attaques de démons. Une fois Fucifer neutralisé, celle-ci préfère quitter la ville, encore sous le choc des horreurs dont elle a été témoin. Dans les épisodes suivants, c’est Zed qui s’allie à Constantine et Chas. Elle aussi est capable d’avoir des prémonitions et celles-ci s’avèrent très utiles alors que des monstres cachés au fond d’une mine de la Pennsylvanie terrorisent les employés ou qu’à Chicago, un démon emprisonné dans un disque s’empare de l’âme de ceux qui ont le malheur d’entendre la mélodie lorsqu’elle est jouée.
Rarement on a vu dans ces dernières années un pilote américain aussi peu fidèle à la série qui va s’ensuivre. C’est qu’après une (trop) mure réflexion, la production a décidé de se passer du personnage de Liv, ou de l’interprète à la suite de réactions négatives dans les avant-premières. Personnage pourtant clé dans la bande dessinée, on la remplace dans l’épisode suivant par une autre, avec plus ou moins les mêmes pouvoirs. Comme il aurait été trop cher de tout re-filmer, on a seulement modifié la scène finale où l’on apprend que Constantine juge qu’elle n’a pas les reins assez solides pour l’accompagner. Il lui donne le choix : elle part. Zed n’apporte pas grand-chose de plus, sinon un air blasé qui donne l’impression que l’actrice n’est là que pour toucher son chèque de paye. À ce sujet, Matt Ryan qui n’en est pas à ses débuts au petit écran ne semble pas vraiment à sa place ici. Son accent britannique est inégal au cours des épisodes et son jeu est mécanique, sans enthousiasme.
La mise en scène de Constantine ne marquera pas non plus les esprits justement parce qu’elle n’a pas d’emprunte distincte. On y a fort lorsque viennent des scènes de combat ou un affrontement important, au risque de négliger tout le reste une fois celles-ci terminées. Pour fonctionner, il aurait fallu créer un univers à la fois inspiré des bandes dessinées et très noir vu les sujets et les méchants, à l’image de The Flash ou Gotham respectivement. Le ton général de la série laisse aussi à désirer. Comme l’écrit Matt Fowler dans sa critique : « Stories with demons and possession tend to work best when things are slow and quiet, and that’s just not what’s going on here. » En effet, on met tellement d’emphase sur les effets spéciaux qu’on oublie de créer des tensions et de faire monter la pression, petit à petit, ce où The Strain excellait par exemple.
Héros aseptisé
Les héros de bandes dessinées ont toujours quelques signes distinctifs, que ce soit dans leur habillement, leurs habitudes ou traits de caractères. Un premier aspect associé à Constantine est qu’il a constamment une cigarette au bec. Sur NBC, chaîne généraliste, il est « impossible » d’avoir un héros (même anti-) qui fume. En guise de compromis, on nous le montre donc en train de jouer avec un briquet ou écraser une cigarette… de dos. Imaginons le même traitement réservé à Columbo et le produit en perdrait pour son rhume!
Autre aspect associé au personnage; il est bisexuel, ce qui est rarissime dans l’univers des comics. Mais on a aussi décidé de passer ces préférences sous silence dans la série. En guise de réponse, l’un des producteurs exécutifs, Daniel Cerone s’est justifié en disant : « We’re on network television, so we’re limited to what we can do and what we can show. » Ils étaient limités? Très bien. La contrepartie est que le personnage principal n’a absolument rien d’original. Dans le pilote, on avait un Constantine tourmenté à l’idée d’avoir sacrifié l’âme d’une jeune fille. Non seulement il ne la délivre pas, mais cette trame est complètement évacuée dans les épisodes suivants, si bien qu’on ne comprend toujours pas quels sont ses motivations, ses désirs ou ses objectifs; de quoi le rendre encore plus inintéressant.
Constantine a attiré 4,28 millions téléspectateurs pour son pilote, puis en baisse à 3.06 et 3,01 aux épisodes suivants. Si on peut affirmer qu’une certaine stabilité est en train de prendre forme, l’auditoire est insuffisant pour que l’on puisse envisager une seconde saison puisqu’à titre de comparaison, Dracula l’an dernier a réuni en moyenne 3,2 millions de téléspectateurs en dix épisodes et a été annulé par la chaîne du paon. Par deux fois donc, NBC y est allée d’une adaptation de la littérature, genre horrifique, et se serait cassé les dents. Il serait peut-être temps de donner dans la variété les vendredis soirs?