Mai 2012. Avant même les résultats du deuxième tour des élections, tout le monde sait que la gauche perdra.
La Gauche française, en 5 ans d'opposition n'a su que se ruiner un peu plus de l'intérieur. Ce fut une sorte de pugilat. Un
combat de médiocres. Pas un pour prendre la tête, pas un avec le charisme nécessaire. Au contraire, tous les dirigeants en vue avaient fini par faire scission, à créer leur propre parti, à
s'allier, qui avec Besancenot, qui avec Bayrou, et les plus malins s'était bien sûr
rapprochés du gouvernement.
Seule Ségolène Royale voulait y croire encore, portée par des militants désespérés mais résignés qui voulaient voir arriver le grand soir, le ras-le-bol général, la vague rose...
Mais avant même le premier tour, on savait bien que ce ne serait pas pour cette fois.
Le candidat adverse, c’était encore Sarkozy, bien sûr. Sans surprise, malgré le mauvais mandat, les sondages catastrophiques du début à la fin, les promesses non tenues ou revues à la baisse, le
fameux pouvoir d’achat qui n’a pas augmenté du tout, crise économique oblige, et puis les gaffes, les bourdes, les couacs, les conneries, le bling-bling et tout ce qui fit les choux gras des
humoristes et des caricaturistes avant que ceux-là aussi se taisent, contraints et forcés par des procès à
répétition et des brimades en tout genre.
Il était le plus fort, en campagne. Il avait même appris à serrer des mains, à faire plus peuple. Et quand il prenait des vacances, il savait se faire plus discret. Carla Bruni était parti. Il
était resté inconsolable pendant 6 mois et comme il était impossible de faire la campagne sans épouse, il s’était remarié avec une plus jeune et plus volage encore. Mais peut-être plus écervelée.
Les français étaient donc un peu plus résignés et soumis que 5 ans auparavant. La misère guettait celui qui décidait de sortir du rang et de se révolter. On avait même vu des agents de la fonction publique se faire virer. Deux ans de placard, d’abord, puis la porte sans plus de considération, puisque les fainéants avaient eu
l’audace de refuser des postes (l’un en Roumanie, l’autre à Saint-Pierre et Miquelon.)
Les grèves avaient disparues. Pour le premier mai, les organisations syndicales, complètement corrompues avaient le bon goût de défiler avec des banderoles pro-sarkozystes et vendaient leur
muguet au bénéfice de l’UMP ou du MEDEF.
On ne se révolte pas quand la main qui vous nourrit vous donne la juste pitance pour vous acheter de la viande une fois par an : le boeuf dépassait maintenant les 70€ le kilo. Les salaires
n’avaient pas évolué, alors que désormais un euro valait un peu moins qu’un franc d’avant…On mangeait maintenant grâce aux poubelles des supermarchés.
Les magasins n’étaient d’ailleurs plus aussi achalandés qu’avant. Mais on faisait croire au gens que c’était une politique de décroissance nécessaire à la sauvegarde de l’environnement. On
suggérait aussi que cela évitait les émeutes et les vols…Mais on ne le disait pas aux infos de TF1. Autant dire qu’on ne le disait donc nulle part, puisque les chaînes publiques avaient petit à
petit disparues, à cause de l’interdiction de la publicité…
C’est dans ce climat étrange et déprimant que Charlotte était allé voter, ce dimanche. Sans y croire, mais tout de même pour Ségolène. Elle avait la chance de travailler à son compte, comme
électricienne, et en bossant jour et nuit, en négligeant dimanche et semaine, en ne s’offrant pas de vacances, elle était de ceux qui mangeaient à leur faim. Elle ne roulait pas sur l’or et elle
était sans cesse fatiguée. Elle n’avait pas tellement le temps de se dire que tout allait mal dans ce fichu pays. Elle voyait bien, pourtant, la misère s’amplifier. Elle voyait bien, en hiver,
les cadavres qu’on ramassait avant l’aube, sur les trottoirs, quand elle partait travailler. Elle n’en entendait pas parler à la radio ou à la télé, mais elle sentait bien que ça n’allait pas.
A suivre…
CC