Le changement majeur pour moi en 2014 fut mon départ de Maruyamaen. Départ en bonne entente, sans claquer la porte en tout cas, mais sans regret. Le but, me consacrer à temps plein à Thés du Japon. Depuis l'ouverture du site il y a plus de trois ans et demi, il faut dire que j'ai fait avec Thés du Japon mon petit bonhomme de chemin, tout doucement, trop doucement même, mais j'ai beaucoup appris, évolué je pense (j'espère). Si tout reste encore à faire, de très bonne base ont été bâties.
Donc, enfin libre pour cette année ''théïque'' 2014, j'ai réussi (l'autosatisfaction commence maintenant) pour la première fois à réunir une sélection qui me satisfasse à 100%. Avec de nouveaux contacts j'ai pu présenté une sélection plus large de thés de Yame, contenant du classique et du moins classique. Je suis très heureux de pouvoir proposer un sencha du jeune M. Kuma (cultivar Oku-yutaka), mais cette sélection de Yame devrait même se peaufiner encore l'an prochain.
D'une manière plus générale, j'arrive à ce qui me semble primordial pour l'avenir du thé japonais : présenter une multitude de thés, tous avec leur personnalité propre, une origine précise (un terroir), un visage. Le contraire de ce qui continue à se faire ici au Japon dans la plupart des boutiques dites « spécialisées », où l'on continue à essayer de fourguer des blends aux origines vagues, toujours moins chers, sans jamais regarder vers le haut.
Diriger des séminaires et ateliers sur le thé japonais pour un public tout à fait débutant, essayer de transmettre quelque chose, de transmettre que le thé c'est bien plus qu'une simple boisson, que c'est un plaisir global et profond, simplement passionnant, est une chose que j'apprécie beaucoup. Il faut dire qu'avec Maruyamaen, les occasions ne manquaient pas, mais aujourd'hui les occasions sont forcement plus rares, difficiles à trouver, mais quand celles-ci se présentent, le faire avec des thés que l'on a soi-même sélectionnés, auxquels on croit très fort est un plaisir incommensurable. Ce sont aussi des occasions de parler non seulement de thé, mais aussi de poteries, de théières en particulier. Là encore, nous avons des objets avec des caractéristiques propres, une origine, un visage.Thés et artisanats sont finalement deux choses très semblables, le fruit d'un savoir-faire, issu de traditions plus ou moins anciennes, des petits fragments de cultures, le visage du Japon je que voudrais montrer et faire apprécier. Pour la suite, des laques, des étains aussi sont au programme, d'autres grands savoir-faire du Japon
Pourtant à l'heure où la gastronomie japonaise est classée au patrimoine mondiale de l'UNESCO, il est effarant de voir à quel point le thé et ce qui s'y rapporte reste ici largement méprisé. Effarant, mais peut être pas tellement étonnant. Je pense que tant que l'on continuera à regarder vers le bas, à penser uniquement en terme de blend et de quantités industrielles, il sera difficile de changer la manière de voir le thé japonais.
Alors de plus en plus, plutôt que de changer la manière de faire, les gros se lancent dans l'exportation vers l'occident. Pourtant le marché étranger c'est un peu plus d'1% seulement de la production japonaise, ce petit pourcentage étant essentiellement composé de thés très bon marché. Et il semble déjà bien saturé. Et puis envoyé des tonnes de thés sans informations, et surtout sans aucune formation pour les vendeurs sur place, cela me semble être une impasse.
Pour d'autres, l'Eldorado c'est le thé noir national. Soit très cher, soit pas franchement bon, je vois là aussi un simple échappatoire. Un petit exemple, il s'est déroulé le mois dernier à Shizuoka une sorte de ''trade-show'' été présentés par les producteurs ou les grossistes un nombre important de thé très variés de Shizuoka. Environ la moitié des thés présents étaient du thé noir ! Je dirais ensuite un bon quart de semi-fermenté, et un petit quart de thés verts.
Mais pourtant, si l'on fait abstraction de la production négligeable en quantité de kama-iri cha, le visage du thé japonais, ce qui en fait quelque chose d'unique, c'est bien le thé vert étuvé. C'est bien ce type de thé qu'il faut soutenir, pousser. Et que l'on veille le vendre au Japon ou ailleurs, la clé c'est la qualité. Mise en avant des producteurs, des terroirs, et surtout des cultivars, il reste trop à faire encore avant d'abandonner. Malheureusement ces voix pour le changement ont bien du mal à ce faire entendre.
Au Japon, la norme est de passer par un grossiste, ce qui est compréhensible dans la mesure où les producteurs ne fabriquent pas un produit fini. Pour bien des raisons, dans un monde idéal, le travail avec un grossiste devrait être bien plus simple, efficace et enrichissant que celui en direct avec un producteur. Malheureusement, rares sont les grossistes à travailler dans le sens qui me semble être le bon. Du blend, toujours du blend. Même si la qualité est au rendez vous, la personnalité manque, les cultivars autres que Yabukita sont rares. Un grossiste idéal devraient être lié avec un certain nombre de producteurs, dans une relation de ''coaching'' (avec une présence sur place, une vraie connaissance de la fabrication du thé), poussant ce cultivateur vers le haut, vers la qualité,en lui assurant d'acheter sont thé, pour ensuite le fournir non mélanger aux détaillants. Mais trop peu travaillent ainsi. Pour cette raison, de plus en plus d'agriculteurs passionnés font la finition eux même, et tentent de vendre leur produits eux-mêmes, devant le désintérêt du marché pour les cultivars et les thés produits en trop petites quantité. C'est vrai partout, mais l'exemple le plus frappant, là ou le système semble le plus rigide, c'est Kyôto/Uji..... (pour mon plus grand malheur, mais en 2015, je vais devoir trouver une solution. )Quelques grossistes éclairés (authentique pros), beaucoup de producteurs passionnés, une bonne recette pour se régaler ! Pour apprendre aussi.
Intéressante entreprise nouvelle cet été cependant, les Nihon-cha Award. C'est une sorte de concours, où sont présentés des thés finis (les concours classiques portent sur des thés brut, aracha, inscrits donc par les producteurs), évaluer sur des critères plus libres, sans rapport (en principe) avec ceux des concours. Producteurs ou détaillants sont libres d'y présenter les thés qu'ils veulent mettre en avant. Sencha, fukamushi cha, kabuse, kama-iri, fermenté/semi-fermentés sont les catégories, plus deux grandes catégories « goût » et « parfum ». J'avoue ne pas vraiment apprécier cette manière de voir. Je ne vois pas pourquoi lorsque l'on boit un thé ou devrait choisir entre le parfum ou le goût. Cela devrait être un tout. Et puis, dans chaque catégorie, même si les critères et standards sont différent, les points qui sont notés sont finalement les même que dans les concours. Bon, disons que c'est une nouvelle tentative, et que les choses évolueront vers un mieux dans les années à suivre. Ne crachons pas dans la soupe, le Oku-midori de Miyakojo (Miyazaki) ainsi que le kama-iri cha cultivar Fuji-kaori de Ureshino présents sur Thés du Japon ont été primé !
Je m'égare un peu. Tout cela pour dire finalement que 2014 fut une année riche en rencontres, changements et que j'ai déjà hâte de voir arriver la saison 2015, avec encore beaucoup de nouveautés.