#Rosetta #Europe
Olivier Dessibourg
La comète 67P/Churyumov-Gerasimenko imagée par la sonde Rosetta, à 28,6 km d’elle. 19 septembre 2014, à 500 millions de km de la Terre. (ESA)
L’Europe de l’espace doit son succès à son unité d’action ainsi qu’à la constance de sa vision de l’enrichissement des savoirs humains fondamentaux.
Tout vient à point à qui sait attendre. Attendre longtemps, très longtemps. Mais, en l’occurrence, pour avoir l’opportunité de réaliser une première extraordinairement complexe dans l’histoire de la science: se poser sur une comète. C’est ce que va tenter l’Agence spatiale européenne (ESA), après avoir fait, à la fin des années 1980 déjà, un pari doublement audacieux. Premièrement, celui-ci impliquait d’imaginer, construire et lancer une mission sur une période de plusieurs décennies, à une époque pour le moins incertaine, sachant qu’elle impliquerait plusieurs générations de scientifiques. Deuxièmement, ladite mission ne mettait pas en scène des êtres humains, qui restent de forts vecteurs d’attraction et d’émotions.
Les agences spatiales russe et surtout américaine ont, elles, toujours placé l’homme au cœur de la conquête spatialo-politique. Quitte parfois à imaginer des programmes démesurés, comme «Constellation» de George W. Bush, annulé depuis pour cause de budget gargantuesque. Mais qui ont eu pour effet collatéral de réduire le soutien à d’autres initiatives. Les astrophysiciens européens ne se privent ainsi pas de rappeler que la NASA, si elle a obtenu des succès sur de moyennes missions d’exploration de comètes (Stardust, Deep Impact), s’est retirée de gros projets similaires, tel Rosetta, dont l’agence était partenaire pour co-construire un atterrisseur nommé Champollion, qui n’a ainsi jamais vu le jour faute de financement.
Pour Rosetta, l’ESA a osé investir 1,4 milliard d’euros dans une vision risquée, faisant à nouveau le choix de miser sur l’exploration robotisée de l’espace. Depuis, elle n’a cessé d’affirmer cette option, même si la question de développer un système de vols spatiaux habités lui est parfois posée – et d’ici à 2020, l’ESA devra se positionner à ce sujet par rapport à ses partenaires américains et russes.
Mais pour l’heure, l’actualité lui donne raison. La mission Rosetta est déjà annoncée comme garante d’avancées scientifiques majeures. Que l’atterrisseur se pose sur la comète constituera la cerise sur le gâteau d’anniversaire de l’Europe spatiale, qui vient de fêter ses 50 ans. Une Europe qui – du moins dans ce domaine – doit son succès à son unité d’action ainsi qu’à la constance de sa vision de l’enrichissement des savoirs humains fondamentaux.
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